Expulsion d’immigrants clandestins de Libye :Kadhafi et son double
Expulsion d'immigrants clandestins de Libye : Kadhafi et son double
Si la Libye compte officiellement 6 millions d'habitants, c'est-à-dire environ la moitié de la population du Burkina, on ignore par contre le nombre d'immigrés dans ce pays. Mais selon la Banque mondiale et d'autres sources, il y aurait entre 750 000 et deux millions d'immigrés en Libye ; les plus nombreux étant les Egyptiens, les Soudanais, les Tchadiens, les Nigériens, les Ghanéens, les Nigérians, les Maliens. Il n'est pas négligeable, le nombre de ceux qui y sont installés et y travaillent régulièrement, mais une partie de ces travailleurs serait des clandestins.
C'est certainement pour cela que les autorités libyennes imposent désormais des visas à tous les ressortissants d'Afrique au sud du Sahara. Et depuis un an, toute entreprise libyenne a l'obligation de déclarer l'ensemble de ses employés étrangers. Grâce à cette vaste politique de traque des travailleurs au noir, la Libye aurait expulsé l'année dernière quelque 64 000 ressortissants d'Afrique noire. Des expulsions qui ressemblent, à s'y méprendre, à une rude chasse ouverte aux immigrés clandestins.
Et selon la Fédération internationale des ligues des droits humains (FIDH), 130 Africains noirs sont morts à la suite de ces actes de violence. Pourtant au pays du colonel Kadhafi, la place des travailleurs immigrés dans l'économie est loin d'être minimisable. En effet, certains secteurs économiques de ce pays reposent presque en totalité sur les immigrés. Il en est ainsi du bâtiment, des emplois de gardien, de serveur dans les restaurants et quelque peu dans l'agriculture. Sans ces travailleurs, bon nombre de petits commerces ou de cafés mettraient la clé sous le paillasson.
On se souvient que lors de la précédente grande opération de rapatriement, il y a de cela une année, le secteur du bâtiment est resté confiné pour un temps au ralenti. Comme on le voit, la Libye a besoin de cette main- d'œuvre étrangère qui se contente de peu et qui exécute avec le sourire ce que rechignent à faire les nationaux, mais le pays du colonel Kadhafi est-il prêt pour autant à mettre en place une sérieuse politique d'immigration professionnelle ? Rien n'est moins sûr.
Cependant, il est unanimement admis que c'est la seconde fois en une année que la Libye pratique des expulsions d'immigrés à grande échelle. Nous avons encore en mémoire ces vols charters remplis de nos compatriotes qui, molestés, affamés, ont rongé leur frein trois mois durant dans les prisons libyennes en attendant d'être jetés tels des malpropres hors des frontières libyennes.
Pourtant, selon la convention universelle des droits des travailleurs migrants et de leur famille, toute expulsion décidée par un pays doit se faire selon des procédures de protection de la dignité et des droits humains. Mais le pays de Kadhafi n'en a cure et c'est de manière muselée que les immigrants sont souvent invités à rebrousser chemin.
Peut-être bien que pour cette expulsion-ci, les Libyens y ont mis la forme pour que chaque travailleur clandestin puisse rejoindre le bercail sans être brutalisé et humilié, et ce n'est pas trop tôt. Mais véritablement on tombe des nues en apprenant que ce triste spectacle d'expulsion sans ménagement de travailleurs immigrés nous est servi par le pays de Kadhafi, le panafricaniste, champion toutes catégories de discours unificateurs. Qui l'eût cru !
En effet, en voyant Kadhafi faire le tour du continent africain, cherchant à convaincre ses pairs de la nécessité de la création des Etats-Unis d'Afrique, on pense vraiment au plus grand panafricaniste que le monde ait connu.
Mais à le suivre dans son comportement quotidien, on se rend compte à l'évidence qu'entre ses actes et ses discours, il y a tout un océan à traverser. Le mépris dont sont victimes certains travailleurs immigrés dans son propre pays est en totale déphasage avec le discours du guide sur une "véritable unité africaine".
En effet, on se souvient d'ailleurs de la cour assidue dont les hommes de médias et les décideurs africains réunis pour le sommet de l'Union africaine à Accra en juillet dernier ont été l'objet de la part de Kadhafi pour qu'ils acceptent de le suivre dans son pressant désir de voir mettre en place un gouvernement continental.
Le Guide tenait coûte que coûte à célébrer à Accra la naissance des "Etats-Unis d'Afrique" avec une mise sur pied immédiate d'un gouvernement continental. Nous avons encore en mémoire que c'est en 1999, lors du sommet de Syrte, que la Libye a esquissé sa vision des "Etats-Unis d'Afrique". Il s'agissait de mettre en place un Congrès africain qui déciderait de la politique africaine en matière de défense et d'économie, une Cour fédérale, une Banque centrale africaine, etc.
Pour Kadhafi, il fallait transférer les compétences régaliennes de l'Etat à un gouvernement central avec une suppression des frontières héritées de la colonisation. Ce qui signifie que pour le Guide de la Révolution libyenne, toute idée de visa pour un Burkinabè, un Togolais ou un Malien qui souhaiterait se rendre en Libye ou pour y résider était superflue.
Ce sont là quelques idées fort généreuses qui jurent avec les faits. Et notre désarroi est d'autant plus grand que c'est la Libye qui, tout en ferraillant pour la mise en place d'un gouvernement continental, est, contre toute attente, le pays qui expulse le plus de travailleurs immigrés.
A entendre Kadhafi déclamer quelques belles idées sur le panafricanisme et à voir les traitements réservés sur le terrain à certains travailleurs immigrés, il y a une sorte de hiatus. Et quelque part, on parlerait de Kadhafi et de son double.
Boureima Diallo
L'Observateur
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