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FESPACO 20e édition:La grosse désillusion

FESPACO 20e édition

La grosse désillusion

 

Ils étaient trois «Etalons» du cinéma burkinabè à représenter le pays à la compétition africaine du FESPACO. Au soir du 3 mars 2007, à l'heure de vérité, aucun d'eux n'a pointé le nez dans le palmarès officiel. Une grosse désillusion qui renvoie nos cinéastes à leurs chères écoles si ce n'est qu'elle met à nu une propension à la facilité.

 

«Code Phœnix» de Boubacar DIALLO, «Djanta» de Tahirou Tasséré OUEDRAOGO, et «Le monde est un ballet» de Issa TRAORE de Brahima ; c'était là les trois films qui représentaient le Burkina Faso à la compétition au FESPACO 2007. Aucun de ces trois films n'a été récompensé. Ah, si ! Il ne faut pas que la mémoire nous fasse déjà faux-bond car des prix spéciaux, certains en ont glanés.

A la vérité, si «Djanta» de Tahirou Tasséré OUEDRAOGO a eu le prix spécial des Nation unies pour la Promotion des droits de la femme, et celui de l'IPPF, c'est bien plus pour le thème du mariage forcé qu'aborde le film qu'autre chose. Un thème qui fait recettes quand on le sait d'actualité avec la recrudescence de la lutte contre les violences faites aux femmes. Que dire alors du prix spécial de l'intégration de l'UEMOA qu'a reçu Issa TRAORE de Brahima ? Pour le cinéphile moyen comme nous, rien. Rien parce que dans «Le monde est un ballet», il n'est pas question d'intégration économique mais peut-être sociale  au regard de l'issue heureuse pour l'héroïne du film. Et quand on sait qu'à l'UEMOA on parle surtout économie et monnaie qui nécessitent que les barrières frontalières tombent pour un essor, notre lanterne a besoin d'être éclairée.

Boubacar Diallo réalisateur de "code phenix"

 

Bref, l'on se demande si ces prix spéciaux n'ont pas été donnés comme lots de consolation pour faire passer la pilule de la grosse déculottée. Avant tout, on est pays organisateur et le peuple ne comprendrait pas, lui qui a cassé la tirelire par son gouvernement pour faire vivre le FESPACO et par lui-même emplir les salles de projections qu'il s'est encore saigné à retaper… Mais «Code Phœnix», lui, que  lui a-t-on voulu avec ce Zéro pointé, pourrait-on dire, puisqu'il n'a obtenu aucun prix d'encouragement ? Le malaimé qui n'a pas été «sponsorisé» comme il se devait mais que les cinéphiles Ouagalais ont bien aimé !

«La pluie d'hier est partie avec son froid» dit-on chez nous, mais il faut reconnaître, le 20e FESPACO doit avoir laissé un goût amer chez nos cinéastes. Un goût que même «Les Bons Dimanches» que dire, l'émission phare du dimanche rebaptisée d'un nom difficile à dire par l'homme  de la rue ou le frère de Ponsoum-Tenga, cette émission du Big-Ben, n'a pu faire passer puisque beaucoup ont snobé le plateau de la TNB ce jour-là.

Revenons cependant sur terre et regardons les choses en face. Le dindon a beau faire le gros dos, il n'impressionne pas le boucher qui décide de son sort. Le FESPACO côté cour est une affaire de professionnels et il faut être à la hauteur de ses pairs pour prétendre à leur suffrage.

 

A qui la faute ?

Le Burkina Faso est reconnu comme un pays de culture, mieux dans le domaine du cinéma, les devanciers comme Gaston KABORE, Idrissa OUEDRAOGO etc. ont posé les bases d'une pratique cinématographique professionnelle. La preuve, ils ont remporté deux prix, les deux «Etalon de Yennenga» dont le pays peut s'enorgueillir. Aujourd'hui, on traite leurs réalisations de «Cinéma calebasse» comme pour dire que c'est dépassé. Pourtant, nos jeunes réalisateurs doivent aller à la source pour s'abreuver des connaissances de ces devanciers.

L'on se demande par exemple si Idrissa OUEDRAOGO a eu son mot à dire dans l'œuvre de son frère cadet Tahirou Tasséré OUEDRAOGO. Pour preuve, les critiques n'ont pas manqué de relever les insuffisances notaires du film. Morceaux choisis. «La lenteur du déroulement de l'intrigue soutenue par une musique pas terrible, la longueur de certaines séquences qui auraient mieux été rendues en flash, cache mal le désir du réalisateur de faire des clins d'œil à l'endroit de choses qu'il apprécie personnellement…», «… dans ce film, certains plans donnent l'impression d'être de trop…», «… Certaines scènes pêchaient par un manque de réalisme évident…», «… la lecture de l'image n'est pas non plus favorisée par de légers problèmes de montage qui donnent lieu à des ruptures fréquentes entre les plans…», «…que dire de l'éclairage intérieur des cases qui contraste totalement d'avec la lumière naturelle que le réalisateur n'a pas su doser et encore moins transmettre…», c'est bon, mais c'est pas arrivé !

Pour ce qui est de «Code Phœnix», de Boubacar DIALLO, les critiques ne sont pas allées de mains-mortes. «Code Phœnix balade le spectateur au cœur d'une histoire complètement hallucinante dont il sort complètement désarçonné…», «le film est une suite étonnante de pirouettes dont on a du mal à cerner les contours…», «l'histoire du film est traitée comme une comédie d'inspiration douteuse…», «Code Phœnix ne pêche pas seulement par les malheureuses ambiguïtés de son scénario, le film souffre d'une faible direction d'acteurs, certaines scènes étant carrément théâtralisées, tandis que d'autres manquent cruellement de crédibilité notamment celles qui ont trait aux évènements… reste donc un film énigmatique et frustrant». Le film burkinabè qui aura reçu le moins de critiques virulentes, c'est celui de Issa TRAORE de Brahima avec «Le monde est un ballet». Un film très plaisant pour le public, mais… «Si le film est à saluer par d'abondants éclats de rire répondant aux dialogues bien pointés, la faiblesse de ce long-métrage grand public est cependant de ne pas trouver dans le montage de la multiplication des plans et angle de vue le rythme nécessaire à la comédie musicale…».

C'est dire donc que ces critiques, loin d'être gratuites, doivent être prises très au sérieux par les trois réalisateurs si vraiment ils veulent avancer sur les chemins de la gloire en 2009. Il faut dépasser les films de copinage qui se font en club restreint avec des comédiens amateurs, ou des comédiens d'écuries. De bons comédiens, il en existe au Faso, il faut les faire jouer au lieu de se complaire avec des comédiens à un sou même si ça permet d'économiser pour autre chose.

La débâcle de nos réalisateurs à cette 20e édition est une leçon qui doit servir de base pour une remise en cause profonde du modèle de cinéma et de cinéaste que l'on veut pour le futur. 2009 se prépare aujourd'hui, et la débâcle de cette 20e édition doit loin de clouer les réalisateurs leur permettre de revoir leur copie. Gageons que cela permettra une prise de conscience et que, au lieu de jeter la pierre à X ou à Y, l'ensemble de la corporation va s'atteler à resserrer les liens pour donner une autre image au cinéma burkinabè.

 

Frédéric ILBOUDO   

  



21/03/2007
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