Un appel à la migration
Un appel à la migration
Par Dieudonné Korolakina
Photos: Frédéric Ilboudo
Le message porté par La Geste des Étalons, le spectacle joué lundi 1er décembre en ouverture du festival présidé par Adama Traoré, fait écho au thème choisi pour cette neuvième édition: “Migrations et Migritudes”. Il faut dire que l’auteur et metteur en scène de cette pièce, Luis Marquès, d’origine franco-espagnole, connaît bien le fait migratoire. D’abord immigré en Côte d’Ivoire où il crée, dans les années 1990, la compagnie Ymako Théâtri, devenue plus tard L’Œil du Cyclone, il s’est ensuite installé au Burkina Faso, où il travaille depuis quelques années. Pour sa pièce, il n’a pas hésité à “faire migrer” les compétences: c’est ainsi que le Français Thierry Perrichet est venu de France pour superviser la conception équestre du spectacle co-écrit par Luis Marquès et Amadou Bourou.
La pièce est toute entière contenue dans son titre: récit fondateur, La Geste des Étalons retrace l’inimitié entre deux peuples, aux portes du Sahel. Elle soulève des questions d’identité, de frontières, et entérine un rêve de paix inconscient. Un roi nomade et guerrier vivait au nord, dans le désert, tandis que sur le sud, fertile et rouge, régnait un grand empereur. Un jour, poussé par la famine et les tempêtes de sable, Narbor, le roi nomade, pénétra sans le savoir sur les terres de l’empereur du sud. Lutte terrible entre deux peuples. Et le moyen de la paix se révèle lorsque Dima, le fils du roi nomade, et Sylla, la fille unique de l’empereur, tombent amoureux l’un de l’autre.
Dans cette épopée, également odyssée musicale, Luis Marquès ébranle les assignations de scènes habituelles - le dispositif public-scène n’est pas totalement frontal - et fait de cette démonstration équestre l’objet d’une pure passion: celle qui happe l’attention et en maintient l’intensité jusqu’au bout, à travers les diverses péripéties de la trame. Il y suggère un espace semblable à un hippodrome. Des fils tendus bordent le pourtour de la scène en y laissant trois points d’entrée et de sortie. L’aire centrale, tel un no man’s land, constitue l’enjeu. S’y tiennent des joutes, des dialogues désespérés et des combats cruels. C’est de là également que le cavalier-narrateur, à l’image du griot, vient régulièrement lancer le cri de ralliement – “Dowoulo!” – qui raccorde la scène à la salle.
Présenté sur le mode d’une comédie dramatique, ce conte fait se succéder acrobaties, prestidigitation, mouvements chorégraphiques émouvants des chevaux… Autant d’images fortes qui marqueront pour longtemps la mémoire des spectateurs.
Mais la pièce porte, avant tout, le message puissant d’une ouverture à la migration. Le spectacle de Luis Marquès est un voyage pour l’esprit, mais il fait également converger vers le théâtre diverses esthétiques: échasses, danse, marionnettes, etc. En trouvant un écho favorable sur la terre malienne, La Geste des Étalons nous remémore le message du chanteur Tiken Jah Fakoly, dans le titre-phare de son dernier album: Ouvrez les frontières!
Le spectacle s’inscrit lui-même dans cette logique de migration, puisqu’il a commencé sa tournée à Ouagadougou et qu’il la terminera le 6 décembre 2008 à Sikasso, en passant par Bobo-Dioulasso, Ségou, Bamako et Siby. La Geste des Étalons mérite bien une traversée du monde… à cheval!
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