Immigration au Burkina Au cœur d’un réseau de trafic de visa
Immigration au Burkina
Au cœur d’un réseau de trafic de visa
Le visa Schengen ou celui des Etats-Unis d’Amérique est un précieux sésame, pour nombre de Burkinabè adeptes de l’immigration. Pour l’obtenir, il faut se conformer aux règles des consulats et prier Dieu. Sinon, il faut se résigner ou alors s’offrir les services des réseaux parallèles aux ambassades pour espérer l’avoir. Des réseaux où l’on vous promet monts et merveilles, contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Des réseaux où corruption, fraude, escroquerie, trafic d’influence et mensonges, se pratiquent au quotidien. Des réseaux où le mode opératoire reste le même. Pendant plus d’une année, nous avons pu investiguer dans un de ces réseaux dont le « boss » est un faux pasteur. Sous le couvert d’une fausse église, T O se livre à une vraie escroquerie
Vol air France AF731 du Jeudi 17 septembre 2009. Il est 20h 45. Ali regarde l’appareil fendre le ciel du Faso, le cœur meurtri, l’âme en peine. Et pour cause, cet avion, lui aussi devait y avoir embarqué pour son eldorado aux Etats-Unis. Hélas pour lui, son « deal » avec le réseau du pasteur a capoté. Pourtant, tout avait été préparé avec « minutie » et il avait toujours aux oreilles les paroles rassurantes de l’ouaille du pasteur, le sieur Leykézé, lui affirmant qu’il n’était pas le premier que leur réseau allait faire partir. Celui qui passe pour être le bras droit du patron de cette « église » lâchait sans cesse : « Depuis que nous avons commencé cette affaire de visa, nous avons toujours atteint notre objectif… ». Ali avait déjà essuyé un échec en suivant les voies légales pour se faire établir un visa à l’Ambassade des USA. Il trouva donc notre proposition à lui faite de passer par le réseau du pasteur, comme une bouée de sauvetage. Nous avions, Ali et nous, conclu une sorte de pacte où chacun avait des objectifs à atteindre. Lui voulait coûte que coûte obtenir un visa pour le pays de l’Oncle Sam. Nous, nous étions mus par des visées d’enquêtes journalistiques avec pour objectif de percer les réalités d’un milieu véritablement maffieux. En mai 2008, nous le mettons en contact avec le sieur Leykézé le répondant du pasteur. Dès lors, avec Ali, nous étions présents à tous les rendez-vous à titre de conseiller. «Si ça marche, moi j’ai mon visa et toi tu as ton enquête »nous avait lâché avec sourire, Ali. L’espoir était né pour lui. Mais pour nous par contre, s’ouvrait un chemin plein d’incertitudes.
L’appât du pasteur, la filière et son fonctionnement
Dans ce milieu, la mise en confiance du « client » est
fondamentale. Si fait que, dès la prise de contact avec monsieur
Leykézé, tout a été fait pour nous séduire, nous rassurer. Des
expressions du genre, « je n’ai pas beaucoup de temps, j’ai d’autres rendez-vous qui m’attendent »,
le téléphone qui crépite à tout moment atteste visiblement que le
monsieur est très sollicité. Et cela rassure même les plus méfiants.
Mieux, Leykézé a réponse à tout. Et quel que soit le document qui vous
manque, on vous rassure :« Que ce soit un certificat de mariage, un
acte de naissance, nous pouvons vous les trouver en un bref délai. Même
si le demandeur est déjà parti à l’ambassade, que le visa lui a été
refusé avec comme preuve le tampon de refus, nous avons un circuit au
niveau des services des passeports. Votre passeport se refait en moins
de 72 heures. Même s’il n’a pas encore atteint sa date d’expiration. »
Pour achever de nous convaincre de sa bonne foi, et de la crédibilité du réseau, M. Leykézé nous a reçus à son domicile : « Je
suis un cadre de la Fonction publique. Il me faut jongler entre mon
service, et les activités du réseau, pour aider les gens. Sur la
douzaine de réseaux qui sont dans le business, plus de 9 sont faux.
Alors dès que tu dis à quelqu’un que tu peux l’aider, tu es vu comme un
escroc. Si j’étais un escroc, je n’allais pas vous recevoir à mon
domicile mais ailleurs. » Affirme-t-il. Puis il nous énumère des noms de gens qu’ils ont fait partir avant d’asséner ses vérités :
« La dernière personne que nous avons fait partir est un gendarme de 53
ans. Il venait avec sa femme et ses enfants pour supplier le pasteur de
l’aider. Ce même gendarme est parti aux Etats-Unis
avec une dette de 2 millions, mais, six mois après il a remboursé sa
dette, sans compter ce qu’il envoie à sa famille. Je vais vous montrer,
rien que dans mon quartier, des villas de Burkinabè qui sont
actuellement en Europe et aux Etats-Unis. Il n’y a pas une qui se loue
à moins de 125 000 F CFA. » Mais dans un ton plus direct et sérieux, il nous lance :
« Pour être franc avec vous, si c’est pour le visa des Etats-Unis,
présentement, c’est serré. Je vais vous expliquer comment les choses
fonctionnent. » Pour lui, tout a été verrouillé depuis l’arrivée de l’ambassadeur d’alors, SEM Janine JACKSON présentement en poste en Irak. «
Par mois, pas plus de dix dossiers ne peuvent avoir le visa. Et vous
savez que nous sommes dans un monde d’affaires. Nous avons donc une
intermédiaire à l’ambassade. C’est elle qui appuie nos dossiers. Tous
les réseaux traitent avec elle. Elle peut avoir par devers elle, 5 à 10
dossiers de différents réseaux qu’elle doit placer. C’est
elle, qui convainc le consul de la solidité du dossier, à travers les
réponses aux questions qui sont posées au postulant. Elle a une
influence certaine sur l’issue de toute requête de visa à l’ambassade. » Une fois que le pasteur a un dossier pour les Etats-Unis, il lui faut disposer de fonds pour travailler. Sans liquidités, les dossiers peuvent traîner plusieurs mois. « L’intermédiaire
peut nous appeler à tout moment pour nous dire d’apporter 500 000 F
CFA, un million ou deux millions, pour qu’elle positionne un ou deux
dossiers. Il faut donc disposer de ressources en permanence, pour faire
face à ses besoins. Si nous n’en avons pas, il se réfère à d’autres
réseaux. »Affirme Leykézé. Selon toujours ce
dernier, avant l’arrivée de SEM Janine JACKSON, l’intermédiaire pouvait
faire délivrer, 40 à 50 visas dans le mois. Ce qui fait que chaque
réseau avait un quota acceptable.
En 2006, il y aurait eu aux
moins 600 Burkinabè, à avoir obtenu le visa du pays de l’oncle Sam. En
2007, ils étaient 700 « mais Janine JACKSON est venue tout gâter... » Confesse avec amertume Leykézé. Puis il lâche : « Honnêtement
parlant, il faut trois millions pour que nous puissions vous garantir
le visa des Etats-Unis et 2 millions pour le visa Schengen. Allez-y,
si vous voulez, du côté du grand marché. Il y a un autre réseau là-bas,
renseignez-vous. Ils vous diront la même chose. »
Une procédure, de vrais faux documents …
Un
mois plus tard, et après avoir honoré plusieurs rendez-vous, l’heure
était venue de passer un accord. Mais 3 millions, c’était trop pour
Ali. Et le hic, nous n’avions toujours pas rencontré, même une seule
fois, le cerveau de l’affaire : le fameux pasteur. Nous négocions à 2
millions. Leykézé accepte, sous réserve de l’accord de son chef. Avant
de verser le premier acompte, (avec le réseau du pasteur, c’est 50%
avant et 50% après l’établissement du visa) nous demandons à rencontrer
le pasteur. Et Leykézé nous fait savoir que ce dernier «a eu des
problèmes avec des gens malveillants. Ce qui fait que, de plus en plus,
il ne veut plus se mettre au premier plan. Histoire pour lui de ne pas
salir son ministère…Mais rassurez-vous dès que le visa sera établi, il
va vous recevoir pour les formalités du voyage.» En dépit du
risque, Ali franchit le pas. Vendredi 13 juin 2008. Il est 18 h. Devant
témoins, toujours au domicile de Leykézé, Ali remet à ce dernier, en
mains propres, la somme d’un million en coupures de 5 000 F CFA. Sur la
reconnaissance de dette qui lui est remise, une précision de taille : « …Au soir du 13 Août 2008 si l’affaire ne se conclut pas (entendez par là si le visa n’est pas établi), il lui sera restitué 740 000 F CFA, déduite de 260 000 F CFA pour frais de dossier…»
En clair, même si vous n’obtenez pas le visa, vous perdez quand même
260 000FCFA. Plus curieux encore, Leykézé insiste pour que, sur la
reconnaissance de dette, la mention visa n’apparaisse pas. Pour lui,
ça éviterait de s’attirer les foudres des autorités policières en cas
de problème. A partir de la remise de l’argent, l’équipe du pasteur
avait deux mois pour réussir l’affaire ou rembourser. Leykézé
recommande à Ali, l’ouverture d’un compte bancaire. « Ce compte va
nous permettre de pouvoir faire les mouvements bancaires pour avoir
l’attestation de capacité financière pour accompagner le dossier… »
Il lui désigne la banque dans laquelle le compte devait être ouvert. Ce
qui fut fait quelques jours plus tard. La main sur le cœur Leykézé
affirme que, dans cette opération, ils ne gagnent rien : « La
procédure commence chez nous par la vérification du passeport. Il nous
faut savoir ce que le requérant a mis comme profession sur son
passeport. En fonction de cela, nous savons quels documents doivent
accompagner le passeport à l’Ambassade pour l’obtention du visa. Avec
l’avance que vous avez donnée, nous engageons un certain nombre de
frais pour l’obtention de documents comme la lettre d’invitation qui
doit venir de notre église sœur des Etats-Unis. Il nous faut faire une
réservation d’hôtel dont la lettre de réservation atteste d’où vous
serez hébergé une fois aux Etats-Unis. Il vous faut une inscription à
la conférence biblique. Tous ces frais tournent autour de 700 dollars
US, environ 420 000 F CFA. Après cela, il nous faut payer les services
d’un commerçant à jour vis-à-vis du fisc, et avec son N°IFU, il vous
délivre une attestation de travail, avec les trois derniers bulletins
de salaire en votre nom. Outre ces papiers, il va vous délivrer une
décision de congé. S’il n’a rien pris, c’est 100 000 F CFA. Après cela,
le pasteur vous délivre un ordre de mission au nom de notre église.
Sans compter le mouvement bancaire qu’il faut faire sur votre compte
bancaire. Pour être crédible au niveau de l’ambassade, il vous faut un
mouvement d’au moins 15 millions, afin d’avoir une attestation de
capacité financière solide. Là encore, il faut voir un commerçant qui
dispose de liquidité pour faire ce mouvement. Actuellement dans le
milieu, les commerçants qui le font, prennent 1%. Si vous faites le
calcul, c’est 150 000 F CFA, qu’il faut verser. Il faut remplir tous
ces préalables avant même de rentrer en contact avec notre
intermédiaire à l’ambassade. A l’ambassade pour que le dossier bouge,
il faut laisser au minimum 1,5million. Que nous reste-il dans cette
affaire sinon les remerciements et les bénédictions.»
La procédure du pasteur T.O est simple. Chaque mois, il serait invité à
des conférences bibliques à travers le monde. Mais beaucoup plus en
Occident notamment aux Etats-Unis. C’est sous le couvert de ces
invitations que le pasteur glisse les noms des disciples qui auraient
déboursé « les feuilles ». Une fois arrivés à destination, ces « disciples » disparaissent dans la nature.
Un Maddoff des Tropiques
Deux mois se sont écoulés depuis qu’Ali a remis le million. Nous étions
donc le 13 août 2008. Ali n’a pas été convoqué à l’Ambassade. Le visa
n’a pas été établi. Leykézé demande un report, ce à quoi Ali accède. De
report en report, deux autres mois ont passé. Nous étions alors en
Octobre2008, soit 6 mois depuis notre tout premier rendez-vous avec
Leykézé ; et rien n’avait bougé. Pire, Leykézé est devenu subitement
difficile à joindre. Tous ses contacts téléphoniques ne répondent plus.
A son domicile, son épouse soutient qu’il est en voyage, mais qu’il n’a
pas dit où et pour combien de temps il partait. Alors inquiétude pour
Ali.
En décembre 2008, c’est Leykézé qui appelle. Il informe Ali qu’il est à
Pô que l’affaire n’a pas marché et qu’il remboursera sa dette à son
retour. Une fois « rentré de Pô », le bras droit du pasteur n’a pas pu
réunir la totalité de la somme qu’il doit à Ali. Il propose des
garanties, notamment un PUH au nom de son petit frère, et une carte
grise d’une moto au nom également d’une tierce personne. Ce qu’Ali
refuse. Devant la loi, ces documents n’ont aucune valeur parce qu’ils
n’appartiennent pas à Leykézé. Alors, le commis du pasteur flaire la
gravité de la situation. Il comprend que les choses vont se corser et
que non content de perdre son emploi, il court le risque de se
retrouver à la MACO (Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou).
Il envoie des intercesseurs. Eux expliquent à Ali, que Leykézé s’est
joué du pasteur. En clair, il a voulu « manger » sans le pasteur.
Au fond, on a la forte impression que la méthode du réseau consiste à
arnaquer d’autres personnes pour rembourser les premiers grugés. Et
pendant que les nouveaux « pigeons » arnaqués
attendent leur visa, la chasse continue pour agripper d’autres qui se
feront dépouiller pour rembourser ceux qui se plaignent. Et ainsi de
suite, la chaîne se tisse. A chaque fois, le réseau se tape au moins
260 000 F CFA de « faux » frais de dossiers qu’il encaisse.
Les intercesseurs prennent l’engagement de rembourser à Ali les 740 000
que lui doit Leykézé. Ce qui sera fait le 6 juin 2009 soit plus d’un
an après le premier rendez-vous. A ce jour, Leykézé reste redevable à
Ali de la somme de 40.000 F CFA.
La mésaventure d’Ali n’est qu’un cas parmi tant d’autres. Les réseaux de trafics de visas infectent et affectent la crédibilité déjà sujette à caution de l’Administration publique. Ils mettent en doute le sérieux des chancelleries ainsi que des institutions financières. Les barbelés de Ceuta et Melilla continuent d’arracher la chaire des jeunes en quête de mieux-être en Occident. Et les réseaux, eux, les sucent jusqu'à la moelle, les délestant jusqu’au dernier centime. En définitive, le résultat est le même : souffrances, déceptions, dépressions... Le réseau auquel appartient Leykézé est-il seulement un réseau d’escrocs ou a-t-il réellement déjà permis à des Burkinabè de franchir la frontière ? Une question qu’on est en droit de se poser puisque jusqu’au terme de notre enquête nous n’en avons pas eu une quelconque preuve. Les seules certitudes que nous avons sont que notre Ali n’a pas eu son visa et qu’il a perdu 300 000FCFA dans l’opération, sans compter tout le stress qui n’a cessé de le hanter tout le temps qu’a duré son calvaire.
Frédéric ILBOUDO
T.O le “pasteur” chef de gang
Qui est le pasteur qui «aide» les gens à obtenir des visas ? Nous avons cherché à le rencontrer en vain. Avec Leykézé, ça n’a pas marché jusqu'à ce qu’il règle son contentieux avec Ali. Si T O est pasteur, il officie forcement quelque part et cela ne peut être à l’insu des instances religieuses qui organisent et gèrent les églises et les pasteurs. Pour retrouver le pasteur invisible, nous avons donc pris langue avec ces instances. Résultat, le pasteur n’est pas pasteur. T O est un vrai faux pasteur, un escroc fiché à la police.
A
la Fédération des Eglises et Missions Evangéliques (FEME) instance qui
organise et gère le fonctionnement des églises, des missions
évangéliques et des pasteurs, et présidée par le pasteur Samuel
YAMEOGO, on ne connaît pas T O. Pourtant, c’est avec le titre de
pasteur qu’il traite ses «affaires». Qui ne ferait pas
confiance à un homme de Dieu ? A priori personne. C’est cette confiance
qui a poussé madame H K à recourir aux services du mis en cause. C’est
son témoignage qui nous mettra sur le chemin de la vérité sur les
tracas de T O. Comme Ali, Mme H K a été victime du réseau. Elle court
toujours derrière le « pasteur » pour récupérer son argent. En 2008,
elle porte plainte contre T O au commissariat central de police de
Koudougou pour escroquerie. Suivons ses propos. « J’ai été
contactée par Leykézé deux semaines après une causerie fortuite sur le
sujet de l’immigration. Il m’a dit qu’il pouvait m’aider à avoir le
visa si ça m’intéressait de partir en Europe. Je lui ai dit que je
n’étais pas intéressée. Il me suggère alors que si j’avais des gens qui
étaient intéressés de lui faire signe, qu’il a un ami pasteur qui peut
les aider. Quand Leykézé m’a dit que c’était un pasteur et après
m’avoir expliqué sa procédure, je me suis dite que ça pouvait marcher.
C’est ainsi que j’ai appelé ma nièce qui était intéressée. Elle avait
fait une première demande de visa sans succès. Je l’ai fait venir de
la Côte d’Ivoire pour cela. On a remis 1,3 million à Leykézé. Après, on
a demandé à rencontrer le pasteur. C’est là qu’on m’a présenté T O.
Quand je l’ai vu, j’ai sombré. Je venais de comprendre que c’était une
arnaque. Parce que je connais très bien T O. Il vendait des bricoles
devant notre concession familiale à Koudougou. Ce type-là n’a jamais
été pasteur. Lui-même quand il m’a vue, j’ai senti qu’il était gêné. Il
avait honte. Je ne lui ai pas caché ma déception de savoir que c’était
lui le fameux pasteur qui dit pouvoir obtenir des visas pour des gens.
Il a tenté de me rassurer, mais je savais déjà ce qui allait suivre.
Quand ma nièce et quatre autres personnes sont allées à l’Ambassade de
France, elles sont ressorties bredouilles. Depuis ce jour, je n’ai plus
de nouvelle de T O, encore moins de Leykézé. Ils ne me décrochent
plus. »
La version de HK est confirmée par le pasteur
Michel KOALA responsable de la cellule régionale de la FEME à Koudougou
: « Il
faut se méfier de TO parce qu’il n’est pas crédible. Ce n’est pas un
homme sur qui il faut reposer sa confiance parce qu’il a des
antécédents judiciaires. Il n’a jamais été pasteur. Il est tout
simplement fidèle d’une église et membre du mouvement de jeunesse de
ladite église. Ce que je sais, c’est que son père lui a été pasteur.
Mais T O jamais… »
TO, est-il intouchable ?
Un faux pasteur avec des antécédents, cela confirme nos soupçons
d’autant plus qu’il est connu de la police nationale. En effet, « en
2008, nous avons été saisi par le procureur du Faso près du tribunal de
Koudougou de rechercher un certain T O. Il serait pasteur et président
d’une fondation et habitant d’un quartier ici à Koudougou. Pendant une
semaine, de jour comme de nuit des agents ont fait le guet devant son
domicile et ses environs, en vain. Nous avons remué la ville sans une
seule trace du monsieur. Jusqu’au jour où, lui-même est venu dans nos
services pour légaliser ses documents. C’est ainsi que nous l’avons
« coffré » puis informé le procureur.» Nous confie une source
policière proche du dossier. Quelques jours plus tard, TO sera élargi
sur ordre du procureur qui dira avoir trouvé, avec l’avocat de ce
dernier, un compromis. Puis, suivront quelques mois plus tard, la série
des plaintes à son encontre. D’abord, celle de dame HK. La police après
moult convocations finit par l’entendre. Il reconnaît les faits et
s’engage à payer. En soutenant dans sa déposition que l’argent a servi
à faire une réservation d’hôtel en France et que par ailleurs il n’a
jamais reçu 1,3 million dans l’affaire, mais seulement 800 000FCFA. En
clair, entre lui et son acolyte Leykézé, la transparence et la
confiance ne sont pas les choses les mieux partagées. Une victime
d’origine sénégalaise lui reproche une arnaque de 575 000FCFA qu’il a
reçus en plusieurs tranches. « Je l’ai connu par l’intermédiaire
d’un vendeur de pain. T O m’a dit qu’il pouvait me faire partir en
Suisse. Pour cela, il m’a demandé 850 000FCFA. Il a réclamé 400 000FCFA
pour commencer le dossier. Ce que je lui ai remis quelques jours plus
tard. Après, il passait à mon atelier pour prendre tantôt 100 000FCFA,
tantôt 50 000FCFA, et même qu’une fois, il a pris 15 000FCFA. Quelque
temps après, je n’arrivais plus à le joindre. Je suis reparti voir le
petit par qui je l’ai connu qui m’a fait savoir qu’il avait disparu
avec l’argent de son beau-frère pour les mêmes raisons. Je suis allé à
Koudougou porter plainte. Mais, jusque-là il court toujours… », a laissé entendre S D.
Frédéric ILBOUDO
Ce n’est pourtant pas que des chimères…
La mésaventure d’Ali n’est qu’un cas parmi tant d’autres. Un cas qui ne fait que mettre au grand jour, une pratique qui existe depuis des lustres. Les réseaux de trafics de visas existent bel et bien au Burkina. Ils foisonnent même et arrivent tant bien que mal à satisfaire des demandeurs que les Ambassades refoulent.
Les
réseaux de trafics de visas sont une réalité au Burkina. D’ailleurs
doit-on parler de trafics si les visas qu’ils obtiennent sont
authentiques et délivrés par les autorités compétentes ? La question
est d’importance. Toujours est-il que ces réseaux ne datent pas
d’aujourd’hui et leurs activités ont pris de l’ampleur à cause de la
rigidité des chancelleries. Rigidité qui nourrit une demande de plus en
plus forte, car certains pensent qu’elle est entretenue à dessein pour
alimenter les réseaux par les refoulés des ambassades. Ces réseaux, «
les vrais », ne sont pas aussi nombreux qu’on veut le faire croire.
Selon nos sources, seuls deux réseaux sont véritablement actifs et «
sérieux » si l’on peut s’exprimer ainsi. Ils sont méthodiques,
méticuleux et discrets. Leurs tentacules sont puissantes et vont
au-delà de nos frontières. Ils ont des entrées jusqu’à des niveaux
insoupçonnés. Ces réseaux doivent leur existence et leur force à leur
tissu relationnel. Une véritable toile dont chacune des composantes
tire profit.
Un modus vivendi semble établi entre usagers et
acteurs officiant dans ces réseaux. Dans les transactions, le demandeur
a obligation de se plier à des exigences. Aucun engagement, ni écrit,
ni verbal n’est exigible. On y fonctionne sur la base de la confiance
aveugle. Les acteurs des réseaux ne viennent jamais à vous, c’est vous
qui allez à eux. Et pour aller à eux, il faut connaître quelqu’un qui
connaît quelqu’un, qui connaît… Aucun contact direct n'est attesté avec
un membre qui se reconnaît formellement comme responsable. Tout le
monde est « intermédiaire » donc de ce fait répond d’un supérieur
invisible. L’argent est toujours remis avec le passeport. Une fois
cette étape franchie, il ne vous reste plus après qu’à attendre.
Attendre jusqu’à ce qu’on vous appelle deux, trois, quatre mois après
pour ceux qui sont chanceux pour un rendez-vous à l’Ambassade. Selon
certains témoignages, l’attente peut atteindre une année, voire plus.
Selon nos sources, cette attente est due au fait que les chancelleries
sont de plus en plus regardantes sur les attestations de capacité
financière et autres relevés bancaires. « La fiabilité de l’attestation
de capacité financière ou du relevé bancaire, n’est plus ce qu’elle
était. Avant pour avoir ces documents, les banques étaient plus
rigoureuses et les Ambassades avaient confiance. Mais aujourd’hui, ce
n’est plus le cas. Les Ambassades demandent à certain moment,
l’historique du ou des comptes des requérants des trois ou six derniers
mois avant de recevoir le requérant. Il arrive fréquemment que les
Ambassades nous appellent pour vérifier la crédibilité de certains
mouvements bancaires, leurs natures ; est-ce des encaissements de
factures, des chèques,…, la provenance des mouvements, etc. La
concurrence féroce que se livrent les banques porte un coup à la
transparence et la rigueur que requiert notre métier. Si vous refusez
un papier à un client ou bien si vous exigez certains documents pour la
délivrance de ces documents, celui-ci peut fermer son compte et aller
l’ouvrir ailleurs parce qu’il n’aura pas les mêmes tracas. Cela arrive
quand le client veut de vrais faux documents…», nous a confié un cadre
d’une vieille banque de la place. Ce qui peut expliquer donc que les
réseaux prennent plus de temps pour peaufiner les dossiers, notamment
l’attestation de capacité financière à travers la réalisation de
plusieurs mouvements fictifs de fonds.
Cette situation explique-t-elle, l’attente que vit ce jeune homme, dont
nous avons pu recueillir le témoignage ? « Je me nomme Omar. J’ai
27ans. Je suis à la recherche d’un visa pour l’Europe. Je suis aidé en
cela par un de mes parents qui a un ami qui a une entrée dans un
réseau. C’est tout ce que je sais. En 2007, je suis allé le voir parce
que deux de ses frères ont pu partir. Alors je me suis dit qu’il
pouvait m’aider. A cause de ce visa, je me suis marié en 2008, pour
avoir un certificat de mariage pour complément de dossier. Depuis que
j’ai engagé cette affaire mon seul contact, c’est mon parent. Avec lui
je peux vous dire qu’il m’est difficile de poser des questions pour
comprendre. Je ne peux même plus aller lui rendre visite parce qu’à
chaque fois, il pense que je viens aux nouvelles. Pourtant je devrais
parce que j’ai engagé 2 millions dans cette histoire. Pour tout vous
dire, j’ai vendu tout dans ma maison, jusqu’au lit. Chaque membre de ma
famille a donné sa contribution pour que je puisse colmater les deux
millions. Depuis bientôt deux ans, je vis suspendu. Sans activité, sans
travail, sans rien. Parce que je ne sais pas quand-est ce qu’on va
m’appeler à l’Ambassade. Et si on m’appelle, je vous assure que même la
veste que je vais mettre, il faut que je la prête. Depuis février 2009,
ça fait la 4ème fois qu’on m’a fixé trois rendez-vous à l’Ambassade qui
n’a pas abouti. Mon épouse, moi-même, mon père, je dirai toute la
famille, sommes à bout de nerf. Si ça foire, je suis fini. Ma vie est
entre les mains de ces gens que je ne connais même pas. Tout le
dossier, c’est mon parent qui le conduit. S’il apprend même que je vous
ai parlé ça peut remettre en cause ma situation. Mais j’ai confiance
car s’il a fait partir ses deux frères, il réussira à me faire partir
parce que, quelque part, c’est une question d’honneur pour lui
maintenant … ». En juillet 2009, nous avons eu l’information que Omar a
eu gain de cause et qu’il est parti. Il n’est pas juste de croire que
les réseaux de trafics de visas ne font que des malheureux. « Je suis
l’aîné d’une famille polygame de plus de 20 enfants et 4 mamans. Après
le décès de notre père, il fallait parer au plus pressé. Avec l’appui
d’un réseau de la place, j’ai 3 frères aux Etats-Unis et 2 en Europe
actuellement et ce n’est pas fini… », nous confie avec sourire Hamidou.
Des
exemples parmi tant d’autres. De source digne de foi, le visa Schengen
pour l’Italie se négocie à l’Ambassade basée à Abidjan au tour du
million et là encore, il faut connaître quelqu’un qui connaît
quelqu’un, qui… De sorte que le consulat du Burkina est pratiquement
délaissé.
Il y a quelques années, la nouvelle du décès subit d’un
membre influent du plus important réseau du pays est tombée comme une
fin du monde dans le milieu. Il était la véritable pierre angulaire
dans l’édifice du réseau. Depuis, ce réseau s’est trouvé un nouveau
souffle. Pour ceux qui voient leurs démarches se terminer positivement
dans les arcanes des réseaux, ils ont vaincu la « rigidité » des
consulats. Pour ceux pour lesquels l’aventure n’est pas concluante par
contre, ils sont nuisibles. Ils n’ont que leurs yeux pour pleurer. Et
ils sont ainsi nombreux à souffrir en silence. Des vies, certains de
ces réseaux en ont brisées. Des familles, ils en ont ruinées. Tout
comme certains ont vu leurs cauchemars devenir des « rêves angéliques »
et leurs vies devenir prospérité grâce à l’action de ces réseaux.
Frédéric ILBOUDO
SEM Noah GEESAMAN, vice-consul des Etats-Unis d’Amérique au Burkina Faso « Nous sommes très outillés au niveau du consulat pour détecter les faux documents. »
SEM Noah GEESAMAN le jeune et fringant vice-consul est au Burkina depuis un peu plus de trois mois. Au cours de l’interview qu’il a acceptée nous accorder, il s’est entouré de collaborateurs pour apporter des réponses à nos préoccupations. Ainsi, dans cette interview, vous lirez, outre ses réponses les propos de M. Cornelius C. WALSH, directeur par intérim du Centre culturel américain, et de Mme Caroline CONSEIBO Assistante directe du vice-consulQuelles sont les conditions d’obtention d’un visa américain ?
Il faut dire qu’il existe plusieurs types de visas. Et pour chaque type
de visa, les documents qui sont exigés sont différents. Pour
les types de visas que nous délivrons ici à l’Ambassade, les plus
demandés, sont les visas d’étudiant, les visas des affaires, les visas
touristiques, les visas des missions diplomatiques, les visas pour les
immigrants, les visas pour travailler…
Prenons le visa des affaires, ou celui des études, quels sont les documents sur lesquels vous mettez un accent particulier ?
Là encore il faut dire que cela dépendra de la spécificité du type de
visa d’affaire que vous voulez. L’essentiel, c’est qu’il faut plus ou
moins que le demandeur ait des attaches ici au Burkina Faso. Quand nous
parlons d’attaches ce sont les liens familiaux. Ces liens doivent être
très solides, très forts. Et au cours de l’entretien que le demandeur
aura au consulat, qui est fondamental dans la délivrance du visa, il
lui faut démontrer que ces liens existent. C’est ça le plus important.
Pour ce qui est du visa pour les études, c’est plus ou moins la même
chose, mais pour les étudiants il faut en plus de cela avoir une preuve
de leurs financements, que ceux-ci peuvent assurer les frais d’études
et de séjour aux Etats-Unis. Les études au Etats-Unis coûtent cher, et
ça tourne autour de 20.000dollars Us par an. C’est donc à la famille de
l’étudiant de faire la preuve qu’elle peut payer, mais aussi nous
assurer qu’après ses études, l’étudiant va revenir au Burkina.
Nous savons que des documents bancaires sont demandés, comment authentifiez-vous la crédibilité de ces documents ?
A l’Ambassade des Etats-Unis, nous ne demandons pas d’attestation de
capacité financière. Nous exigeons par contre le relevé du compte
bancaire. Le relevé nous donne une situation quelque peu exhaustive des
différents mouvements qui ont été effectués sur le compte pendant une
certaine période. Nous n’avons besoin que d’une photographie du compte
juste pendant un temps T, Nous voulons simplement nous assurer que le
compte est régulièrement fourni.
Est-il possible que de vrais faux documents puissent passer à l’Ambassade ?
(Rires) De temps en temps des choses comme ça arrivent, mais
immédiatement après les visas sont refusés. Nous sommes très outillés
au niveau du consulat pour détecter les faux documents. Je profite de
vos colonnes pour dire aux demandeurs de visa que ce n’est pas la peine
de venir au consulat avec des faux documents, nous les découvrirons. Et
notre législation est formelle : si vous êtes pris en flagrant délit de
fraude en documents, c’est à vie que vous n’aurez plus de visa
américain.
Ne pensez vous pas que la rigidité du consulat à octroyer des visas conduit certains demandeurs vers les voies frauduleuses ?
Il n’y a pas d’autre voie que celle de l’ambassade pour avoir un visa
américain. La rigidité dont vous parlez est du fait des lois
américaines édictées par le Congrès. Il faut aussi que vous sachiez que
celle-ci n’est pas propre à l’Ambassade du Burkina, mais elle est la
même partout dans les chancelleries américaines dans le monde.
Est-il possible « d’acheter » un visa américain ?
Quoi ? J’ai bien-entendu là ? Acheter un visa américain ? C’est
absolument impossible. Non on ne peut pas acheter un visa américain.
Avez-vous déjà entendu parler des réseaux de trafic de visas ?
Oui. Il y a des demandeurs qui après s’être fait démasquer par nos
services avec des faux documents, nous ont confessé qu’ils se sont
confiés à des gens qui leur ont garanti de pouvoir leur délivrer le
visa américain. Ce qui est impossible. C’est à chaque demandeur de
démontrer à travers l’entretien qu’il a des liens solides avec son pays
et c’est ce qu’exige la loi américaine.
M. Cornélius C. WALSH : Il faut que vous sachiez que ce genre de rumeur existe dans presque tous les pays. Il y a des gens qui disent qu’ils ont des contacts, ou une certaine influence au sein du consulat, donnez-moi de l’argent, et je vous garantis le visa américain. Il peut arriver que le demandeur qui a passé par ces gens ait le visa non pas parce que ces gens ont fait quoi que ce soit, mais parce que le demandeur était en règle, tous ses papiers sont en ordre. Du coup ces faussaires vont utiliser et le crédit et l’argent de ce demandeur pour arnaquer les autres. Nous avons un service d’investigation qui doit établir que le dénouement de toute délivrance de visa, la dernière décision appartient à Washington, ou bien au vice-consul et non pas à un intermédiaire.
SEM Noah GEESAMAN :
Il faut savoir que si je connais quelqu’un personnellement cela
m’interdit de diriger l’entretien. Je dois le faire faire par un
collègue.
Savez-vous que ces réseaux peuvent obtenir le visa pour des demandeurs qui déboursent au moins trois millions de francs CFA ?
SEM Noah GEESAMAN :
Personnellement je n’ai pas encore entendu parler de cela.
M. Cornélius C. WALSH : S’adressant
à l’assistante et à M Isonore OUEDRAOGO. Et vous en avez-vous déjà
entendu parler dans les quartiers dans la ville?
Mme Caroline CONSEIBO assistante du vice-consul :
En ville, on entend parler : trois millions, 1,5million, en tout cas
plus du million. Ça nous revient et quelquefois des gens nous posent
des questions. Quelquefois, ce sont des gens qui ont été arnaqués, qui
viennent jusqu’au consulat ici et qui expliquent leurs situations.
Mais, il n’y a rien qu’on puisse faire ; ça devient un cas de justice
locale. S’il veut poursuivre la personne qui l’a arnaqué, ça ne peut
que passer par la police, le consulat n’étant pas impliqué.
SEM Noah GEESAMAN
C’est pourquoi votre interview à tout son sens et est très important
parce que nous voulons que la population soit sensibilisée des risques
qu’elle coure à travers ce genre de trafic. Nous vous disons merci
encore d’être venu à nous pour nous donner l’occasion d’éclairer
l’opinion.
Votre système de contrôle de délivrance de visa est-il fiable ?
Fiable c'est-à-dire ?
Fiable au niveau du contrôle des documents, fiable au niveau de vos collaborateurs ?
Nous ne sommes pas parfaits, mais je pense que c’est un système qui marche assez bien.
Est-il possible pour quelqu’un d’obtenir un visa américain grâce à l’appui d’un agent de l’ambassade ?
Non ! C’est absolument impossible ! Je dois dire que le département
d’Etat est très strict contre des choses de ce genre. Je peux être viré
si je donne un visa à quelqu’un, à un ami à l’ambassade ou quelque
chose dans ce genre-là. Il faut dire aussi que notre système est
séparé. Ce n’est pas juste le département d’Etat qui est impliqué dans
le domaine du visa. Il y a le ministère de l’Intérieur qui est aussi
regardant. De sorte qu’une fois arrivé à l’aéroport aux Etats-Unis,
vous devez démontrer en répondant à un certain nombre de questions avec
nos collègues du département de la sécurité nationale et de
l’immigration que votre visa est bon. Si je fais une erreur, nous avons
des collègues au pays qui peuvent exiger que la personne qui est déjà
arrivée aux Etats-Unis soit rapatriée depuis l’aéroport.
Combien de visas avez-vous délivré au cours des trois dernières années ?
Je n’ai pas les données des années 2006 et 2007, mais pour 2008, nous avons délivré : pour le tourisme et les affaires, 1424 visas ; les visas d’études, 362 et 237 visas pour les organisations internationales.oFrédéric ILBOUDO
Frédéric Titinga PACERE éminent homme de culture, de droit, et des lettres « J’ai l’impression, en parcourant l’Afrique et mon pays, que nous n’avons pas trop foi en notre culture … »
Frédéric Titinga PACERE éminent homme de culture, de droit, et des lettres « J’ai l’impression, en parcourant l’Afrique et mon pays, que nous n’avons pas trop foi en notre culture … »
Le lièvre, on peut ne pas l’aimer, même lui dénier de grandes oreilles ; mais, on ne peut lui refuser sa qualité de fin coureur. C'est-ce que dit le dicton et il nous fait penser à cet homme qui, pour ne pas avoir sa langue dans la poche et qui se trouve sur plusieurs fronts de batailles des hommes, n'est pas des moins polémiques autant il est polémiste acerbe. Me Frédéric Titinga PACERE, c'est de lui qu'il s'agit, est un homme à plusieurs casquettes, un homme orchestre diront certains. Auteur de plusieurs travaux de réflexion en droit et en lettre, protecteur et diffuseur de valeurs culturelles de son terroir et de l'Afrique, l'homme a incontestablement porté haut, même très haut, le nom de notre pays. A preuve, en l’espace de 8 jours, dans le même mois de l’année 2009, il a été admis dans deux prestigieuses académies en France. L’occasion faisant le larron, profitant de l’interview qu’il nous a accordée, relativement à la destruction du fétiche de Kalsaka, nous nous sommes fait fort de l'amener à nous entretenir sur le sens et la portée de ces récentes distinctions ainsi que sur son combat pour la défense et la promotion de la culture burkinabè et africaine. Lisez plutôt !.
Maître,
vous avez été admis, courant octobre 2009, à deux académies en France.
Peut-on savoir de quelles académies il s'agit, et le sens exact de ces
élévations de votre personnalité en France ?
Maître Frédéric Titinga PACERE (Me F.P.T) : Je
l'avoue, ce fut une surprise pour moi. En effet, le 13 octobre 2009,
j'ai reçu un message m'informant en confidentiel avant qu'une lettre
officielle me parvienne, que la veille, dans l'après-midi soit le 12
octobre 2009, le bureau et l'organe délibérant de l'Académie des arts,
des lettres et des sciences de Languedoc m'a admis en son sein en
qualité de membre Honoris Causa conformément à l'article 6-D portant
composition de l’académie. Au terme de cette disposition, le membre
honoris causa est entendu comme une personnalité française ou étrangère
à la France dont la présence honore l’académie. Cette personnalité est
Ambassadeur, à travers le monde, de l’académie.
Huit jours plus
tard, soit le 21 octobre 2009, j'étais également informé que le bureau
et l’organe délibérant de l'illustre Académie des Sciences d'outre-mer,
connue de l'Afrique parce que quelques rares éminents membres y ont
déjà siégé, à la différence de la précédente académie qui n'avait pas
encore connu d'Africains en son sein, s'était réuni la veille, soit le
20 octobre 2009 et à l'humanité, comme la précédente académie, m'a
admis comme membre.
L'Académie de Languedoc m'a déjà informé que je dois recevoir les
insignes de membre honoris causa et être installé dans les salons de
l'illustre palais de Luxembourg de Paris, le mercredi 2 décembre 2009.
Pour l'Académie des Sciences d'outre-mer, la décision venant d'être
prise, les cérémonies d'investiture et de remise d'insignes n'ont pas
encore fait l'objet de programmation de date.
Dans
un intervalle de 8 jours, vous vous retrouvez ainsi dans deux académies
; cela honore au-delà de votre personne, notre pays le Burkina Faso. Si
pour l’Académie de Languedoc, vous êtes seul de l’Afrique pour
l’Académie des sciences d'outre-mer, êtes-vous également la seule
personnalité africaine avoir été nommée ?
Me F.T.P : Pour
ces académies de très haut rang, le nombre d'académiciens est en
général fixé depuis des décennies sinon des siècles. La conséquence de
cela est qu'il faut qu'un académicien meure pour qu'il soit pourvu à sa
charge.
Concernant l'Académie des sciences d'outre-mer,
l'information est récente. Je n'ai pas pu avoir d'autres précisions,
encore qu'en fait, dans mon intime joie, cette élévation de ma
personnalité me dépasse et me suffit. Je ne vois pas pourquoi je
chercherai d'autres précisions immédiates sous cet angle. Néanmoins,
j'ai entendu ces derniers jours, que le Prince HENRIK du Danemark a été
admis en même temps que moi dans cette académie.
Concernant
l'Académie des sciences d'outre-mer, puisque dans l'autre vous êtes
seul africain à ce jour, et nous attachant au volet culturel qui semble
le plus marquer votre personnalité, y a-t-il au moins d’autres artisans
défenseurs de la culture africaine également admis ?
Me F.T.P :
De ce que j'ai entendu dans ce domaine, il est à citer le poète
président, Léopold Sédar SENGOR admis en 1971 dans l'académie. Avant de
cumuler également avec son élévation à l'Académie française. Je peux
citer également, Amadou Matar MBOW du Sénégal. Il y a aussi,
Amadou-Hampaté-BA du Mali. On m'a cité également un de mes aînés, M.
Oumar BA de Mauritanie l'homme qui a traduit le Coran en français. Lui
et moi, avons en 1979, fait plus de 10 Etats des Etats unis (Indiana,
Texas, Californie Nord et Sud, Géorgie, en rendant visite à la famille
de Martin Luter KING,…) pour prononcer des conférences, exposer et
défendre la culture africaine.
Me dans quelle circonstance avez-vous connu cette distinction de membre honoris causa de l'Académie de Languedoc ?
Me F.T.P :
Pour compréhension, je suis obligé de partir de très loin. Pendant une
quinzaine d'années, j'ai eu à siéger (et continue de siéger d'ailleurs)
au jury du grand prix littéraire de l'Afrique noire, connu sous le nom
de concours africain, qui est le plus grand prix littéraire de
l'Afrique au Sud du Sahara. Le président, pendant plus d'une dizaine
d'années était le professeur émérite de la Sorbonne et de Paris
Descartes, le Pr Edmond JOUVE. Nous avons sympathisé. On nous appelait
les amis, et même les frères. Il m'a invité plusieurs fois dans sa
région de Quercy relevant du Languedoc (Sud-ouest de la France) et son
village, Peyrac, que j'ai plusieurs fois visité. Il m'a même montré et
fait connaître la ville mythique, Rocamadour, dont je serai citoyen
d'honneur.
Lui aussi a eu un amour très profond pour le Burkina
Faso (il est officier de l'Ordre national du Burkina Faso) et est venu
me rendre visite plusieurs fois à Manega. Au moment, d'aller à la
retraite, ses amis de l'université de la Sorbonne m'ont demandé de
faire un témoignage sur sa vie, telle que l'a perçue et l'aperçoit son
frère d'outre-mer que je suis. On souhaitait au maximum 6 pages, j'en
ai fait 126. Evidemment, les témoignages devant être rassemblés pour
confectionner un ouvrage, « Mélange offert au Pr Edmond JOUVE »,
mon travail dépassait la mesure souhaitée. Mais le comité
d'organisation de l'ouvrage a été impressionné par le travail qui
apparaît hors des normes et des canaux classiques de la littérature
française. En effet, j'ai parlé de lui, du Quercy, de sa famille, de
ses travaux, en utilisant le langage du tam-tam et des masques de mes
propres travaux que j'ai désignés par le concept de la Bendrologie. Ce
manuscrit qui a fasciné le comité d'organisation des « Mélanges… », a
fait l'objet de communication à des sphères intellectuelles de
recherche et de publication du Languedoc. Il a été ainsi se retrouver
dans le cercle de l'Académie des Arts, des Lettres et des Sciences qui
l'a étudié, analysé, soumis au jury littéraire de l'académie, qui l'a
plébiscité et lui a attribué le grand prix de poésie de l’année, grand
prix connu sous l'appellation de « Grand prix Goudouli de Poésie de l'académie des Arts des Lettres des Sciences de Languedoc ».
J'ai
été invité le 12 juin 2009 au palais du Luxembourg pour recevoir et le
prix, et les insignes de ce prix. La cérémonie avait été rehaussée par
la présence de notre ambassadeur, Luc Adolphe TIAO, à Paris, notre
consul honoraire à Nice, Arcadi de St Pierre, notre ministre de la
Jeunesse et de l'Emploi de passage à Paris, Michel KOUTABA, outre les
présidents de plusieurs académies et d'institutions au plus haut degré
de ce pays. J'ai prononcé après avoir reçu le prix et les insignes, un
discours que je pensais conforme à mon style et à ma nature, à mon cœur.
Les suites de ce discours me surprendront. Beaucoup d'académies et
institutions de France, surtout que la cérémonie s'est déroulée au
palais de Luxembourg qui suppose un grand rendez-vous d'auréoles, ont
demandé une copie du discours. De ce que j'apprendrais plus tard, les
académiciens auraient vu derrière ce discours, une personnalité
spéciale qui méritait approche et connaissance. C'est ainsi que j’ai
appris qu'on aurait fait des recherches sur mes travaux avec analyse de
ma personnalité à travers l'Afrique et le monde.
C'est suite à cela que j'ai brutalement moi-même appris ce 13 octobre
2009 que la veille, 12 octobre 2009, cette académie m'a introduit en
son sein avec qualité suprême de membre honoris causa.
J'avoue que j'étais un peu abasourdi avec un sentiment de vertige du
fait que je ne pensais pas un jour être membre d'une académie encore
moins d'une académie de France de cette envergure-là.
Cette académie de Languedoc, pouvez-vous nous donner quelques éléments sur son institution et ses objectifs ?
Me F.T.P :
Cette académie des Arts, des lettres du Langue d'Oc est une société
savante de France. Elle a été fondée pour établir un lien permanent
entre la capitale française (Paris) et les principales métropoles des
pays d'Oc. Ses objectifs, c'est de sauvegarder les traditions des
témoins de ces anciens parlers occitans et de favoriser l'essor de ces
pays dans tous les domaines, scientifique, littéraire, artistique,
économique, social, culturel.
De ces moyens d'actions figurent
l'attribution de prix et récompenses à des organismes et personnalités
qui perpétuent les traditions languedociennes et se révèlent les
meilleurs dans leurs activités.
De
ce que vous venez de dire, on se demande ce qu'une telle académie
spécialisée peut rechercher dans des travaux de Me PACERE. On ne voit
pas très bien en quoi vos travaux ont pu rencontrer l'intérêt d'une
telle académie. Que s'est-il donc passé, vous concernant, pour que vous
ayez une admission dans un cercle peut-être même fermé pour les
Français natifs ?
Me F.T.P : Le problème
est très complexe. Il faut, je le crois, remonter aux raisons de la
fondation de cette académie dont les objectifs comme signalés sont de
sauvegarder notamment d'anciens parlers.
Sans déjà entrer au fond
du problème et me référant à mon ouvrage qui m'a fait connaître par
cette académie, cet ouvrage est certes pour rendre hommage à une
personnalité de ce pays de Langue d'Oc, mais si on lit les domaines
décrits abordés, portent des titres tel que "Le Quercy et le paysage"
(deuxième chapitre de l'ouvrage) "Parcours à travers la nature"
(quatrième chapitre de l'ouvrage) "Les traditions" (cinquième chapitre
de l'ouvrage) "Le gouffre de PADIRAC" (6e ch.) "ROCCAMADOUR, Le
Sanctuaire, le sacré et le culte" (7e et 8e chapitre) "Le grand ordre
et l'Epée Durandal", « Des épopées du Quercy et de France (9e et 10e
ch.) "Les auteurs et écrivains du Quercy" (11e chapitre). Comme on le
constate, mon livre traduit, illustre, défend les valeurs culturelles,
les traditions languedociennes, la littérature, les épopées et les
légendes languedociennes.
Je suis donc entré dans ce livre en expert, en spécialiste selon eux du
pays d'Oc, ce qui a légitimé leur attrait d'une telle personnalité à
être membre et avocat connaisseur du pays d'Oc. Si maintenant on veut
entrer en profondeur des valeurs de recherche et quêtes de cette
académie, il faut savoir qu'elle s'est fondée pour, entre autres grands
objectifs, défendre la Langue d'Oc. Langue qui emportait depuis des
siècles des valeurs culturelles millénaires et que le Français depuis,
phagocyte ne ramène les utilisateurs et les conservateurs et qu'à
quelques milliers, quelques centaines, sinon à des individualités de
personnes.
Aussi cette académie lutte au plus profond d'elle-même pour la
préservation des langues, la préservation des cultures des langues en
voie de disparition. Il se fait que du côté de la compréhension, une
très grande partie de mes recherches et publications porte sur les
valeurs et civilisations contenues et incarnées dans les langues
africaines en particulier le moré du Burkina Faso. J'ai eu à m'exprimer
sur ce terrain en maintes occasions et dans mes travaux, que le langage
des anciens en particulier du mogho, que le langage des tam-tams et des
masques d'Afrique renferment et enseignent des valeurs pour la paix et
la gouvernance des peuples qui ne relèvent pas des langages courants.
Pierre GOUDOULI, dont il m'a été attribué le prix qui porte son nom, a
lutté pour que ces langues ne disparaissent pas, parce que vecteurs de
valeurs intemporelles. L'académie a fait un parallèle certainement
entre les luttes menées par cet homme né en 1580 et décédé le 10
septembre 1649, avocat de l'Occitan pour des langues porteuses de
valeurs et fortement agressées, livrées à la mort par des langues de
puissance, et mes travaux qu'on estime également passionné comme ceux
de Pierre GOUDOULI, ici pour que les langues africaines ne
disparaissent parce qu'elles emportent des valeurs qui ont droit à
l'éternité.
L'intérêt et l'inquiétude d'un Pierre GOUDOULI de France du 16e siècle
et d'un Me PACERE des temps modernes de l'Afrique et du Burkina Faso
sont légitimes et de gravités extrêmes du cœur même des luttes de
l'académie actuelle de Languedoc.
Je voudrais me faire comprendre. Comme je l'ai dit dans mon discours de
réception des insignes, selon l'UNESCO, de nos jours, une langue sur
près de 6300 que comptent la planète meurt en moyenne toutes les deux
semaines. 50 à 90 % des langues, et c'est un drame, pourraient
disparaître au cours de ce siècle. Une langue telle que l'Arakie au
Vanuatou dans le pacifique n'est plus parlée que par 8 personnes. Il y
a 67 groupes ethniques au Burkina Faso. 52% de la population représente
le groupe des mossé. Selon le Pr Gérard KIENDREBEOGO, directeur de
l'Institut des sciences de la société (INSS) de l'université de
Ouagadougou, 7 langues mooré des mossé risquent de disparaître d'ici un
siècle, au plus un siècle et demi. Que penser, dès lors, de l'avenir
d'ici un siècle et un siècle et demi des 66 autres groupes ethniques du
Burkina Faso. L'académie de Languedoc qui s'est donné pour objectif la
préservation des langues, parce que porteuse d'humanisme et de
l'humanité, a vu dans mes travaux et luttes, une passion de ne pas
laisser disparaître les langues et leurs cultures. Elle a vu en son
ancêtre Pierre GOUDOULI un avocat de la lutte du Languedoc, mais en
fait dans le principe, de la lutte universelle pour la sauvegarde des
langues, et a vu au-delà des terres et des mers, au-delà des
continents, des forêts et des sables mouvants, au delà même du temps,
en Me PACERE un succédané, une résurgence d'un Pierre GOUDOULI qu'il
faut reconnaître, et distinguer. J'ai dit précédemment que dans les
objectifs des statuts du prix de cette académie, ce prix récompense des
personnalités qui perpétuent les traditions languedociennes, mais j'ai
précisé aussi qu'il s'agit de récompenser des personnalités qui se
révèlent les meilleurs dans leurs activités. Ils ont donc récompensé Me
PACERE comme se révélant meilleur dans ses travaux de recherche et de
publication qui rejoignent les principes de défense sacrés de
l'académie à savoir la défense des cultures des mondes en péril,
particulièrement la culture des langues.
Comment Me PACERE s'est-il retrouvé membre d'une telle illustre académie des sciences d'outre-mer ?
Me F.T.P : Là
aussi, je l'avoue, c'est très complexe, et je suis obligé de vous
parler de l'histoire de ma plume car nécessaire à la compréhension ;
même si, j'en conviens, ces derniers moments j’ai été absent de
l'histoire qui s'est construite sur deux décennies sans recherche
directe de cette académie.
Je crois que je dois beaucoup au
Professeur émérite des universités de France, Robert CORNEVIN, à mes
débuts, président de l'Association des écrivains de langue française,
secrétaire perpétuel de l'Académie d'outre-mer, directeur de la
documentation française et ai devant sa mémoire une pensée parce qu'il
fut l'un des plus grands artisans de ma plume et de ma personnalité.
En 1975, je pensais sortir coup sur coup 5 ouvrages dont 3 de poésie qui sont les premières publications de ma vie :
- La famille voltaïque en crise (sociologie)
- Problématique de l'aide aux pays sous-développés (économie)
- Refrain sous le Sahel (Poésie)
- Ça tire sous le Sahel (Poésie)
- Quand s'envolent les grues couronnées (Poésie)
Mes
trois dernières publications, toutes de poésie, furent soumises aux
grands prix littéraires de l'Afrique Noire (ADELF) comme sus précisés
appelés Concourt Africain, le plus grand prix littéraire au Sud du
Sahara. Le président de l'ADELF était le Pr Robert CORNEVIN que je ne
connaissais que de nom, et parce que qu'il avait beaucoup écrit sur
l'Afrique noire. Je n'eus pas le prix, mais en fait, je ne m'attendais
pas à quelque chose, n'ayant jamais pensé que mes œuvres pouvaient
avoir une valeur. En 1977, je fus surpris, suite à un rendez-vous
sollicité, de recevoir à mon bureau, une personnalité qui se présenta.
C'était le Pr Robert CORNEVIN.
Il me dit qu'arrivé à Ouagadougou
dans le cadre de coopération entre la France, la Côte d'Ivoire et la
Haute-Volta aujourd'hui Burkina Faso, pour la réalisation d'un film sur
l'histoire du chemin de fer Abidjan-Niger, il s'était souvenu de ma
postulation et de mes ouvrages soumis en 1976 aux grands prix. Il
m’apprit, ce qui me renversa comme une hydre, qu'il y avait des
dizaines d'ouvrages soumis, mais que le jury était parvenu après
plusieurs échanges et tours de table à se retrouver devant l'œuvre d'un
certain écrivain et mon œuvre constituée par 3 recueils de poèmes. Près
de 5 tours de tables n'avaient pu départager ces postulants. Et que, il
me le confesse, il en recourt, « en
tant que président, à ma décision pour trancher qui n'était pas
littéraire et ne portait pas sur les œuvres en compétition ». Il a
réfléchi avec le jury sur beaucoup d'autres critères, mais, il s'est
aperçu en revoyant les fiches, que l'auteur que j'étais, était encore
très jeune, qu'il a publié 5 ouvrages en une seule année. Il a dit : « un
enfant de cet âge qui publie 5 ouvrages dont 3 recueils de poèmes de
cette facture la même année produira certainement beaucoup d'ouvrages
dans la vie et de qualité. Certaines raisons ne permettaient pas de
penser que l'autre candidat pourrait encore écrire. » Il me dit
donc que s'il s'est permis de m'ouvrir cette confidence, c'est parce
qu'il pense que le fait de n'avoir pas eu le prix, je ne me décourage
et n'écrive plus. Je lui ai dit qu'en toute honnêteté, je ne pensais
pas à ce prix parce que je n'avais jamais imaginé que mes écrits
avaient de la valeur à mériter un tel prix. J'ai voulu seulement
risquer parce que incité par mon éditeur, Pierre Jean OSWALD de Paris.
Seulement et je le lui ai dit, que lui, auréolé de tant de compétences
et de récompenses universelles, vienne jusque dans mon bureau pour me
dire que ma plume poétique vaut de la peine, cela n'est pas seulement
qu'un honneur, mais une dictée de reprendre vite ma plume et de
réécrire.
Ainsi, en 1979, j'ai publié mon ouvrage de sociologie
"Ainsi, on a assassiné tous les mossé". En 1982, j'ai publié en même
temps deux ouvrages de poésie :
- Poème pour l'Angola
- La poésie des griots
Ces
deux livres ont reçu justement le grand prix littéraire de l'Afrique
noire que je convoitais déjà. Pour me témoigner de son admiration et de
ses encouragements à continuer de produire et à défendre la culture, il
m'amena visiter la documentation française qu'il dirigeait. Le soir il
m'emmena dans un restaurant sur le bord de la Seine. La table qui nous
reçut m'apparaissait singulière et plus singulière encore était la
position de la chaise sur laquelle il me demanda de m'asseoir. La
position de la table semblait isolée, mais des rubans dorés isolaient
encore la chaise qu'il me fit occuper. Au moment de me lever de la
chaise, j’osai lui demander quelle était la particularité de cette
table et de la chaise sur laquelle je me suis assis. Il me répondit en
souriant parce qu’il sait que cela me troublerait, que c’est la chaise
sur laquelle venait s’asseoir Victor HUGO quand il venait dans ce
restaurant et qu’il n’est pas autorisé à l’occuper à moins de
circonstance exceptionnelle mais l'a fait pour m’honorer et surtout
m’encourager à écrire, à publier, à défendre la culture des peuples.
Ces dernières années (je suis à près de 50 livres dont 16 de poésie
sans compter les formes à caractère poétiques de langage du milieu),
plusieurs académiciens m’ont demandé s’il n’était pas opportun que je
frappe à la porte de cette institution à laquelle j’avais été déjà
présenté avec un bon accueil en 1983 ; il y a donc de cela 26 ans.
C’est ainsi que ma candidature a été soumise aux délibérants au plus
haut sommet de l’Académie et à l’unanimité cette candidature était
agréée et je devenais ainsi membre. Je leur rends à tous hommage pour
cette considération à l’endroit de ma modeste personne. Hommage à celui
que je peux appeler père pour moi, et guide dans la vie, de la plume
littéraire et dans la défense des cultures, le Pr. Robert CORNEVIN.
Gratitude également à M. le président de l’Académie des sciences
d’outre-mer, à tout le bureau, à tous les présidents de section, à tous
les membres de l’Académie. Je m’engage pour l’honneur de mon pays et
la dictée à moi de mes paires et de mes ancêtres à lutter pour la
défense des cultures de mon pays et de l’Afrique, des cultures de
France et des sciences d’outre-mer.
On a l’impression que vous êtes plus connu et plus apprécié en Afrique et de l’Afrique que dans votre pays. Est-ce vrai ?
Me F.T.P :
J’avoue ne pas penser souvent à la situation. Je vis surtout et
curieusement sur l’avenir, pour l’avenir qui construira le présent.
Sinon, pour ne pas fuir votre question, il y a un intérêt de
l’extérieur sur ma personnalité et mes travaux qui souvent me
bouleverse. Par exemple, pendant 8 ans, et de manière successive, un
sujet, chaque année, de CAPES de Côte d’Ivoire est tombé sur Me PACERE.
Il ne se passe pas de semaine sans que je ne reçoive, même à Arucha où
j’étais pendant des années, d’appels téléphoniques de tous les points
du globe pour interview, etc.
Il y a même des ouvrages consacrés
à Me PACERE, des dizaines de mémoires et thèses de recherches sur Me
PACERE ou des travaux de Me PACERE. C’est tout cela qui m’incite au
travail, surtout en matière de culture qui intéresse l’opinion pour une
meilleure connaissance de nos peuples.
Au pays, je crois surtout que l’intérêt est hautement manifesté sur mes
travaux par le milieu rural et les anciens de nos cultures. Je reçois
souvent, du moins quand j’étais plus fréquent au pays, des vieillards à
dos d’âne qui viennent échanger avec moi sur les éléments de
connaissance de la culture. Mais, objectivement, à y regarder de près,
les 80% des achats portants sur mes travaux sont faits à l’extérieur.
Nul
n’est prophète chez soi, dit-on. Peut-être vous concernant il peut y
avoir l’excuse que depuis une dizaine d’années, vous ne travaillez plus
au pays et que vous n’êtes pas disponible pour le pays. A preuve, que
devient l’émission qui semblait être très prisée dans l’opinion
publique «Temps passé temps présent » dans laquelle et par laquelle
vous parlez beaucoup de culture ?
Me F.T.P : Ma
vie n’est toujours pas connue du public et moi-même, on me reproche
d’être secret. Pour cette émission qui était très appréciée dans
l’opinion, si elle n’a plus cours, c’est vrai qu’on a entendu que c’est
pour des raisons de disponibilité et de calendrier de ma part, la vrai
raison est ailleurs, terrible et triste. Pratiquement, les émissions
que j’accordais dans ce domaine et à thèmes variés (l’hospitalité,
Dimdolomsom, le langage des tam-tams…) portaient pratiquement et pour
diffusion pour trois heures d’enregistrement. Pour les dernières
émissions, en attente avec la télévision et les populations de Manéga,
nous avons attendu le jour de l’enregistrement de 9h à 21h, avec des
participants et accompagnateurs souvent déplacés du Bazèga. L’équipe
d’enregistrement n’est pas venue. Cela fut reporté, et nous avons
attendu au jour indiqué, en vain. J’ai appris qu’une personnalité a
interdit la TNB d’enregistrer les émissions de culture avec Me PACERE
et d’en diffuser. Pour ce qui est de la diffusion, j’avais, avec cette
même équipe de la TNB, à la place Mogho Naaba Koom (Place de la gare
ferroviaire à Ouaga), enregistré une émission portant sur cent années
des travailleurs migrants du Burkina Faso. Cette émission repose sur un
travail qui m’a été demandé par l’UNESCO du fait de l’importance dans
l’histoire des migrations des travailleurs du Burkina Faso. L’UNESCO,
impressionné par ce travail, l’a édité aux éditions KHARTALA de Paris.
Il a été enregistré deux émissions. Ces deux émissions ont été
interdites, de diffusion par cette même personnalité. C’est pour cela
que depuis, non seulement cette émission est arrêtée, mais que je n’ai
plus rien fait au niveau culturel sur les antennes de notre télévision.
Vous avez dit nul n’est prophète dans son pays, vous avez raison. Je
regretterai seulement, même quand je ne serai plus là, que nos enfants
soient contraints d’aller ailleurs en Afrique et un peu partout dans le
monde pour rechercher des travaux, écrits, interview, sur des cultures
burkinabè pour lesquelles chaque Burkinabè interpellé avait le devoir
de livrer ses connaissances même discutables qui pourraient servir de
base à la réflexion et à la meilleure saisine de notre histoire.
Me
concernant, et les journalistes le savent, les enseignants et les
étudiants le savent, si tant est que je suis au pays, je suis toujours
disposé à répondre à toute attente, aux sollicitations, de jour comme
de nuit, de jours ouvrables ou les week-ends. Je ne sais pas en
particulier (j’ai 66 ans) si dans un an ou dans deux ans, j’aurais la
même force au maîtrise intellectuelle de mes pensées pour répondre de
manière propre de questionnement de l’opinion, aux connaissances du
peuple. Il faut toujours aller vite. La vie est éphémère. Après mes
émissions sur Dimdolomsom, j’avais ciblé des sujets portant sur des
chefs de terre (Teng-Soaba des Yionyionsé), des cultures profondes de
ces peuples antérieurs aux mossés. Des maîtres de la parole qui
devaient être avec moi, dans l’émission sont aujourd’hui morts. J’ai
voulu inviter à l’émission des patriarches détenteurs de connaissances
des plus rapprochées d’acteurs du monde de la résistance à partir de
Kouda où était le quartier général du Mogho Naaba Wobgo qui tentait en
1886 de délivrer Ouagadougou alors envahi par les colons VOULEY et
CHANOINE. Les enregistrements que j’avais envisagés n’ont pas pu se
faire, mais de retour ces derniers temps au pays, certains atteints par
l’âge ont disparus. Une illustration de la précarité des grands témoins
de l’histoire qui ne doit jamais nous échapper nous inciter à ne pas
traîner le pas ou jouer avec l’histoire de notre pays et sa
connaissance. (Long silence, puis soupir).
Me, que se passe-t-il ? Êtes-vous triste ou êtes vous devenu triste ?
Me F.T.P : Quand
je pense à la mort quelque peu programmée de nos cultures, souvent avec
notre propre complicité, il est certain que la tristesse ne peut pas
ne pas être au rendez-vous. Contrairement à ce que nous pensons, les
pays qui se sont développés et qui avaient une culture n’ont pas écarté
cette culture des mécanismes de leur développement. La Chine fait
parler beaucoup d’elle ces derniers temps et fera parler d’elle au
cours des années à venir. Le plus grand évènement sportif s’est déroulé
en Chine le 8 août 2008. Les chinois, eux, vénèrent le chiffre 8. A
preuve, les Jeux olympiques ont été ouverts le 8 août 2008 à 20 h 08.
C’est-à-dire la 8e année, le 8e mois de l’année, le 8e jour du mois, à
8h de la nuit, à 8 minutes. C’est-à-dire que la Chine a fait déplacer
les plus grands chefs d’Etat, les plus grands athlètes des plus grandes
performances de l’humanité sur les indications de leur culture. Il faut
savoir que ce même jour, les 8 communes de Pékin ont battu tous les
recors de mariages. De même, toutes les maternités ont battu les
records de naissances. Non pas que seule la nature s’était exprimée
mais on a obligé par toute forme de mécanisme et de déchirement pour
faire sortir des enfants qui estimaient qu’ils n’étaient pas assez
vieux pour sortir.
Il faut savoir que les Grecs avaient leur
chiffre fétiche, et y croyaient, c’est le chiffre 1618 connu sous le
nom de nombre d’or. Les mossés, quant à eux, avaient aussi et
continuent de fétichiser un chiffre. C’est le chiffre 333. On a dit
dans le temps, qu’il y avait 333 autels sacrés dans le Mogho. Mais, en
dehors de cela, il faut savoir qu’il y a 333 organes du pouvoir nommés
à la cour impériale du Mogho Naaba de Ouagadougou. Il s’agit de 330
chefs administratifs politiques de commandement à divers degrés nommés
sur le grand Samandin (cour extérieure) du palais du Mogho, et (3)
trois grands serviteurs (Songue Nkasse Monse). Parmi ces 330 titulaires
de pouvoir, il y a les dignitaires qu’on peut appeler ministres d’Etat
(Koug-Ziidiba), les Kombeem Ba ou chef de canton, des chefs de villages
particuliers de tutelle directe du Mogho Naaba.
Là, on comprend ma tristesse, mon inquiétude. J’ai
l’impression en parcourant l’Afrique et mon pays, que nous n’avons pas
trop foi en notre culture pour l’exploiter à la construction de notre
temps comme certains peuples le font. Pour beaucoup
d’Africains, la culture, c’est du passéisme. Elle ne répond à aucune
science tangible, qu’il faut la dépasser, qu’il faut la méconnaître, et
même qu’il faut la combattre au profit d’autres cultures somme toute de
pays développés donc meilleures. L’Afrique, c’est le berceau
de l’humanité, elle ne peut pas n’avoir rien inventé, elle ne peut pas
ne pas permettre d’inventer. Mais, sa place dans le cheminement des
hommes ne peut être que de la dictée de ses fils. En nous
ramenant à ma modeste échelle, mes œuvres de 1976 publiées étaient déjà
enseignées en 1977 à l’Université de Oklahoma aux Etats-Unis. J’ai
prononcé, depuis 1973 à ce jour, environ 500 conférences dont au moins
le tiers sur la culture africaine et cela à 90% à l’extérieur de mon
pays et à la demande de ces pays extérieurs surtout hors du continent.
Cela me donne deux impressions. C’est que contrairement à ce
que l’Afrique pense le monde extérieur a foi en la culture africaine,
veut mieux la comprendre pour mieux l’exploiter. Le
déséquilibre des quêtes relativement de conférences prononcées laisse
aussi supposer que l’intérieur ne semble pas accorder l’importance qui
sied pour la recherche à la culture africaine et à nos cultures
internes.
Me
PACERE, l’opinion nationale a appris que le 9 août 2009 dernier, vous
avez été intronisé prince des Baoulés. Quel en est l’origine ?
Me F.T.P :
L’origine est en fait complexe et profonde. Il y a évidemment, mes
travaux, surtout ceux, portant sur le langage des tam-tams. Mes
premiers travaux sur le langage des tam-tams, que j’ai désigné par
Bendrologie ou science du langage tambourinaire ont été publiés en
1984. Il s’est fait qu’en Côte d’Ivoire un professeur émérite, Nignagora BOA,
avait travaillé et travaillait sur le même domaine mais lui sur les
tam-tams Akan et moi sur les tam-tams du Mogho. Sa science, il l’avait
appelé la Drumologie ; j’avais été invité en 1986 par la TV ivoirienne
à exposer mes théories de ce langage. C’est là qu’on a diffusé mes
travaux sur la matière et qu’on m’apprenait qu'un prof de l’université
d’Abidjan travaille sur la même matière mais de son peuple. Nous avons
eu à nous connaître, mais aussi et je le confesse à nous affronter
aussi bien sur les antennes des radios de CI et du BF où il s’est
déplacé.
Nous l’avons fait dans la loyauté et dans
la perspective de la défense, pleine, entière et sans compromis de la
culture africaine. On a voulu nous opposer, nous avons transcendé cela.
Je lui ai rendu visite en Côte d'Ivoire quand il était malade. Il m’a
rendu visite à Ouagadougou, quand j’étais malade. Nous étions devenus
les meilleurs amis du monde et il m’accueillait chaque fois par les
tambours parleurs Akan exécutés par ses étudiants chaque fois que je
lui rendais visite à l’unité de musicologie à l’institut des arts de
Côte d'Ivoire à Abidjan. Malheureusement, il s’est éteint et paix à son
âme. Pour beaucoup de ses adeptes et amoureux de la culture des Akan
plus précisément des Baoulés, le survivant que je suis de ce qu’il
était convenu d’appeler les deux maîtres du langage tambourinaire doit
défendre pleinement et totalement la culture ne ce
reste que tambourinée des Akan (Côte d’Ivoire) et du Mogho (Burkina
Faso), défendre toutes les cultures des deux pays et de l’Afrique
qu’animent les fibres de ces deux êtres. Je me suis retrouvé ainsi,
fils culturel des Baoulés, par mes liens de travaux avec le professeur Nignagora.
Au point de vue générale de mes relations avec les coutumiers de Côte
d’Ivoire pendant les durs moments de la crise ivoirienne, alors qu’on
ne pouvait pas oser le croire et le faire, j’ai été invité à Tiessalé
en 2003 pour présider un colloque qui a rassemblé plus de 50 rois et
chefs de CI ainsi que des universités de la CI, du Ghana, du Nigeria,
du Bénin. Le thème était : « Royauté, chefferie, traditionnelle et nouvelle gouvernance : Problématique d’une philosophie pour l’Afrique politique».
L’idée qui sous-tendait cela était qu'elle pouvait être la contribution
de la chefferie coutumière plus précisément de la gouvernance de la
tradition pour la quête de la paix. Le thème avait trait à l’actualité
brûlante que vivait la Côte d’Ivoire.
On comprend la considération
que les universitaires de ce pays, qui enseignent depuis 1997 mes
ouvrages, et les chefs coutumiers ont depuis à l’endroit de ma
personne. J’avoue que je ne m’y attendais pas, et ce fut l’une des
plus grandes surprises de ma vie. A la fin des échanges rituels et des
discours, on a annoncé à l’assistance que la reine Abla Pokou II allait
élever Me Titinga PACERE à la dignité de prince de la cour royale des
Baoulé-Akan.
Comme je l’ai dit, j’étais surpris. Et j’avoue que mes comportements
n’étaient plus d’assurances. Il y avait beaucoup de hautes
personnalités avec souvent même rang de ministres de la Côte d’Ivoire.
Sans compter la foule nombreuse composée de ressortissants de pays
limitrophes dont le Burkina Faso et lointains. Le rituel fut des plus
hauts en couleurs et en honneur des cultures africaines. Tout au long
du rituel, il me sera remis les insignes de dignité desquels il est
retenu un objet d’art une couronne, un long pendentif, une bague
stylisée, une chaîne et un bracelet stylisé, une épaisse lourde et
grande couverture de marque de la civilisation des Akan. Une paire de
chaussures de haut dignitaires. Un trône royal (chaise royale de luxe)
qui j’ai même pu amener au Burkina Faso. J’avoue que j’avais des
vertiges devant une telle élévation surtout devant une cour aussi
majestueuse de l’Afrique qui ne relève pas de mon groupe.
Avant
vous, le président Blaise COMPAORE a été élevé à la dignité de roi par
les chefs et rois de Côte d’Ivoire, de même que sa Majesté le Mogho.
Que peuvent signifier-pour vous de tels événements ? Une distinction de
chefferie coutumière au Mogho à une personne qui n’est pas de ce groupe
est-elle possible ?
Me FTP :
En fait, nos sociétés africaines n’apparaissaient fermées en coutume
qu’en regard des institutions. Mais ces sociétés se connaissaient, se
fréquentaient, s’appréciaient mutuellement. Elles n’étaient pas
hermétiquement à interdire toutes possibilités de contacts à l’échelon
inter individuel et de considérations réciproques en la matière. En
regard de valeurs objectives reconnues, il pouvait être même donné au
Mogho, surtout de notre époque avec l’ouverture que crée le temps, la
possibilité d’attribuer une dignité de cour à une personne qui peut ne
pas relever de la région et du groupe. Ainsi et à titre d’illustration,
SEM le Larlé Naaba Tigré a reconnu et attribué une dignité coutumière à
un européen, lequel a reçu la dignité de Manegr Naaba, c’est-à-dire
dignitaire de la construction, de l’édification du peuple. Il s’agit
d’une personnalité qui s’est intégrée par sa vie, son dévouement à la
cause d’un milieu social. Sous réserve des différentes cordialités de
cette personnalité dans le cadre de la construction au peuple, il m’a
été dit que l’intéressé s’est même construit une case pour y résider.
Les distinctions du genre peuvent ne pas être possibles dans certains
groupes ethniques. Mais dans nos régions, l’exclusion absolue est rare.
Il ne s’agit pas d’attribution d’activité ; cela n’est pas souvent
possible du fait que la personne n’est pas résidente et pourrait
paralyser le fonctionnement de l’institution. C’est une distinction
simplement honorifique qui traduit que le peuple concerné entend
reconnaître, honorer les travaux de la personne récipiendaire et
l’encourage à poursuivre parce que cela va dans l’intérêt des hommes et
des collectivités. Cela aussi crée des liens et des actions positives
de vases communicants entre la société qui honore et la personnalité
qui est honorée. Cela brise des frontières, crée, engendre, la
fraternité entre les peuples et les hommes. Une telle distinction
reconnue à Me PACERE par exemple lui indique un devoir de connaître
davantage les cultures du Mogho et la culture Baoulé et les cultures
burkinabè et les cultures ivoiriennes. En un mot, il s’induit en devoir
de défendre, les valeurs les cultures de l’Afrique.
Pour les
différentes distinctions dont vous avez fait état par la CI, elles ont
concerné au plus haut degré l’autorité politique, coutumière et une
personnalité dite de la culture ; c’est une marque de faire des deux
pays un même cœur à battre au rythme de la cordialité de la fraternité
de l’amitié.
Me, en un sens vous êtes également Baoulé, avez-vous quelque élément d’histoire des Baoulés dont vous êtes un digne prince ?
Me F.T.P :
Je viens d’être nommé de nature, je dois et sans délais assurer ma
fonction de défense de la culture Baoulé et partant ivoirienne outre
celle de mon pays et de l’Afrique. J’ai certainement beaucoup à
apprendre mais de ce qui m’a été déjà dit, l’origine des Baoulé
remontent à la reine Abla Pokou. (La reine actuelle qui m’a distingué
est Abla Pokou II) et cela m’honore encore.
Abla Pokou était la
nièce d’un roi Ashanti de la région de l’actuel Ghana, le roi
Ossei-Toutou. Sa résidence était Koumassi. Dans ce groupe de l’époque,
le trône se transmettant par les femmes, c’était la sœur ou la nièce du
roi et non pas son épouse qui devait enfanter l’héritier mâle. Le
prince, une fois au trône, partageait le pouvoir avec sa mère, mère qui
devenait de fait la reine mère. Désignée par un grand prêtre des
traditions, Abla Pokou avait vécu dans cette conception du pouvoir.
Cependant, des intrigues interviennent et même des guerres civiles dans
le royaume. Un certain Kussi arriva à usurper le trône d’or du royaume
Akan et s’y installa. Abla Pokou dut s’enfuir vers l’Ouest avec son
fils lequel était l’héritier légitime du trône. Pendant des mois dans
sa traversée, elle connut toutes sortes de difficultés, la maladie, les
fauves. Elle se retrouva un jour devant un fleuve, c’était le fleuve
Comoé. L’usurpateur Kussi avait envoyé à sa recherche pour les tuer,
elle et son enfant. Arrivé au bord du fleuve, il n’y avait aucune
possibilité de traverser, elle s’aperçut comble de malheur, que les
soldats de Kussi les avaient repérés et s’approchaient. Dans le groupe
de la reine et de son fils, il y avait des devins. Ceux-ci furent
consultés, l’oracle était terrible, le fleuve réclame un sacrifice qui
permettrait une possibilité de traverser. Il fut proposé des animaux et
cela fut refusé. Puis de captifs, puis même des enfants et les génies
du fleuve rejetèrent tout.
Le fleuve voulait du prince. Pour sauver la famille, la société qui se
déplaçait, Abla Pokou prit son fils, de trésor, le couvre d’or, et le
précipite dans le fleuve. Subitement, un immense fromager se place en
travers du fleuve et le couvre faisant ainsi un pont entre les deux
rives. Mystère aussi de l’histoire, des hippopotames et les crocodiles
du fleuve vinrent et constituèrent une large carapace faisant un large
pont et Abla Pokou et sa famille traversa sans encombre. Dès que le
dernier fut de l’autre côté du fleuve, l’arbre se relèvera subitement
et tous les animaux aquatiques disparurent. Les poursuivants furent
ainsi bloqués à leurs berges. Abla Pokou s’écria «l’enfant est mort»
(BA-OU-LE). Baoulé sera le nom que prendra le nom que prendra le
royaume qui sera constitué par et autour de Abla Pokou. Peuple qui
continue à rendre hommage et gloire à sa reine qui fut capable du plus
haut sacrifice, le sacrifice de son fils unique pour sauver tout le
reste de la communauté.
Abla Pokou, de maints coutumiers et historiens, qui s’est éteinte en
1760 restera marquée certes par le chagrin innommable dû à la perte de
son fils, mais auréolée de toute l’histoire de ce périple, de ce
courage sans lequel don hélas du fils, devait être décimé.
Frédéric ILBOUDO
Destruction du fétiche de Kalsaka « La destruction d’un site culturel est un crime… »
Destruction du fétiche de Kalsaka
« La destruction d’un site culturel est un crime… »
Dixit Maître Titinga Frédéric PACERE éminent homme de culture, de droit et de lettres
C’est un grand homme de lettres, de droit…, mais aussi et surtout de culture. Sa détermination, son engagement dans la défense, la promotion et la valorisation de la culture burkinabè, en particulier et celle africaine en général, fait de lui une référence sur le continent et au-delà. Qui mieux que lui pouvait éclairer les Burkinabè sur la destruction de fétiche de la commune rurale de Kalsaka, qui défraie la chronique, et dont nous avons traitée dans notre édition n°628. Nous l’avons rencontré pour mieux comprendre pour vous, tout ce qui entoure les fétiches et leurs mystères en pays mossi. Lisons plutôt !
Maître, en tant qu’homme de culture de ce pays, qu’est-ce qu’un « Teng-kugri » ou fétiche en milieu mossi ?
Me T F P : Un
Teng-kugri est composé de « Teng » qui signifie terre et « Kugri » qui
signifie pierre. Le Teng-kugri c’est dans la coutume des mossé, une
pierre de fondation d’une terre, c’est-à-dire d’un commandement. Son
sens s’est élargi, a recouvert des domaines un peu variés mais tous
liés à l’esprit d’emplacement de l’origine d’un commandement. Comme son
nom l’indique, c’est souvent un simple « Tambr-seongo » qui est la
simple pierre désagrégée qu’on utilise de nos jours justement pour les
fondations d’immeubles avec des d’agrégats (ciment,…) pour créer la
solidité appelée de nos jours cailloux sauvages. De tels lieux où sont
implantés le Teng-kugri, sont souvent appelés simplement, « Tenga » qui
signifie terre. C’est évidemment un lieu sacré, puisqu’il est
l’emplacement et la marque au sens réel de l’origine du commandement.
Il est sacré : à preuve, pour des grands rites de saison, on y immole
des moutons, des poulets voir des bœufs. Il est précisé que
généralement, le concept de teng-kugri concerne les Nakomsé,
conquérants, fondateurs d’empires et de circonscriptions
administratives politiques. Il ne concerne pas en général les
Younyonsé, bien que cela puisse exister dans leur zone, s’il s’agit
d’un village exclusivement de Younyonsé. Si une femme a des difficultés
pour enfanter, on peut s’adresser à cet endroit-là, qui signifie qu’il
est sacré. On l’implore pour avoir un enfant. Si la maternité
intervient, l’enfant portera, par exemple, le nom de Tenga (Terre) s’il
s’agit d’un garçon, Tengpoko, « Terre femme » ou fille de la « Terre ».
Ou Tendaogo « homme de la Terre. Terre ici n’est pas la terre au sens
courant mais le lieu sacré, qu’est le Teng-kugri.
Mais dites, Maître, un village peut-il avoir plusieurs fétiches ou Teng-kuga ? (pluriel de Teng-kugri)
Me T F P :
Le problème doit-être envisagé sous plusieurs angles. Au sens
étymologique, une circonscription administrative (royaume, canton,
village, quartier) ne peut en ce qui le concerne, avoir deux Teng-kuga.
Parce qu’il s’agit, par le Teng-kugri, de la représentation physique,
matériel, culturel de l’origine de la circonscription administrative.
Cependant, au point de vu espace géographique, il se peut que sur un
même plateau terrien, il y ait plusieurs Teng-kuga. S’il s’agit d’un
canton, par exemple, le canton au niveau de la gestion de l’autorité,
se trouve symbolisé en un endroit, au même lieu par exemple que le
village qui abrite le palais du chef. Il est donc possible qu’en ce
même lieu, peut-être espacé de quelque centaine des mètres, il y ait le
Teng-kugri du canton, celui du village, et même le Teng-kugri du
quartier. De nos jours, il y a une sorte de globalisation des termes.
Je prends le cas de mon village, Manéga pour compréhension. Il y a un
seul Teng-kugri portant ici le nom de Tenga comme je l’ai déjà précisé
à quelque cinquante mètre de la maison du chef. Mais sur le plateau
central de Manéga (un rayon de cinq cent mètres), il est implanté
treize lieux sacrés de la vie et de la protection du village. Chaque
lieu porte un nom, pas forcément faisant référence à sa fonction, mais
un nom qui le distingue des autres. Pour les anciens du village et pour
les villageois, chaque lieu sacré est appelé spécifiquement par son nom
et est connu d’eux. Mais sous l’angle du sacré, de nos jours l’ensemble
des lieux sacrés pour simplification pour le langage courant, est
désigné par les «Teng- kuga» de Manéga. Au pluriel ici, utilisé un peu
partout dans le Moogho, le terme Teng-kuga désigne dès lors l’ensemble
des lieux sacrés des circonscriptions administratives et coutumières.
Néanmoins, pour qu’un lieu reçoive cette appellation il importe qu’au
centre de ce lieu, il y ait des pierres (cailloux sauvages tel que
spécifié) pour matérialiser le cœur de ce sanctuaire et pour recevoir
les rituels des sacrifices de saison. Ainsi, à Manéga, il y a le
Teng-kugri « Teens-kaoongo » en traduction littérale, bosquet des
fétiches, ou bosquet des rites cultuels. Comme le nom de ce lieu
l’indique, c’est un bosquet en quelque sorte une petite forêt sacrée,
son bois est interdit à la cuisine ou pour quoi que ce soit, d’où sa
préservation jusqu’à nos jours. Il est pratiquement dans l’aire
actuelle du Musée de Manéga. Personne ne doit couper un morceau de bois
d’arbres ou même des pailles de ce sanctuaire. En son centre et depuis
le 12ème siècle il y a des cailloux qui matérialisent physiquement le
lieu sacré et le lieu des rites. Ce lieu, est appelé plutôt par son nom
que par la désignation de Teng-kugri. Il y a même un boa en ce bosquet
qui sort de temps à autre et qui m’effraye moi-même, et déjà aperçu par
des touristes du Musée. Il est interdit de le toucher. J’ai également
interdit de le toucher du fait que pratiquement, j’ai la garde morale
de ce lieu, qui, comme je le dis, est dans l’aire du musée.
Qu’est-ce qu’un Teng-kugri peut représenter pour un royaume, un canton, un village, un quartier, une famille, un individu ?
Me T F P :
Le Teng-kugri porte sur une circonscription administrative coutumière.
C’est peut-être d’un royaume, d’un canton, d’un village, d’un quartier.
Il est également le centre de la circonscription administrative, pas au
sens géométrique ; mais au sens de l’existence de la création du point
d’ancrage et de cette circonscription administrative. A priori, une
famille ou un individu n’a de Teng-kugri. Pour les familles, dans
certaines régions, il y a un lieu sacré dans la cour, qui marque le
lieu central au sens coutumier de l’implantation de la maison
familiale. On l’appelle « Siman-Tenga ». Il n’est pas souvent
matérialisé, du fait qu’il est dans la cour. Mais, on connaît son
emplacement au jour du rituel de saison d’adresse aux ancêtres, tel que
le « Basga » (au niveau du plateau central) ou « Filga » qui se
pratique dans la région du Nord. On le reconnaît parce que le chef de
famille doit toujours se mémorer ce lieu parce que c’est là qu’il doit
immoler les poulets, au jour annuel de la fête de saison. Il n’est pas
forcément à côté de la case du chef de famille. Celui qui est à côté de
la porte de la case du chef de famille, porte le nom de « Sigré ». Le
Teng-kugri est donc un sanctuaire d’installation et de marque physique,
réelle, d’une circonscription administrative.
Quelles sont les conséquences pour les populations de la localité si ce Teng-kugri est détruit par inadvertance ?
Me T F P : On
ne peut pas détruire un teng-kugri par inadvertance. Parce que le lieu
est reconnu de tout le monde. Un étranger n’a pas à aller fouler le
lieu de ses pieds. Souvent même, aucun sentier ne conduit directement à
un Teng-kugri. Un sentier dans un village peut passer à 5, 10, 20
mètres, mais aucun sentier ne conduit à un Teng-kugri. Les rituels pour
le Teng-kugri ne sont jamais fréquents. Souvent une fois, deux fois
trois, fois par an, à moins de nécessité extrême. Du fait qu’on n’y va
pas, que le lieu n’est pas fréquenté, les sentiers ne conduisent pas à
un teng-kugri. On ne peut pas aller à ce lieu par inadvertance.
Quant à la destruction du Teng-kugri, on comprend, puisque c’est
l’origine de la création matérielle de la circonscription. Création qui
passe forcément le 1er jour par des invocations aux ancêtres, des
adresses de sollicitations de bonheur et de paix aux ancêtres. C’est
dire donc que la destruction d’un Teng-kugri signifie, la destruction
morale de la circonscription administrative par violation des liens de
respect que les vivants du jour ont envers Dieu, les ancêtres, les
devanciers. C’est pour cela que la destruction d’un Teng-kugri, est
plus qu’un sacrilège. La destruction d’un site culturel est un crime.
Elle suppose une rupture volontaire qu’une tierce personne opère, pour
rupture des liens entre les vivants et les morts. La coutume évidemment
est pour le milieu, la destruction de la vie de la personne qui a
détruit le Teng-kugri ou, dans le milieu accepter, acquiescer, une
rupture définitive qu’on impose à la localité envers ceux qui ont créé
cette localité et leurs descendances.
Et si c’est intentionnel, est-ce les mêmes conséquences ?
Me T F P : Comme je l’ai dis, le problème de l’intention ici, est
complexe. Parce que s’agissant du Teng-kugri, et pour le milieu
culturel du fait qu’aucun sentier souvent ne conduit à ces lieux, la
profanation est toujours volontaire. C’est dire que pour le milieu et
pour certaines localités notamment les Tansoaba ou (gens de guerre),
qui ont des armes, l’expression du « Burkina » (homme intègre), « Kuum
saon yandé », (la mort vaut mieux que l’humiliation). Seule donc la
mort de l’auteur peut réparer si elle peut réparer, l’humiliation.
Dans le cas de Kalsaka, on a retrouvé les restes des fétiches. Ces restes ont-ils les mêmes pouvoirs que l’authentique ?
Me T F P :
Je viens de rentrer au pays. J’avoue que l’opportunité, ne m’a pas
encore conduit à Kalsaka pour que je connaisse ces coutumes
particulières, donc son Teng-kugri, même si évidemment celui, qui
relève des principes généraux du sacré. Le Teng-kugri, comme je l’ai
dis, c’est souvent de grosses pierres désagrégées implanter dans le
sol. On n’a pas à les déplacer, parce qu’elles sont liées à un
emplacement géographique. Leurs puissances cultuelles relèvent de leur
présence au lieu de leur implantation.
Un Teng-kugri d’une
circonscription administrative ne répond plus des origines réelles
d’implantations de cette circonscription administrative. Le Teng-kugri
n’a de sens, de valeur que rester dans son lieu d’origine
d’implantation, parce qu’il signifie le lieu d’emplacement ou de
référence d’origine du village.
Je signale qu’en raison de certaines diasporas, une communauté qui se
déplace et qui arrive en un certain lieu peut faire d’une colline, son
Teng-kugri. Cela peut répondre d’un dicton pour un groupe qui estime
n’avoir pas eu un pouvoir qui leur revenait selon eux, et qui ont pris
la fuite pour être arrêté dans leur marche par une colline. Le dicton
dit «Koom san zoé ta tanga a taa tèka» (l’eau qui a atteint la
montagne, a atteint son terminus).Ce point d’arrêt que marque la
colline peut-être appelée le teng-kugri de cette circonscription
administrative. Ce sont des particularités de région sinon, le
teng-kugri est comme je l’ai dit, la pierre ou les pierres prisent pour
poser qui marquent l’origine de la circonscription administrative,
coutumière. J’ai dis que je ne connais pas le Teng-kugri de Kalsaka
mais de ce que j’ai pu entendre et lire dans la presse, il semble qu’il
s’agit d’un rocher, la matière évidemment est complexe parce que pour
certaines zones, un tel Teng-kugri est le rocher. Dans sa
configuration, dans sa réalité matérielle, dans son esthétique il doit
rester tel. Je m’en remets à la décision ou à l’analyse que pourraient
avoir, les anciens de ce village.
Mais pour certains villages, des morceaux quelque peu éparpillés,
ramenés. Mais il en faut l’intégralité, qui doivent passer par des
interrogatoires auprès des ancêtres pour comportements à avoir. Les
temps ne sont plus les mêmes et les comportements des hommes et les
nécessités de la vie modernes peuvent ne pas correspondre à la
nécessaire connaissance naturelle des autochtones en regard de leur
sacré. Sous cet angle, les mossé disent que « l’étranger ne connaît pas
les trous ». Mais cela signifie aussi que ne connaissant pas les trous
et voulant bien marcher dans le village, l’étranger se doit de se
renseigner. Cela est un signe de respect et de considération pour
lui-même et pour les autres. La stabilité générale, la paix, a concerné
le village et l’étranger passe par cette prudence de la part de
l’étranger, de tout faire pour connaître l’autre et éviter des
désagréments pour l’autre et lui-même. Ainsi dans notre temps actuel,
pour de telles situations, la coutume peut être claire et sans
équivoque. Je regretterai personnellement si la destruction a pu être
opérée à l’insu des autorités coutumières parce que le malaise devient
certain et la solution difficile. A moins qu’il y ait de la tolérance
des hommes.
Y a-t-il possibilité de réparer un tel préjudice ? Et comment ?
Me T F P :
Il est difficile dans mon entendement, de réparer un tel préjudice
surtout si le site cultuel a connu des désagréments. La seule
réparation possible, c’est de remettre la situation en l’état. Comment,
j’avoue que je ne le sais pas. Il importe surtout dans mon entendement,
qu’on garde et préserve en l’état, ce genre de lieu de culte avec leurs
compositions physiques.
Si le mal est déjà fait, je crois que le
problème ne peut se poser que dans l’histoire et les habitudes du
milieu. C’est dire qu’il faut s’en remettre à l’autorité coutumière du
milieu entourée de son conseil, pour des recherches de solutions si
solution existe.
Y a-t-il déjà eu un ou des précédents du genre dans notre pays, et dont vous avez connaissance ?
Me T F P :
Je le regrette beaucoup pour notre pays, de nombreux les lieux sacrés
de Teng-kuga ont été détruits par la colonisation et souvent hélas
parachever par notre vie actuelle des lotissements. Prenant le cas de
Ouagadougou, le lieu sacré de culte appelé « Zom-toeega » était dans la
zone complètement dénudée aujourd’hui, de l’ancien camp fonctionnaire
de Ouagadougou : entre l’aire de la paroisse cathédrale et la mairie
centrale. En cette zone également était un site des plus importants de
la capitale, la tombe du Moogho Naaba ZOMBRE qui recevait des rites
séculaires. Et pour cause, c’est le Moogho Naaba ZOMBRE qui a fait de
OUAGDOG (Ouagadougou), la capitale définitive du Moogho, qui deviendra
la capitale du Burkina Faso. La tombe et le lieu sacrés ont été rasés.
Le lieu sacré « Teens-kaongo » était situé côté Nord-est de l’actuelle
Avenue du Moogho Naaba Wobgo (ancienne avenue Bassawarga), ce lieu
sacré et son Teng-kugri en particulier, recevait les couples stériles
en quête d’enfants). Les sites sacrés détruits à Ouagadougou sont
nombreux et c’est dommage. Il y a même, des lieux sacrés de rites
millénaires à Ouagadougou et ailleurs qui ont été expropriés par l’Etat
pour cause d’utilité publique. A ma modeste échelle, je le déplore
beaucoup parce que plusieurs de ces lieux ne sont pas seulement des
centres d’expressions religieux, mais peuvent comporter des valeurs et
des enseignements qui connu, auraient contribué, à la construction de
nos peuples. Je vous cite un exemple.
J’ai préservé à cette fin, en
truisant tous les lieux sacré de Manéga afin que le lotissement
n’intervienne, des monuments, pour physiquement les matérialisés à
interdire pratiquement à moins d’inconscience, leur destruction. Sur le
plateau central de Manéga, il y a le teng-kugri appelé «Kinkir-gogo»,
essentiellement institué pour la chasse. C’est dans ce lieu qu’est
construit le rituel de «Kinkir-gogo», c’est dans ce lieu, qu’il y a des
animaux de toute nature et un monument que j’ai construit. Le rituel du
Kinkir-gogo est annuel. Au jour du rituel, toute la population du
village est conviée en ce lieu, les anciens procèdent à leur rite et
immole un poulet, qui ne sera pas consommé. Il sera grillé, séché et
accroché à une branche d’arbre. Toute la population est conviée dès
lors, à aller dans la brousse et tuer les animaux sauvages. Les animaux
qui seront tués ne seront pas consommés immédiatement, mais, seront
frits et conservés. Pendant une semaine, la population va en brousse et
revient avec ce qu’elle a pu tuer comme animaux sauvages. Au dernier
jour, tous les chefs de famille sont conviés à amener des céréales, des
ingrédients de cuisine, tout ce qui a été rassemblé de viandes sauvages
est préparé et mangé ensemble par toute la collectivité.
Seulement, en dehors de cette semaine, qui a vu tuer autant d’animaux
sauvages que possible, il était interdit à la population de tuer les
animaux sauvages. Il y avait dans la population, sur une superficie qui
atteignait coutumièrement 20 sur 30km, pas plus de cinq chasseurs
coutumiers. Ils ne pouvaient évidemment pas détruire au cours de
l’année abusivement, les animaux sauvages qui continuaient à pulluler
dans la région.
A réfléchir et à analyser, avec notre vision moderne des sociétés, ce
Teng-kugri, sanctuaire Kinkir-gogo par son existence, son rite, ses
prescriptions signifient que l’homme des traditions a vu que sa vie
imposait un équilibre avec la nature. On ne pouvait pas tuer n’importe
comment des animaux sauvages. De même, il y a dans la région, un
sanctuaire où il est interdit la coupe abusive du bois. Pour ces
milieux, l’arbre est une vie qui doit être respectée. La coupe abusive
du bois est contraire à nos traditions. A l’enfance, j’ai même assisté
à un rituel d’un masque partie d’un Teng-kugri, qu’il anime et avec son
fouet il devait frapper le tronc de tous les arbres fruitiers de la
région, pour en autoriser la consommation parce que les fruits sont
mûrs de l’appréciation du Teng-kugri, dont relève ce masque. De nos
jours, les enfants tombent malades, parce qu’ils ont mangé des karités
ou des raisons sauvages verts. Si ces garde-fous de rites de Teng-kuga
même organisés autrement pour notre temps existaient de nos jours ou
pouvaient recevoir application des principes de nos jours, l’homme
pourrait vivre dans un milieu plus équilibré, plus sain, pour plus
cordialité de fraternité et d’unité. C’est pour cela qu’il faut éviter
le vandalisme actuel, la chasse inconsidérée aux sorcières que nous
connaissons de notre temps contre les valeurs ancestrales, qui,
n’emportent pas uniquement et exclusivement des éléments du religieux.
Encore que cela mérite respect, mais aussi des éléments de protection
et de construction de la vie sociale à être connu et à être exporté par
nos gouvernances modernes.
Une compensation financière est-elle possible et envisageable ?
Me T F P : A
mon sens, une compensation financière est non seulement inopportune,
non seulement interdite, mais surtout elle est injurieuse.
Il
faut savoir que l’argent, en tant qu’argent, et même en tant que cauris
de l’ancien temps, n’entrent de ma connaissance, dans aucun rituel
sacré. On a utilisé l’argent dans le cadre civil par exemple à entrer
dans la composition de la dote. Mais là-aussi, à ne relever que du pur
symbole. A titre d’illustration du civil, jusqu’aujourd’hui à Manéga et
depuis un certain temps (l’existence de la monnaie moderne) il est
réglementé que la base de la somme monétaire, est le chiffre 100, (100
franc en mooré soit 500FCFA). Le chiffre coutumier symbolisant l’homme,
est le chiffre 3, et celui, symbolisant la femme le 4. Dans la
composition de la dote, la somme à offrir au père de la jeune fille est
de 130 franc mooré (500F CFA plus 150F CFA) pour la mère, la somme à
lui remettre est 140 franc mooré (soit 500F CFA plus 200F CFA). C’est
dire que l’argent n’a pas un rôle financier important dans la gestion
de la coutume. Même, si on est milliardaire, on ne peut dépasser ce
montant.
Ramener à la destruction d’un lieu sacré, il appartient aux autorités
coutumières pour gérer le problème avec les devanciers, les ancêtres,
et de proposer la compensation, qui s’impose si une solution existe.
Mais à mon sens, il faut éviter de mettre l’argent dedans. Je suis
conscient, surtout de nos jours, que justement, des institutions
financières, des sociétés commerciales peuvent jouer sur l’exploitation
de la terre matérielle de laquelle en particulier, peuvent emporter
l’existence d’un sanctuaire souvent millénaire.
En dehors de la superficie matérielle, culturelle du sanctuaire à ne
pas être mise en cause dans toute tractation et de réparation qui
m’apparaîtrait indécente et anti-coutumière, il serait de justice que
les populations attenantes à ce sanctuaire, dont la vie rituelle et
sociale relève de ce sanctuaire, partagent les mérites, les attributs,
les potentialités de toute nature d’une terre, qui est la leur et celle
de leurs ancêtres. Et tout exploitant n’a pas le droit d’agir ici en
terrain conquis.
Mais qu’au moins au triple niveau administratif, judiciaire ou politique des solutions peuvent être trouvées ?
Me T F P : Je crois au fond, pour ma part que ce problème, n’a pas à être élevé au niveau judiciaire.
Avant la justice, il y a d’autres comportements à observer qui
éviteraient des dérapages dans les milieux concernés, d’où la
nécessaire implication de l’autorité administrative et de l’Etat. Sur
le site d’exploitation concerné, il m’apparaît indiqué que des enquêtes
préalables soient faites auprès notamment des responsables coutumiers
de la localité. Des dispositions ici, donc préalables devraient être
prises pour éviter des incompréhensions avec les occupants coutumiers
des zones, même si par principe l’Etat serait le propriétaire et donc
gestionnaire exclusif de ces périmètres. Les désordres sociaux doivent
être prévenus, anticipés quant à la connaissance et éviter en cas de
comportements regrettables ultérieurs sur le site par quelque personne
physique ou morale que ce soit. A mon sens, au besoin, les dispositions
de forme d’exploitation peuvent être envisagées même par des travaux
souterrains pour préserver certains sites névralgiques. Par ailleurs,
qu’il s’agisse de sociétés nationales, ou en internationales, la
courtoisie des règles coutumières des localités doivent être
respectées. Il serait souhaitable que si une zone sensible était
relevée dans un milieu coutumier, que le problème soit directement
élevé auprès de l’autorité administrative immédiate et des autorités de
tutelles en cas de nécessité pour une gestion de l’ensemble, quelque
peu à trois, l’Etat, l’organisme d’exploitation de la mine et
l’autorité coutumière, celle-ci, a droits à des exposés à l’autorité
administrative et à être défendus. Les milieux traditionnels, il faut
l’accepter, ne peuvent pas par eux-mêmes maîtriser les méandres des
conventions et leurs incidences. Dès lors leurs droits coutumiers
risquant d’être atteint selon eux par une tierce personne, il vaut
mieux que leurs droits allégués soient d’abord intégralement exposés
auprès de l’autorité administrative immédiate pour gestion avec eux.
Ces droits s’ils sont grave atteints peuvent avoir échappé à l’autorité
administrative suprême, qui a signé la convention. En raison, de cas de
force majeure survenue à la mise en application d’une convention,
l’Etat peut réexaminer la situation pour éviter un dérapage et qu’une
situation ne porte atteinte à la paix sociale. Mais, si l’autorité
coutumière entre directement en négociation avec la personne, physique
ou morale bénéficiaire des droits d’exploitations, alors que cette
autorité coutumière n’est pas nantie des bagages essentiels de défense
de ses droits, elle peut poser des bases qui pourront contrarier
ultérieurement la stratégie de défense des droits coutumiers. Des
solutions peuvent intervenir, mais il faut que les bases, ne soient pas
déjà faussées. Le terrain est complexe et glissant et il faudrait de la
prudence pour tout le monde. Je pense à l’institution, qui a bénéficié
des droits d’exploitations et le milieu coutumier, dont relève le site
d’exploitation. Pour ces genres d’incompréhension, il vaut mieux
toujours prévenir que guérir, parce que si l’on ne prévient pas par des
mesures préalables, on peut déboucher sur des situations qu’on ne peut
pas gérer. Nous déplorons à travers le continent des populations
toujours en guerre contre les sociétés d’exploitations, parce que les
bases légitimes des droits des uns et des autres, à tord ou à raison
ont été méconnus. Comme je l’ai dis, ne serait-ce que pour les milieux
coutumiers que je connais, des ententes préalables peuvent toujours
intervenir à condition que l’on respecte les populations autochtones et
que l’on n’agisse pas en terrain conquis même muni d’un parchemin..o
Frédéric ILBOUDO
Kalsaka Mining L’or, le fétiche et la discorde
Kalsaka Mining
L’or, le fétiche et la discorde
Kalsaka, commune rurale située à 150 km de Ouagadougou a une population de plus de 48 000 personnes reparties dans 51 villages. Chrétiens, musulmans, et animistes y vivent en parfaite symbiose. La religion traditionnelle compte beaucoup plus d'adeptes. Depuis le 4 octobre 2009, les populations de cette commune rurale ne savent plus où donner de la tête ; le chef en premier. En effet, Kalsaka mining SA (du nom de la société minière détentrice du permis d’exploitation de la mine) a profané le fétiche de la localité. A la rencontre date-butoir du 23 octobre 2009 donnée aux responsables de la mine après celle du 17 octobre pour retrouver et restituer le fétiche, rien de concret n’a été apporté. A Kalsaka, nous avons vu une population inquiète, mais déterminée à faire réparer le sacrilège.
Devant la cour royale de Naaba Sigri, l’animation est exceptionnelle. Sur les visages, on lit l’inquiétude chez les sages. Les jeunes, eux visages fermés, murmurent. On sent l’énervement. Il est 8 h. Derrière l’attroupement des jeunes et des adultes, deux grosses cylindrées. Sur les portières avant sont estampillés « Kalsaka mining SA ». La délégation de Kalsaka minig est conduite au plus haut niveau par la représentation-résidente Mme Djénéba NANA, sous le grand fromage de la cour royale. Le trône du chef est là, mais lui-même est toujours dans sa demeure. Des consultations restreintes ont cours. Des personnes, très âgées pour la plupart, entrent et sortent de la concession de Naaba Sigri. Plus le temps passe, plus les gens de viennent de plus en plus nombreux. A 9h, un envoyé du chef informe l’assistance que la réunion va accuser du retard. La raison, les autorités provinciales ont dépêché des représentants pour assister à la rencontre. Les gens s’impatientent. « Vous voyez ces gens n’étaient même pas prévus pour assister à la rencontre et c’est eux qui mettent tout le monde en retard. Si j’étais à la place du chef, on commence la rencontre sans eux… » S’insurge un jeune devant la cour royale. Il parle de la délégation provinciale. Ce qui fait sourire le policier en faction qui attend ses supérieurs. Quarante-cinq minutes plus tard, la délégation de l’autorité provinciale arrive.
Une intentionnelle profanation ?
«Ils
sont enfin là » annonce un jeune qui freine son engin devant ses
copains. Derrière lui se gare aussi un véhicule. A l’intérieur, quatre
hommes y descendent. La réunion peut commencer. Le chef demande à ce
que les représentants de l’autorité se présentent. On apprendra alors
qu’ils sont : le secrétaire général de la province, l’adjoint au maire,
le commissaire de police, et le SG de la préfecture de Kalsaka. C’est
alors que le porte-parole de Naaba Sigri prend la parole et donne
l’ordre du jour. L’adjoint du maire de Kalsaka , Mathias SAWADOGO lui
coupe la parole : « S’il vous plait chef, tout le monde ne s’est pas
présenté, ceux qui sont derrière, c’est qui ? ». Parlant des
journalistes. « Ce sont des journalistes » rétorque un jeune dans
l’assistance. « Qui les a convoqués ? Il faut qu’ils se présentent
tous. » Avant d’ajouter : « Surtout, pas de sensationnalisme messieurs
les journalistes ! Nous ne voulons pas du sensationnel dans cette
affaire ». Les journalistes se présentent. La rencontre commence. Un
seul point est inscrit à l’ordre du jour. «Le 17 octobre dernier, nous
avions donné 10 jours aux responsables de la mine pour nous retrouver
notre fétiche, ils sont là, nous allons écouter ce qu’ils ont à nous
dire…» rapporte le porte-parole de Naaba Sigri, M Abdoulaye OUEDRAOGO
président des CVD. La parole est donnée à la représentante-résidente.
« …Nous sommes conscients de la gravité de la situation et de ce que
cela peut engendrer. C’est pourquoi nous sommes là pour qu’ensemble,
nous puissions trouver la solution. Suite à la rencontre du 17 octobre
dernier, nous sommes allés et nous avons cherché. Nous avons trouvé des
cailloux et nous vous demandons de déléguer des gens pour venir
authentifier ces cailloux…» Les tractations pour aller authentifier
lesdits cailloux commencent. L’adjoint au maire propose que les jeunes
évitent de prendre la parole. Ce que les jeunes contestent. Les
anciens, eux tempèrent les ardeurs. Le ton monte. L’approche du
problème par l’adjoint du maire est décriée. Le SG de la province du
Yatenga M. Abdoulaye OUEDRAOGO intervient : « Le haut-commissaire m’a
envoyé ici ce matin, vous demander honorable chef, ainsi qu’à toute la
population de chercher dans cette regrettable affaire une solution de
paix. Certes la situation est grave, mais on peut toujours trouver une
solution car c’est peut-être par inadvertance que cela est arrivé….»
Il n’en fallait pas plus pour réveiller le courroux de certains. A en croire la population, l’acte posé par les responsables de la mine est intentionnel. « Quand les responsables de la mine venaient pour l’implantation de la mine, à leur demande, nous leur avons indiqué les emplacements de tous les sites cultuels. Ils nous ont rassurés que tout sera fait pour préserver et protéger ces lieux. Quelque temps après, un des responsables notamment M. ALERA est venu demander au chef s’il était possible de déplacer le fétiche. Ce que le chef a refusé. Il a demandé s’il était au moins possible de protéger le fétiche avec une clôture. Le chef leur a dit en son temps que c’était une bonne chose d’ailleurs. Franchement, qu’on ne vienne pas nous dire aujourd’hui après toutes ses requêtes que c’est par inattention que cela est arrivé. L’acte est intentionnel et ils vont le réparer. Si ce n’est pas intentionnel, pourquoi viennent-ils avec des enveloppes pour voir le chef ? » Plus d’une trentaine de minutes de tractations après, le chef donne l’ordre aux 13 personnes qui étaient allées le 17 octobre dernier pour constater les dégâts de la destruction du fétiche de partir à la mine pour l’authentification.
Les journalistes indésirables
Avant
même que la délégation désignée par Naaba Sigri ne quitte la cour
royale pour la mine, le SG et sa suite demandent à partir. Sur le point
du départ pour la mine, les journalistes tentent d’arracher quelques
mots à Mme Djénéba NANA. Refus catégorique. Les journalistes suivent la
délégation royale pour être témoins de l’authentification. Là, un
policier les interpelle : « Les autorités de la mine ont donné des
instructions. Elles disent que si vous n’avez pas fait de demande
d’audience, vous ne pouvez pas avoir accès à la mine encore moins
accompagner les délégués du chef ». Les « gratte-papier » rebroussent
chemin. Dans la cour royalement, les débats continuent. Chacun y va de
son réquisitoire. Pour certains, il faut que les travaux s’arrêtent à
la mine jusqu’à ce qu’on retrouve le fétiche. Les patriarches et
responsables coutumiers sont interpellés. « Que faut-il faire si les
envoyés du roi ne reconnaissent pas le fétiche ? » S’interroge un
jeune. « Ne vous inquiétez pour ça nous allons interroger les mânes des
ancêtres pour savoir s’il s’agit du fétiche ou pas ? » Répond un
ancien.
Des morts mystérieuses à Kalsaka
Sous le coup de midi, les envoyés de Naaba Sigri sont de retour. Les
visages sont graves, fermés. A peine ont-ils pris place que des
questions fusent. Qu’avez-vous trouvé ? Qu’avez-vous à dire ? Naaba
Sigri hausse le ton à l’endroit des jeunes. Je demande le silence. Les
gens se taisent. Naaba Sigri donne la parole à Abdoulaye OUEDRAOGO.
« Chef, nous sommes partis, nous avons vu, mais ça ne ressemble pas à
notre objet. Ils nous ont montré des cailloux, mais, aucun de ces
cailloux ne ressemble au fétiche. Pire, là où on nous les a montrés,
c’est encore loin du lieu où le fétiche était implanté. Les anciens
sont là, ils vous diront…» A dit Abdoulaye OUEDRAOGO.
Ce que confirme un ancien qui était de la mission d’authentification. Stupeur ! Résignation, colère. « Que faut-il faire ? » S’interroge un aîné. Là-dessus, après concertation, les anciens décident : « Nous allons interroger les mânes des ancêtres dès lundi et ils nous diront si les cailloux qu’on vous a montrés sont les fétiches ou pas. » Sur le champ, Naaba Sigri envoie informer le Tensoaba (le sacrificateur) que le rite aura lieu le lundi aux environs de 16 heures. Cette décision devait mettre fin à la rencontre, mais c’était sans compter avec la détermination des fils et filles de Kalsaka. Le débat reprend de plus bel. Les nerfs sont à vifs, surtout quand l’un des envoyés dit que sur la colline, le travail continue. « Il faut qu’ils arrêtent les travaux jusqu’à ce qu’on retrouve le fétiche… » Lance quelqu’un. Des voix s’élèvent pour dire que ce n’est pas opportun. «Si pendant les dix jours qu’ils ont eu pour rechercher le fétiche, ils n’ont pas arrêté le travail, ce n’est pas les trois jours qu’ils vont travailler avant qu’on interroge les ancêtres qui vont déranger quelque chose. » Affirme Drissa. Sa position est suivie par plus d’un. En définitif le chef tranche : « On les laisse travailler… » Rendez-vous est pris lundi 26 octobre avec un représentant de la mine pour le rituel du sacrifice d’authentification.En définitive, les sacrifices ont été exécutés le mardi 27 uctobre 2009. Selon Abdoulaye OUEDRAOGO, président du CVD et porte parole du chef,les ancêtres ont acceptés les offrandes sacrificielles, signe que les cailloux que Kalsaka mining a retrouvé sont des restes du fétiche. Parcontre Abdolaye OUEDRAOGO souligne qu’il est très impératif que les restes du fétiche soitent retrouvés dans de metlleurs délais de l’avis des anciens. Pour l’heure, Kalsaka compte ses morts. Aux dires des sages depuis la survenue du sacrilège, des morts mystérieuses ont eu lieu dans la commune. En l’espace de quatre jours, il y a eu quatre morts ; Une femme a fait une chute d’un arbre et en est décédée. Une autre est morte en laissant derrière elle, deux enfants de bas âges… Des morts au nombre de quatre qui sont inexplicables. Elles seraient la résultante de la profanation. Vrai ou faux ? La question reste posée, mais une chose est sûre, Kalsaka n’a pas encore retrouvé la totalité du fétiche, retrouvera-t-il sa quiétude ? Affaire à suivre…o
Frédéric ILBOUDO
Kalsaka mining SA en bref
Kalsaka
mining est une société anonyme de droit burkinabè, dénommée Kalsaka
Mining SA. Succursale de Cluff mining SA le capital est réparti entre
Cluff mining (78%), Investissement moto agricole réalisation Burkina
(IMAR-B) pour 12% et l’Etat burkinabè (10%). Les estimations de l’étude
de faisabilité font ressortir que la production sera de 22,5 tonnes
d’or métal et que la durée de vie prévisionnelle de la mine est de 6
ans. Le permis d’exploitation du gisement a été octroyé en juin 2004.
L’usine de traitement a une capacité d’environ 4 500 tonnes de minerai
par jour. La spécificité de la mine d’or de Kalsaka est que le
traitement de l’or se fait à ciel ouvert classique.
Il y a aussi
un traitement de lixiviation (lessivage) en tas pour une capacité
initiale d’un million de tonnes de minerai et de soixante mille onces
d’or par an. Kalsaka Mining SA s'est engagée à réhabiliter le site
d'exploitation, conformément au plan de préservation retenu par ladite
étude. La société minière va verser annuellement au Trésor public au
titre des impôts, taxes et royalties, 836 millions de francs CFA et
améliorera la balance des paiements du Burkina à hauteur de 10milliards
de FCFA. La société Kalsaka SA c’est selon les autorités 860 millions
de francs CFA pour le suivi et la gestion de l’environnement. Kalsaka
Mining SA, a pour Président Directeur Général (PDG), M Algy Gordon
Cluff et comme représentant-résident Mme Djénéba NANA..o
Frédéric ILBOUDO
ORCADE aux côtés des populations
La profanation du fétiche de Kalsaka n’aurait pas eu d’échos si l’ONG ORCADE, n’avait pas sonné le tocsin. En mettent l’affaire sur la place publique via les médias, Moses KAMBOU directeur exécutif de l’ONG, à donner des forces aux populations de Kalsaka. Des forces qu’elles n’allaient certainement pas avoir, si l’affaire était gérée entre les « quatre murs » de la commune. L’Organisation pour le Renforcement des Capacités de Développement (ORCADE) est une association burkinabè créée en fin 2001. C’est grâce à sa vigilance de cette association qui travaille aux côtés des populations que Kalsaka fait aujourd’hui l’actualité au Faso. « Nous sommes déterminé, et nous suivrons cette affaire jusqu'à son aboutissement total. Notre pression su Kalsaka mining SA ne se limitera pas seulement au Burkina. Non. Nous saisirons nos partenaires au niveau international pour que la pression soit à tous les niveaux afin que les responsables de Kalsaka mining comprennent qu’on ne peut pas et on ne doit pas profaner impunément, les sites religieux… » A laissé entendre Moses KAMBOU. Les objectifs de l’ONG sont les suivants : participer au développement durable des ressources humaines ; lutter contre la pauvreté ; renforcer les capacités des ressources humaines en vue de contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des populations ;… ORCADE a une noble mission qui est de renforcer les capacités des citoyens burkinabè. En leur faisant prendre conscience de leurs capacités intrinsèques, ORCADE/Burkina donne des outils aux populations pour travailler à construire leur propre développement durable. Ainsi, les couches défavorisées sortiront de la situation de dépendance afin de pouvoir contribuer au développement national...o
Frédéric ILBOUDO
L’or ne brille pas pour tout le monde à Kalsaka
Entre
les populations de Kalsaka et les responsables de Kalsaka mining SA, ce
n’est pas le parfait amour. En effet, depuis le démarrage effectif de
l’exploitation de la mine jeudi 30 octobre 2008, l’espoir des
populations est toujours vain. «Il n’y a aucune retombée pour le
village. Il n’y a jamais eu de cahier de charges, aucune infrastructure
construite jusque-là et ce depuis septembre 2008, sans oublier les
dégâts sur l’environnement, la santé des femmes et des enfants» Lance
un fils du village venu spécialement de Ouagadougou pour la rencontre.
« Le débat n’est pas là. Nous sommes là pour parler du fétiche, on ne
peut pas intégrer cette situation dans cette affaire. C’est deux
affaires distinctes que nous devons traiter distinctement » rétorque
Wahab O. Pourtant on avait annoncé que : « les activités d’exploitation
de Kalsaka mining S.A entraîneront la création d’environ 200 emplois
permanents et autant de nombreux emplois indirects liés entre autres,
au transport, à la restauration et au commerce général », avait affirmé
Monsieur le ministre des Mines, des Carrières et de l’Energie,
Abdoulaye Abdoul Kader CISSE. Ce qui faisait dire au préfet dudit
département que : « le lancement officiel des travaux de cette mine
d'or viendra résoudre un tant soit peu l'épineux problème du chômage et
favorisera le développement de la localité » Si tel est le cas, sachez,
Monsieur le préfet qu’ils ne sont pas plus 10 les fils et filles de
Kalsaka qui y travaillent. Quant à ces nombreux emplois indirects liés
entre autres, au transport, à la restauration et au commerce général
dont vous faisiez cas, rien n’a encore poussé. Combien de Burkinabè
travaillent à Kalsaka mining SA sur les 200 emplois permanents annoncés
? Ça c’est un secret défense chez Kalsaka mining. Il avait été dit que
le département de Kalsaka, d'une superficie de 600 kilomètres carrés et
d'une population de plus de 48 700 habitants répartie entre 51
villages, bénéficiera. En outre, il ressort qu’au niveau du
développement local, Kalsaka mining SA mettra à la disposition des
populations de Kalsaka, des infrastructures socio-économiques (écoles,
dispensaires, micro-crédits, centre de loisirs...) Pour ce faire, un
comité communautaire consultatif est à pied d’œuvre en vue d’évaluer
les actions à réaliser. Les populations attendent toujours, un an après
le début des travaux. Le reste se contente de « bouffer » la poussière
au quotidien et à subir les affres des dynamites et autres
ronronnements des gros engins. Et les affres ne s’arrêtent pas là. Pour
certains anciens, la mine est responsable de l’état actuel de leurs
habitats. « Nos maisons sont fissurées, et nos enfants souffrent de
toux liée à la poussière que dégagent les travaux… », affirment-ils.
L’occasion faisant le larron, les populations veulent profiter de ce «
quiproquo » pour rappeler à Kalsaka mining SA, ses responsabilités. «
Dans d’autres localités on construit des écoles, des centres de santé
pour les populations. Ici, depuis un an que la mine est fonctionnelle,
rien. Même pas une brique n’a été posée. Et non content de cela, ils
brisent nos espoirs en profanant nos fétiches », clame Issaka. Mieux,
le ministre en charge des Mines avait exhorté la société Cluff mining à
prendre toutes les dispositions diligentes pour mener les activités
d’exploitation de la mine selon les règles de l’art. Avec le sacrilège
qui a été commis, qui est loin d’être dans les règles de l’art comme
recommandé par le ministre, Kalsaka mining S.A a plus qu’un devoir
celui de tenir tous les engagements pris qui sont ceux d’être à leurs
côtés, de les soutenir pour un mieux-être. Sinon, pour l’heure, l’or ne
brille donc pas pour tout le monde comme le souhaite l’ONG ORCADE de
Moses KAMBOU dont le combat est de renforcer les capacités des
populations pour le développement. Comment Kalsaka pourra se développer
si ses fils et filles ne s’unissent pas pour défendre ses intérêts ?.o
Frédéric ILBOUDO
Ambiance de ranch au bord du Djoliba
Ambiance de ranch au bord du Djoliba
“Un appel à la liberté, à la fraternité et à la tolérance”
Lundi 1er décembre, sur la berge du Palais de la Culture de Bamako, “La Geste des Étalons” marquait l’ouverture du neuvième Festival “Théâtre des Réalités”. Bien que le spectacle fût gratuit, certains spectateurs ont préféré le suivre depuis le pont surplombant le site…
Par David Sanon
Photo: Balkissa Maiga
Lundi soir 1er décembre, une cinquantaine de motocyclistes sont restés scotchés sur le Pont des Martyrs, les yeux rivés sur les berges tapissées de gazon vert du fleuve Niger, communément appelé Djoliba. En contrebas, une dizaine de cavaliers paradait dans une arène improvisée, accompagnés par un saxophone, un djembé, un taman et une guitare électrique. Depuis leur perchoir, ces Bamakois ont vécu, sans le savoir pour certains d’entre eux, le spectacle d’ouverture de la 9e édition du Festival “Théâtre des Réalités”: La Geste des Étalons, de Luis Marquès et Amadou Bourou (co-production de l’association L’Œil du Cyclone et de l’Écurie du Cheval mandingue).
Face à l’orchestre, installé côté nord de l’arène, se trouve un public attentif au spectacle. Assis sur les sièges disposés là ou à même le gazon, il vit ce conte qui met en scène des cavaliers et leurs chevaux, des échassiers et un âne. On peut même dire qu’il est concerné quand on entend l’étudiant Ibrahim Koné dire que “c’est un appel à la paix qui est lancé aux Maliens”. Surprises par la ponctualité des organisateurs, ces dames ont dû avancer au pas de course, malgré leur somptueux bazin et leurs hauts talons, pour trouver une bonne place. Comme si elles craignaient de rater quelque chose d’important.
Le conteur du spectacle, pour s’assurer que le public ne somnole pas, lance de temps à autre: “Dowoulo!”; et le public, pour signifier son éveil, doit répondre: “Do!” Les salves d’applaudissements accompagnant chaque scène témoignent de l’intérêt du public pour ce premier spectacle équestre donné à Bamako. Un spectateur, le régisseur équestre français Norbert Estèbe, l’exprime bien quand il dit avec émotion: “C’est bien réfléchi, et en même temps il y a de la spontanéité et une vivacité exceptionnelle. C’est un appel à la liberté, à la fraternité et à la tolérance, à travers la fougue de la jeunesse…” Avant de conclure que “l’Afrique a de l’avenir”.
La représentation a tenu le public en haleine pendant plus d’une heure. Le professeur Gaoussou Diawara, critique d’art, souhaite que les Maliens en tirent quelque chose pour que le dialogue, tel le cheval dans la pièce, lie le nord au sud du pays.
Durant le spectacle, la bande lumineuse constituée des phares de véhicules traversant le Pont des Martyrs aura, à plusieurs reprises, ralenti voire stoppé sa course pour permettre aux passants de contempler les chevaux dansant au rythme de la musique et à la lumière des projecteurs. C’était beau!
Le festival “Théâtre des Réalités” ne fait que commencer…