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Alif Naaba le prince qui chante

-Je veux que les mélomanes découvrent les autres titres de mon album avant de passer à l'acte 3

 

il est l'un des artistes musiciens burkinabè les plus cotés de la scène musicale actuelle. L'un des clips de son dernier opus lui a valu le sacre en début d'année du clip d'or 2007 de la RTB. Prince du royaume de Konkistenga, son humilité malgré son statut, force son admiration chez les Burkinabè. Nous l'avons rencontré en plein festival du cinéma africain, il apprécie.

 

Alif, que représente le festival du cinéma africain pour toi, artiste musicien ?

Alif Naaba : Je pense que c'est un festival qui récompense d'abord tout le travail du Burkina dans le domaine du cinéma, qui est le bienvenu pour toute l'Afrique, pour tous les jeunes cinéastes. Le FESPACO pour moi est également un plateau qui permet aux cinéastes venus de tous les horizons de se découvrir. Pour moi, le Burkina Faso gagne énormément avec le FESPACO, et c'est gagné une fois de plus en terme d'expériences avec ces échanges là qu'il y a, mais pouvoir permettre également aux jeunes qui se sont lancés dans les métiers du cinéma de pouvoir montrer leur talent. En tant qu'artiste musicien, la musique et le cinéma sont deux choses qui vont ensemble. Ça va être l'occasion pour nous de faire connaissance pourquoi pas avec des réalisateurs qui viennent des quatre côtés du monde, et on espère vivement que de ces rencontres là naissent des collaborations.

L'image a pour compagnon intime la musique et dans ce sens, ça peut être aussi l'occasion pour les réalisateurs de découvrir un son au Burkina Faso, une musique et on ne sait jamais quoi ?

 

Justement c'est un musicien qui a été le président d'honneur de cette 20e édition en la personne de Manu DIBANGO, qu'est-ce que cela t'inspire ?

A.N. : Justement cela prouve que la musique et le cinéma sont deux sœurs ou deux frères, et je pense que le choix de Manu DIBANGO, je ne sais pas qui l'a fait mais je dois avouer que c'est un très bon choix. Le monument qu'il est va fêter son 50e anniversaire de vie dans la musique, en même temps, c'est un « berger » de la musique africaine, quelqu'un qui a su mener avec beaucoup de munitie sa carrière. Manu DIBANGO à lui tout seul déjà c'est un film, sa vie est un film, et dans ce sens là, je salus le fait qu'il soit choisi. En même temps je pense que nous qui sommes d'une nouvelle génération, c'est un signe fort pour dire que seul le travail peut amener un jour un homme à mériter un tel honneur pour être parrain du FESPACO parce qu'être un parrain du FESPACO cela n'est pas donné à tout le monde je pense et je suis convaincu. C'est un grand choix et en même temps c'est un signe fort pour dire que dorénavant, le cinéma africain compte sur la musique africaine.

 

Alif, dans nos traditions il est-dit qu'un prince ne chante pas. Toi tu es un prince qui chante, est ce que ce n'est pas une rébellion ?

A.N : Non ce n'est pas une rébellion, c'est peut être une contextualisation des choses par rapport à l'actualité, à l'évolution du monde et des choses. Je ne suis pas le premier, je pense qu'il y a eu des gens qui l'on fait peut-être pas ici au Burkina, mais il faut dire que moi je suis de ceux qui crois qu'il n'y a pas de caste inférieur ou de race inférieure. On nous a toujours dit que, en Afrique, c'est le griot qui chante et que ceux qui sont d'une caste noble ne doivent pas chanter. Je pense que celui qui chante d'ailleurs, c'est quelqu'un qui a une très grande large vision des choses et donc ne doit pas être qualifié d'inférieur. Moi j'ai, en même temps dans ma position vu énormément de chose, j'ai vécu d'énormes expérience et j'ai en tant que jeune africain beaucoup de chose à dire, en tout cas des choses que je vis et que d'autres jeunes également, j'en suis sûr, rencontre parallèlement à moi.

Des choses qui concerne notre vécu de tous les jours, et qui toute fois elles sont dites de manière à nous amener vers le bien, en tout cas peuvent aider beaucoup de jeunes de ma génération. Ce sont des choses que je ne pouvais pas garder. En plus, ma mère n'est pas si vous voulez d'une famille princière. Cette mère là, elle est chansonnière, donc j'ai pris un côté d'elle. Ce qui peut confirmer cette théorie qui dit que les garçons sont plus proches de leur maman et les filles de leur papa.

 

Tu fais partie des artistes qui font frémir par la profondeur de leurs textes et la qualité de leurs mélodies. Alors Alif, d'où tire-tu ton inspiration ?

A.N : On ma une fois dit que, si tu arrives la nuit à 2 heures du matin devant une case, et que dans cette case, il y a une mère et un fils, et qu'elle conseille son fils, si tu écoutes bien, tu va comprendre que ce sont des paroles qui sont à la fois chaudes, mais des paroles qui touchent.

Je veux dire que, généralement, le contact qu'existe entre ces deux (mère et fils), sont des contacts qui touchent l'émotion de chacun de nous. Il y a beaucoup de choses que j'ai vécues avec ma mère et ce sont des empruntes que l'on garde et cela a teinté tout ce que je garde aujourd'hui. Ma manière d'être déjà elle est assez nonchalante, tous cela pour dire cela a ses côtés positifs comme négatifs et je l'admets. Comme je l'ai dit, c'est quelqu'une avec qui je suis resté pendant longtemps et c'est une femme qui a vécu aussi longtemps seule et qui m'a donc, du coup, transmis toute cette solitude, cette mélancolie qu'elle avait. Et mes chansons aujourd'hui, sont recouvertes de tout cela. Je pense que c'est bien parce que, en même temps ça interpelle chacun à écouter et donc à s'intéresser déjà aux textes et la plupart des textes que j'aborde sont des thèmes qui sont portés sur le quotidien, mais en même temps des thèmes qui sont  basés sur des valeurs de tous les jours.

 

Alif, ton titre clipé « Bark Biiga » a été sacré clip d'or 2007. Avec un peu de recul est-ce que tu t'attendais à cela ?

A.N : J'avoue que non (rire). J'ai vraiment pas voulu amener mon clip pour la compétition parce que j'avoue que la musique pour moi n'est pas une compétition. C'est pas une course de vitesse, mais de fond. C'est mon réalisateur, Gédéon VINK qui à deux jours de la clôture du concours m'a appelé pour me dire qu'il faut que je dépose le clip. Et comme j'ai inscrit le clip, et j'avoue que ça été très fort pour moi. C'est encore une fois la preuve du soutien de la part de tous les Burkinabè, de toutes ces femmes et de tous les hommes et jeunes qui ont voté ce jour-là. Pour moi, ce n'est pas un sacre d'Alif Naaba, mais un sacre de la musique burkinabè parce que si ce n'était pas moi, ça allait être un autre Burkinabè. Il faut dire que ce sont des occasions qui consacrent et qui sont consacrées à notre musique et qu'il faut soutenir. Je dis en tout cas que je n'avais pas de mot ce jour-là pour dire merci. Le chapeau revient à tous ceux qui sont dans le clip : la famille KIENOU, l'orphelinat de Loumbila, le réalisateur Gédéon VINK et tous ceux qui m'ont soutenu avec des conseils. « Bark Biiga » c'est la victoire de la bénédiction parentale sur leurs enfants, c'est la victoire de tous les parents et des mélomanes burkinabè.

 

On connaît le prince sur scène, on connaît Alif Naaba dans le milieu du show-biz, mais qui est Alif Naaba à la maison ?

A.N : Je suis comme la grande majorité des Burkinabè. Je suis un fidèle musulman à ce titre j'essaie de respecter mes prescriptions religieuses, mes prières, l'amour d'autrui. C'est vrai je suis occupé par rapport à mon boulot, mais j'aménage mon temps pour être au mieux auprès de ceux que j'aime. C'est vrai que ma vie, on ne peut pas la déconnecter de la musique, mais comme je l'ai souligné, j'arrive à concilier ma passion de la musique avec mes obligations familiales, sociales, etc.

 

On a vu Alif Naaba sur scène avec une grande vedette italienne, comment s'est faite votre rencontre ? Est-ce qu'il y a des projets d'avenir ?

A.N : Cette rencontre s'est faite grâce à un mouvement qui existe au Burkina depuis une vingtaine d'années qui s'appelle le mouvement Shalom dont j'en suis membre. On a eu à travailler sur bon nombre de projets et on essaie souvent de dégager des pistes de réflexions sur pas mal de projets dans le cadre de la lutte contre la pauvreté au Burkina Faso. Je suis également président d'une association. « La cour du Naaba » qui travail dans le domaine de la protection de l'enfant, et le mouvement Shalom soutient. Alors l'idée c'était que, lors de l'inauguration des réalisations de Shalon Burkina, que la grande vedette italienne que je respecte puisse venir au Burkina jouer et rencontrer un artiste burkinabè avec qui il fallait faire une création. On a eu à s'échanger des titres, de ma part « Africa » et elle de sa part « l'achalandré » qui est une chanson qui marche très bien en Italie. On a donc travaillé sur ces deux titres et j'avoue que ça été très enrichissant. Pour moi ça été un moment inoubliable parce que j'ai rencontré des artistes qui ont du cru, et du cran, sur une scène au Burkina c'était vraiment formidable.

 

Un mot sur ton association ?

A.N : « La cour du Naaba », est une association a but non lucratif. Nous essayons autant que faire ce peut, de tirer sur la sonnette d'alarme sur la situation des enfants comme on peut. Aux âmes sensibles de venir à leur aide. Je vais profiter de l'occasion pour remercier tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre nous font confiance en venant chaque fois en aide aux enfants quand nous les sollicitons. Je veux parler de : l'Ambassade d'Allemagne, l'Ambassade de France, Canal + horizon, Celtel-Burkina, l'UNICEF, etc qui ne cessent de nous donner des coup de main pour le bien-être des enfants. Nous espérons être actifs courant 2007-2008 avec l'aide de nos partenaires.

 

A quand le prochain album de Alif Naaba ?

A.N : Je disais il y a de cela quelques temps à quelqu'un qui m'avait posé la même question qu'il ne pouvait avoir de prochain puisque j'estime que l'actuel n'est pas encore fini. Alors, je n'ai pas envie d'être celui qui fait une promotion d'un disque avec un seul titre. Jusque là on l'a fait avec « Bark Biiga » ensuite on a fait « Ce soir » maintenant qui est connu. Mais on a envie de faire connaître d'autres titres dans l'album en même temps qu'on prépare petit à petit les petites sauces du 3e album.

J'avoue que je ne peux pas me mettre dans l'ambiance déjà du 3e album, car il y a déjà celui là qu'on doit consommer encore pour 3, 5, 6 mois voire un an. Cet album « Foo », nous essayons également de le positionner au niveau de l'Europe, c'est dire qu'il peut y arriver que le travail ne se fasse pas au niveau du Burkina parce qu'il se fait au niveau de l'Europe ou au niveau Ouest Africain qui est pour nous aussi important.

Il y a donc du travail qui se fait encore sur « Foo » qui pour moi est un tableau de la vie qu'on devrait pouvoir avoir.

 

En tant que jeune artiste, comment tu vois le milieu du show-biz burkinabè ?

A.N : C'est une question qui me colle, mais je dirais que je suis mal situé pour répondre, mais sur le volet artistique je donnerais mon avis. Je pense que sur le plan artistique le show-biz burkinabè regorge de cru, de très grand cru même. Il y a des artistes qui ma foi ont un énorme talent et je suis sûr qu'avec tout ce talent s'il y a un bon accompagnement, avec le public et avec une politique qui dégage des pistes je crois qu'il y a de grands noms africains et même au niveau mondial qui peuvent sortir du Burkina Faso et ça, je n'en doute pas. D'autant plus que, je connais la jeunesse dakaroise, malienne, ivoirienne, et connaissant encore mieux celle burkinabè, je trouve que, le peu de moyens avec lequel on arrive à hisser des talents, je pense que le Burkina a une grosse réserve qui n'attend plus que les moyens pour marquer le monde de la musique. Ce qui est une grosse chance, cela a besoin d'être accompagné et que la musique burkinabè, soit d'abord l'affaire de tous les Burkinabè. Tous les pays qui ont des artistes de renom international sont des pays ou les populations ont accepté adopter, aimer leur musique, leur culture sans aucun complexe et ça il faut que ça arrive chez nous parce qu'on a une belle culture, et on ne pourra pas aller prendre la culture des autres pour faire nôtre.

A mon avis, la musique burkinabè est sur une lancée tout à fait extraordinaire, et je me demande même souvent si d'ici 5 ans on ne sera pas à un niveau que personne n'aura espéré. A preuve, chaque 6 mois il y a une mutation extraordinaire.

 

Si tu as un vœu à faire pour toi même et pour le Burkina ?

A.N : Pour moi-même, ça sera pour tout le monde en même temps parce que je ne me vois pas seul dans ce Burkina et donc je souhaite beaucoup de paix beaucoup de santé, beaucoup d'amour et qu'à partir de maintenant, qu'à partir de cet interview-là, que chaque Burkinabè n'ait pas et n'ait plus honte de sa culture, accepte ce qu'il est, et qu'on se dise que, ce qu'on a là, ce sont des acquis qu'on sous-estime, mais qui s'avère inestimable ailleurs et même dans les pays riches qui nous jalousent. Nous avons la chance d'avoir beaucoup de chaleur humaine entre nous et je souhaite en tout cas que ce soit notre grosse qualité. Que musicalement 2007 soit une belle année, qu'il y ait beaucoup d'inspiration pour tous les musiciens. Beaucoup plus de moyens pour les journalistes pour qu'ils continuent à nous accompagner.

 

Frédéric ILBOUDO



12/03/2007
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