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L'artiste du mois

«L'artiste du mois»

"Djata" côté cour, côté jardin

 

«L'artiste du mois», pour son deuxième rendez-vous a choisi d'aller à la rencontre d'une artiste qui, de l'avis de nombreux observateurs, ne laisse personne indifférent. Il s'agit de Djata ILEBOU. Certains l'apprécient pour la candeur de sa voix et son immense talent, d'autres pour son cœur plein de générosité. Derrière la petite artiste frêle, nous avons découvert une jeune femme marquée par le poids de la vie et qui ne demande pas l'aumône, mais simplement qu'on croit en elle. Pour mieux connaître Badjata Melissa ILEBOU, rendez-vous mercredi 22 février prochain dans votre journal. Badjata, un nom, toute une histoire, une prémonition. Lisez plutôt.

 

Au cœur de la vie de Djata

 

À l'état civil, l'artiste musicienne Djata se nomme Badjata Melissa ILEBOU. Elle est deuxième fille (jumelle) de la famille ILEBOU qui en compte aujourd'hui 4 puisque son frère jumeau est décédé à l'âge de 5 ans. Celle dont le nom Badjata signifie «On parlera de toi demain» est née le 27 juin 1976 de Feu Bavakan ILEBOU et de Kathuabia AGUEKORA à Kampa Fanian un petit village de la province du Nahouri. Contrairement à beaucoup d'artistes qui ont découvert la musique dans leur jeunesse, Djata elle, est «née et grandie dedans». Déjà gamine (à environ 4 ans) son père «les forgeaient» elle et son frère et ses sœurs à chanter avec lui et leur maman. La musique est donc un héritage paternel car papa ILEBOU et grand père ILEBOU étaient des musiciens patentés dans la localité et sans eux, point de funérailles.

 

La musique dans le sang

«Ce qui m'a marqué dans mon enfance, c'est le fait de n'avoir pas été à l'école, alors que mes camarades d'âge y allaient ; Cela m'a beaucoup fait souffrir et j'ai compris que c'est parce que j'étais une fille de pauvre. Mais j'ai fait une autre école ; une grande école ; celle de la vie : savoir préparer, garder espoir, travailler dur dans la vie pour gagner son pain, s'avoir aider son mari, gérer une famille etc. Etre une femme «guerrière» tout simplement». En effet, issue d'une famille très modeste, Djata ILEBOU n'a pas eu la chance d'aller à l'école. Elle a donc été éduquée dans la musique jusqu'à l'âge de 7 ans auquel elle rejoindra la capitale pour aider sa grand-mère paternelle dans ses activités. C'est dans cette nouvelle vie de citadine qu'elle sera découverte par une femme de culture Moussoyouma KOUYATE qui était sa voisine. «J'ai découvert en elle un talent naturel de chanteuse et je lui ai donné sa chance» nous a confié celle-ci. D'ailleurs Djata garde de bons souvenirs de sa tournée en Suisse, Paris, et Bruxelles en 1991 avec la Troupe Wamdé de Moussoyouma, qu'on ne présente plus.

«Je rends hommage à cette dame, Moussoyouma KOUYATE qui a eu confiance en moi, qui a cru en moi». Aujourd'hui, femme et mère de trois enfants, l'artiste garde de très mauvais souvenirs de son adolescence. «Je ne peux pas garder de bons souvenirs de mon adolescence parce que, dès l'âge de 17-18 ans, j'avais tout le poids du monde sur les épaules» En effet, à 17 ans, elle met au monde Abdel Ben Nasser son premier fils.

 

Une adolescence difficile

Ce fut un «tremblement de terre» pour elle, puisque abandonnée de tous. Elle est obligée de quitter la troupe Wamdé et elle est délaissée de sa famille. Elle a due partir auprès de la famille du père de son enfant qui, heureusement a su la comprendre et la soutenir. Mais sa misère ne s'arrêtera pas là puisqu'il fallait trouver les moyens pour survivre. Comment survivre quant tout le monde vous lâche ? Cette condition d'extrême pauvreté conduit Badjata à faire toutes sortes de petits boulots pour subvenir aux besoins de son fils. C'est ainsi qu'elle travaillera comme serveuse dans un maquis tout en continuant sa passion dans la Troupe Woulaba Percussion jusqu'à ce que Koudbi KOALA lui donne une autre chance dans sa Troupe Saaba à travers une tournée en Hollande. «Ma famille qui devait me donner une seconde chance m'a fermé la porte, mais quelque part, je pense que c'est ce rejet qui à fait de moi ce que je suis aujourd'hui» : une véritable guerrière. Elle a surmonté monts et vallées pour être ce qu'elle est aujourd'hui, quand bien même tout n'est pas encore rose pour elle. Elle croit en son étoile, elle refuse la fatalité, encore moins de courber l'échine et du haut de ses 1,65cm et avec ses 65kg, elle ne se laisse pas marcher sur les pieds. «Si ta mère te mets au monde, il faut renaître toi-même de nouveau et je croit avoir prouvé à ma grand-mère que je suis une guerrière». Aimer ses enfants, se battre pour eux afin qu'ils ne vivent pas la même souffrance qu'elle ; telle est ce qui la fait vivre et espérer.

Même si rien n'augure aujourd'hui que l'artiste sera une grande star à l'image de son idole Myriam MAKEBA, la prémonition de son nom nous dit que cette femme-là ira loin et que l'on parlera d'elle. C'est tout le mal qu'on souhaite à Badjata. O

 

Itinéraire d'une carrière en devenir

 

On pourrait dire qu'elle est née dans la musique et que le son des tam-tams et autres mélodies, sans oublier les pas de danse coulent dans ses veines comme son propre sang. La musique étant un héritage chez elle, tout coule de source, car rien de ce qu'elle dit et fait avec elle n'est artificielle. Djata a fait ses premiers pas de musique avec son père, mais son véritable chemin d'artiste s'est tracé à l'âge de 8 ans quand elle a été découverte par Moussoyouma KOUYATE de la Troupe Wamdé.

Cette troupe fera éclore chez elle de véritables talents de percussionniste, de danseuse, de chanteuse, bref de tous les ingrédients nécessaires à tout artiste accompli. A travers les multiples tournées en occident dans les années 90, 91, 92, elle confirme tout le bien que Moussoyouma KOUYATE pensait d'elle. Non seulement elle s'acquittait de ses tâches, mais elle jouait aussi le rôle de monitrice pour les autres membres de la troupe à travers les pas de danse qu'elle leur apprenait.

Cette belle ambiance est perturbée en 1993, année au cours de laquelle elle tombe en grossesse. Cette traversée du désert n'éteindra point ses talents puisque, malgré les difficultés, elle continuait ce qu'elle avait commencé avec la troupe Wamdé, mais cette fois-ci avec la troupe Woulaba percussion. En 1996, Djata est repérée par le célèbre Koudbi KOALA des NAK (Nuit Atypique de Koudougou) à laquelle elle participe. Dès lors, une autre carrière démarre. Avec sa troupe, Saaba, elle fera un mois et demi de tournée aux Pays-Bas. C'est au cours de cette tournée que «le virus» de la composition, la pique et naît alors sa première chanson qu'elle reçue à ce qu'elle dit, en songe où elle était avec son grand-père.

En 1999, elle rencontre feu Yaya Popsy DIALLO au jardin de la musique ZACA. «Ma rencontre avec le regretté Yaya Popsy DIALLO m'a ouvert le chemin vers la carrière d'une vraie artiste musicienne».

Elle le convainc, après forte insistance de l'écouter en accapéla, malgré son emploi du temps chargé. Le maestro de la musique burkinabè d'alors l'écoute et lui donne sa chance. Elle entre en studio et accouche de son premier album dénommé «Dounia» qui parle de la haine, de la jalousie. Cet album ne fait que retracer le calvaire que l'artiste a vécu. Dans ce même album, elle donne des conseils aux jeunes de sa génération à travers sa propre expérience. Comme si le destin s'acharnait sur elle, son premier «bébé», malgré sa qualité passera incognito par manque de promo quant bien même des démarches ont été entreprises au niveau du PSIC qui sont restées lettres mortes. Nonobstant le grand handicap qu'elle traîne derrière elle (l'illétrisme), Djata s'est convaincue que sous nos cieux nulle n'est née avec un bic à la main, encore moins avec le français comme langue. Elle fait de ce handicap une source d'inspiration qui l'aide dans ses combats quotidiens pour la survie. «Il n'y pas de meilleure musique que celle traditionnelle, sa seule difficulté réside dans son adaptation à la modernité». C'est ce que Djata manie avec dextérité et efficacité dans ses compositions. Toujours dans la quête de la notoriété, la chance lui sourie par le biais du ministère de la culture à travers l'album «Burkina Mousso» qui révèlera davantage son talent. «Bitarou» ou Orphelin lance Djata au firmament de la musique nationale. La candeur de sa voix, la pureté du message allié à la musique de la chanson ont fini par convaincre, même les plus incrédules du talent naturel de cette femme. Mais, elle attend encore d'être soutenue pour la sortie de l'album tout entier qui est toujours en magasin. Sortira, sortira pas ? Une question qui a une réponse toute simple pour elle. Déterminée comme elle est, il n'y a effectivement pas de doute même si c'est dans 10 ans, tant que le Tout puissant lui donnera un souffle, elle se battra pour qu'il sorte. En attendant qu'une main salvatrice vienne à son aide pour la réalisation de cet album qui aura pour nom «Kampala Dieu Béni», l'artiste vit de ses prestations.

Djata a participé en featuring dans les albums d'artistes comme CLEPTO-GANG, DESY-FRANCK, Wango-Roger, SMOKEY et AWADI dans «les misérables». Elle a aussi fait partie de la chorégraphie Karmen Falenga créée par Irène TASSEMBEDO qui a fait une tournée au Bénin, Togo et Paris dans le rôle de chanteuse immortelle (prémonition ?).

Des appuis et soutiens comme ceux de M. Mahamoudou OUEDRAOGO alors ministre de la Culture qui l'adopte comme sa fille, de Sylvain Dando PARE son arrangeur, de Mme COMPAORE née ZIZIAN Mariam sa marraine et bien d'autres encore lui sont d'un grand réconfort, et surtout la relève quant elle sombre dans les méandres de l'angoisse du fait de la rudesse de ses conditions de vie. D'autres bonnes volontés lui promettent également de lui venir en aide, mais comme le dit l'adage «à force de retenir trop longtemps l'os destiné au chien, celui-ci fini par s'inquiéter sur les intentions réelles de son maître». A tout ceux qui ont promis de l'aider, nous disons qu'il est plus que temps de passer aux actes ; ils ne jetterons pas leur argents !o

Djata sur scène (au djémbé) lors de la tournée

Djata apprennant la danse deséduction aux enfants suisses.

en Suisse en 1991 avec la troupe wamdé

 

A cœur ouvert

«Si tu perces au Faso, tu auras toute la terre à tes pieds…»

 

Quels sont tes rapports avec les autres artistes musiciennes du pays ?

Djata : J'ai de très bons rapports avec les artistes musiciens et musiciennes burkinabè. Avec les filles, nous échangeons beaucoup ; on se donne des coups de mains quand, on le peut. Avec certaines, c'est la grande complicité. Ma grande complice que je pleure encore aujourd'hui, c'était ma grande sœur Jeanne BICABA (Paix à son âme et que Dieu protège ce qu'elle a laissé).

Avec elle, le courant passait et elle ne manquait pas de me prodiguer des conseils. Penser qu'elle n'est plus à mes côtés me fait énormément de la peine. Mais qu'est-ce que vous voulez, c'est la vie et on va tous y passer. Bref, je vous assure qu'entre moi et les autres artistes burkinabè, nos relations sont au top.

 

Peut-on dire aujourd'hui que Djata vit de la musique ?

Djata : Je ne crois pas. Si je dis oui, j'aurai menti parce que pour l'heure, elle m'apporte juste le minimum et là encore je vous assure que c'est irrégulier. Ce que je peux dire, c'est que peut-être grâce à la musique, le regard des gens sur moi a changé. Mieux, elle m'a permis d'avoir une carte de visite et surtout des soutiens de nombreuses personnes que je profite de l'occasion pour saluer.

 

Finalement le prochain album c'est pour quand ?

Djata : Pour l'heure, je ne saurai vous dire quand est-ce que l'album sera disponible. Ce que je sais, c'est que nous sommes toujours en discussion avec Seydoni Production pour voir dans quelle mesure il va sortir. Mais je dois vous avouer que je suis fatiguée de me torturer la tête à cause de l'album parce que le problème n'est plus artistique mais économique.

Et vous savez comme moi que ce n'est pas du tout facile. Artistiquement le produit est prêt, mais je manque de moyens financiers pour le faire sortir.

 

Qu'est-ce qui s'est passé entre Michel BOSSOFA et toi ?

Djata : Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? BOSSOFA et moi nous avons fait la bagarre et je te dis, on s'est même porté la main. Voilà quelqu'un (BOSSOFA) qui m'appelle le 20 décembre 2005 pour me demander de venir prester à un spectacle de la TNB avec des danseurs. Le cachet qu'il me propose ne me convient pas, surtout que je devais jouer avec des danseurs. Je le lui fais savoir et sur le coup, il a reconnu avec moi que c'était effectivement difficile vue que nous étions en pleine fête de fin d'année et que les uns et les autres courraient pour chercher l'argent (rires…).

J'ouvre une parenthèse pour préciser que le problème n'est pas dans le cachet en lui-même, parce que j'estime que si aujourd'hui la TNB passe nos clips et que par ce canal elle verse des droits au BBDA qui nous paie, on ne va tout de même pas refuser de prester pour soutenir un événement qu'elle organise. Mais le fait d'exiger que je le fasse avec des danseurs était trop me demander. Trois jours plus tard soit le 23 décembre, Michel BOSSOFA m'accoste encore sur le même sujet et ma réponse ne varie pas. Seule, je peux le faire, parce que c'est la TNB, mais, avec des danseurs, je ne peux pas. C'est là qu'il me dit que sans danseurs, je ne joue pas. Je dis OK pas de problème. Le soir du 23 décembre le voilà qui m'accoste encore et là je lui dis de se référer à mon manager. Il m'agresse en disant qu'il se fiche de mon manager. Je lui rétorque que mon manager se fiche également de lui. Du coup, il est devenu verbalement désagréable. Je vous épargne les insanités qu'il a pu sortir ; j'ai des témoins. Pire, il pousse le rubicon jusqu'à m'agripper par le cou pour me violenter ; je n'ai pas supporté et nous nous sommes rentrés dedans. Je ne peux pas me laisser piétiner, par qui que soit… Je ne me laisse pas faire quand, je suis dans mon droit. J'ai toujours respecté Michel BOSSOFA, mais j'avoue qu'il m'a poussé à bout. A quelle fin ? Je ne saurai vous le dire. D'ailleurs je le rappelle, je n'ai pas fais la bagarre avec Michel BOSSOFA, c'est lui qui à fait bagarre avec moi.

 

Est-ce que depuis cette scène, des gens sont intervenus pour une réconciliation entre vous ?

Djata : Comme je vous l'ai déjà dit, je n'ai pas fais la bagarre avec Michel BOSSOFA, c'est lui qui à fait bagarre avec moi. C'est arrivé, c'est arrivé et je crois que dans une bagarre entre un père et sa file, on n'a pas besoin de demander aux gens d'intervenir pour qu'ils se réconcilient. Je crois que le temps va faire son œuvre. Moi j'attends surtout que Dieu fasse son œuvre. En dehors de lui, toute tentative sera vaine et infructueuse. Michel BOSSOFA sait que je l'ai toujours considéré, respecté, c'est pourquoi je sais qu'avec le temps Dieu va nous réconcilier.

 

Parlez-nous un peu du milieu du show-biz burkinabè ?

Djata : Le show-biz burkinabè se porte bien actuellement en témoigne les sorties d'albums, les créations musicales etc. Mais, il est aussi difficile pour nous artistes parce que nous rencontrons beaucoup de difficultés à nous exporter par manque de promotion. J'avoue que nous ne sommes pas soutenus comme il se doit. Je vais vous donner un exemple. Je ne suis pas contre le football, et encore moins contre les footballeurs, mais je crois que si les efforts faits pour ce milieu-là, (qui n'a rien rapporté jusqu'à présent) allaient aussi aux artistes musiciens pour travailler, je suis convaincu que  nous serions très loin.

Dans le show-biz burkinabè les injustices ne manquent pas, sinon, comment des artistes dit internationaux peuvent venir ici, jouer en play-back et ramasser des millions pour repartir, pendant que les locaux se contentent des miettes. Je crois que ce sont les mélomanes qui veulent cela sinon s'ils connaissaient comme il se doit «les produits locaux» cela nous permettraient d'être plus vsibles.

Comme le disait quelqu'un, « nul n'est prophète dans son pays». Je suis convaincu que si les artistes burkinabè avaient des sponsors comme le football, s'ils avaient une promotion, les choses allaient bouger dans ce pays. Joueurs de football et artistes musiciens, c'est la même chose ; personne ne joue pour qu'on prononce le nom de son père. C'est pourquoi je pense que c'est le choix des priorités qui est le problème dans ce pays.

 

Quel est le genre musical de Djata ?

Djata : Moi je suis une artiste «bouffe-tout» ; mais ça ne veut pas dire que je mange n'importe où ou que je bois n'importe où.

Dans le domaine musical, je peux faire beaucoup de choses et je m'acharne à cela. Je veux être une artiste capable de jouer sur toutes les scènes du monde. Je veux être capable de jouer avec n'importe quel grand artiste de cette planète. C'est pour dire que si un jour par le hasard des choses, Michel JACKSON, Myriam MAKEBA, Papa WEMBA, MC Solar etc. m'appellent, je veux être capable de répondre. C'est vrai que la qualité d'un artiste, c'est d'avoir sa propre personnalité donc son genre, mais un artiste, ce n'est pas seulement ça. Un artiste doit être capable d'improvisation quelque soit la scène

 

On te dit très humaine. A preuve, tu chantes pour les orphelins pourquoi ?

Djata : L'être humain, mais surtout les orphelins ont besoin d'affection. Et je pars du principe que, ces enfants de la rue, ces orphelins etc. ne sont pas coupables de quelque chose. Leurs conditions, leur misère etc. ont des responsables et ces responsables sont leurs géniteurs, et la société dans son ensemble. Je crois qu'il faut avoir vécu la souffrance, la misère de ces enfants pour vraiment comprendre ce qu'ils vivent et ce qu'ils ressentent dans leur claire et dans leur âme. Ayant vécu des souffrances, je les comprends et comme je n'ai rien pour eux, la chanson Bitalou est une façon pour moi de les soutenir et d'attirer l'attention de la société sur ces enfants défavorisés qu'on ne voit souvent pas.

 

Que penses-tu du Rap, du couper-décaler etc. Aujourd'hui on parle du pouvoir, de la cour suprême, des premières dames etc. ?

Djata : Je crois qu'il faut faire la différence entre ces deux genres. Pour moi, le couper-décaler c'est un phénomène de mode qui est aussi éphémère que le temps entre le jour et la nuit. Il est juste là pour un moment et contribue à engager les uns et les autres. Ça ne peut pas dépasser cela.

Le Rap, c'est autre chose, c'est une musique engagée, une musique de revendication comme le reagge. Dans ce genre, ce n'est souvent pas la mélodie qui est importante, ce sont les paroles, le message qui est véhiculé. Pour le takiborsé, c'est bien, mais, je pense qu'il faut qu'on aille au-delà de nos frontières. Il faut résister à la fièvre de la mode et s'imposer, imposer notre musique, nos vedettes au mode entier. C'est ça qui peut nous arranger. Et d'ailleurs je pense que si les «première dames» qui ne sont pas musiciennes ont fait leur ouvre, c'est pour dire au «pouvoir» à la «cour suprême» etc. de pousser plus loin, de ne pas rester au bas de la chaussée. Ce que je souhaite pour nous artistes burkinabè, c'est qu'on puisse tourner, en Afrique et partout dans le monde comme les Meiwey, Coumba Gawlo etc. Il faut qu'on domine le coupé décaler, même si cela est un phénomène de mode.

 

Peut-on s'attendre à voir Djata dans un groupe comme le Pouvoir, la Cour Suprême, Les premières dames ?

Djata : Pourquoi pas.        

 

Djata pense-t-elle à s'expatrier ?

Djata : Bien sûre qu'il m'arrive de penser à partir pour tenter ma chance ailleurs. Mais comme vous le savez, l'Europe n'est pas la porte d'à côté et on ne va pas là-bas comme on part dans une capitale africaine. C'est pour dire que ça doit être quelque chose de préparer, de ficeler, surtout pour une artiste. C'est vrai qu'on peut aller et faire autre chose que la musique là-bas, mais ce genre d'aventure a besoin d'être préparée. Une chose est certaine, si j'arrive en Europe, je sais que je peux réussir quelque chose. Ça j'en suis convaincue. Comme vous le savez, j'ai déjà fais plusieurs tournées en Europe ; mais j'étais encore jeune et je n'ai pas pu saisir les opportunités qui s'offraient à moi. Comme j'aime à le dire, la renommée d'un artiste, c'est d'abord dans son pays. Si dans ton pays tu perces, surtout au Burkina Faso où les mélomanes sont jugés difficiles par les artistes, si donc tu arrives à percer au Faso, tu auras toute la terre à tes pieds.

 

Que pense Djata des hommes ?

Djata : Les hommes,… (silence), je pense que dans la gente masculine, il y a des bons comme il y a des mauvais ; comme c'est d'ailleurs le cas chez nous les femmes. Je préfère m'en tenir à ça.

 

En tant qu'artiste qui a beaucoup côtoyer le Ministre Mahamoudou OUEDRAOGO, que pense-tu de son départ du gouvernement ?

Djata : Avant tout propos, je voudrais rendre un vibrant hommage à ce grand homme de culture Mahamoudou OUEDRAOGO, qui malgré mon handicap (illétrisme), m'a adopté comme sa propre fille, m'a soutenu, m'a prodigué ses conseils. Je crois que, aujourd'hui, M. Mahamoudou OUEDRAOGO est très fier que ce soit Mme Aline KOALA qui le remplace à la tête de ce département. Je suis convaincue de cela parce que je connais M. Mahamoudou OUEDRAOGO pour son grand cœur. C'est un homme exceptionnel parce que, ce qu'il a fait pour son pays et pour les artistes burkinabè est tout aussi exceptionnel. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'on l'appelle le «père» des artistes burkinabè.

Je suis convaincue qu'il ne regrette pas de ne pas être encore sur cette chaise de ministre.

Je crois que l'ambition du Ministre Mahamoudou OUEDRAOGO était de trouver un deuxième Mahamoudou OUEDRAOGO pour le remplacer, un deuxième Mahamoudou OUEDRAOGO qui va avoir son caractère, son humanisme, et je crois que Mme Aline KOALA est ce 2e Mahamoudou OUEDRAOGO qu'il fallait à la culture burkinabè pour la continuité.

Je voudrais ajouter ceci à l'endroit du ministre Mahamoudou OUEDRAOGO, qu'il sache que nous artistes, nous le porterons toujours dans nos cœurs et que jamais nous ne l'oublierons, pas moi en tout cas.o

 

Paroles d'artiste

 

«Un artiste qui ne mange pas bien, qui ne dort pas bien ne peut pas s'inspirer normalement».

 

«Quand je pense qu'il y a des artistes dits internationaux qui viennent dans notre pays pour jouer du play-back et repartir avec des millions, je me demande souvent si vraiment le peuple burkinabè à confiance en ses artistes».

 

«Il n'y a de meilleure musique que celle traditionnelle, sa seule difficulté réside dans son adaptation à la modernité».

 

«Moi Djata, je crois en Dieu à ma manière ; je fais mienne cette maxime : aime ton prochain comme toi-même et je ne m'en plains pas. Le reste ce sont des balivernes».

 

«Je n'ai pas l'habitude de mendier. Je n'ai pas l'habitude de demander, de frapper aux portes. Ce que je veux c'est qu'on croit en moi, en ce que je fais. Ce n'est que de cette manière qu'on pourra véritablement m'aider».

 

Ce qu'ils pensent de l'artiste

 

Mariam DAKAMBARY, promotionnaire de Djata au Wamdé

Djata est comme une sœur pour moi. Tout ce que j'ai appris au Wamdé, c'est grâce au talent de Badjata. Elle nous a beaucoup apporté ici au Wamdé, tant au niveau de la danse qu'au niveau des chants. C'est une fille qui sait tout faire dans le domaine de la musique. Tu lui donne un Djembé, elle te le joue à l'aise. Tout ce que je souhaite pour elle, c'est qu'elle aille le plus loin possible dans la musique pour que le nom du groupe Wamdé sorte encore plus.

 

Bintou TIENDEBEOGO, promotionnaire de Djata

J'ai tout appris avec Djata. Que ce soit les pas de danse, les chants, etc. Elle nous a tout transmis avant de partir de Wamdé. Ce que je retiens d'elle, c'est sa générosité en tout. Elle ne peut pas se retenir de faire du bien à autrui et j'espère que la nature lui rendra la pareille en tout point de vue. Aujourd'hui je suis fière d'avoir remplacer Djata dans l'apprentissage des tout-petits de Wamdé. Si je le fais sans souci, c'est bien parce que moi-même j'ai eu une bonne «maîtresse » en la personne de Badjata.

 

Gervais SOMDA dit Mr «P», journaliste culturel

Djata, c'est l'une des voix de la musique burkinabè avec laquelle on peut compter. Compter dans le sens d'avoir une carrière digne de son talent, parce que du talent ça elle en a, et c'est une voix sur laquelle on peut également compter dans le sens de la promotion de la culture burkinabè. Aujourd'hui, dans l'univers musical burkinabè, Djata de mon point de vue et de celui de nombreux spécialistes, c'est le talent à tous les niveaux et surtout, elle sait exploiter ce talent, cette potentialité.

C'est l'une des rares artistes qui dispose de beaucoup de possibilités. Personnellement je l'ai suivi en tant que musicienne, je l'ai vu également dans d'autres genres comme la comédie musicale notamment Carme d'Irène TASSEMBEDO qui a été présentée plusieurs fois au pays. Là encore, elle a démontré qu'elle était une artiste pleine. Djata est l'une des artistes de l'avis du public, qui fait l'unanimité.o

 

Le paradoxe

 

Unanimement, tous reconnaissent que l'artiste a du talent. En témoigne son titre «Bitarou» qui est au sommet des hits au plan national et qui berce plus d'un. Mais d'où vient la difficulté pour l'artiste de pouvoir sortir un album ? Manque-t-elle de soutien, a-t-elle des comportements ou un caractère qui diminuent les gestes à son égard ? Paradoxe pour un talent sous l'éteignoir!

 

Le talent ne s'achète pas. On naît avec, ou on le cultive. Chez Djata, tout semble dire qu'elle est née avec le talent, qu'elle sait aussi le cultiver. Pourtant, malgré ce talent, elle a du mal à se confirmer par un album. Son tout premier, «Dunia» n'a pas connu de succès par manque de promotion. Le second qu'elle nomme «Kampala Dieu béni», peine à sortir. Jusqu'à présent, aucun studio de la place ne veut la prendre sous son aile. Les bonnes volontés, l'on ne sait pas où elles sont. A la limite, l'on se demande si ce n'est pas l'artiste elle-même qui porte la « poisse», ou qui traîne derrière elle des «assiettes» sales dans lesquelles personne ne veut tremper la main. On sait le milieu des artistes imbibé de toutes sortes de vices. Là, les esprits faibles sont vile harponnés et peuvent en devenir les esclaves. La frêle Badjata est-elle. Est-elles tombée dans un de ces vices au point qu'aujourd'hui personne n'ose lui faire confiance ? L'a-t-on aidée sans succès au point que personne ne veut encore prendre le risque ? Une chose est certaine, il y a un problème. Et cela est dommage non seulement pour l'artiste, mais aussi pour la culture nationale dont un pan de l'expression que représente son talent et son inspiration est comme étouffé.

Nous sommes cependant convaincus que des personnes ressources comme le ministre Mahamoudou OUEDRAOGO n'ont pas manqué de soutenir l'artiste. Si donc ce soutien a été effectif et conséquent, c'est que quelque part quelque chose ne tourne pas rond.

Admettons que l'hypothèse selon laquelle Djata et tombée dans le piège des vices ne tienne pas, il faut que l'on cherche «la bête» du côté de son entourage artistique (manager, producteur etc.). Car, au regard des limites intellectuelles (illettrisme) dont elle est victime, rien ne prouve que dans ce milieu, des gens ne bouffent pas sur son dos, ne lui laissant que des miettes. Si toutes ces pistes ne donnent aucun résultat, il faudrait donc conclure que ce n'est pas encore l'heure de la gloire de Djata. Et nous ne pourrons qu'espérer qu'avec le talent dont elle regorge, un jour, sinon bientôt, son étoile brille pour qu'enfin le paradoxe auquel nous n'avons pas de justification s'estompe. Pour cela, elle ne devra pas baisser les bras ; que dire, la voix ! o

 

Témoignages

 

Moussoyouma Kouyaté

"Cette fille est pétrie de talent…"

 

Qui, plus qu'une mère, peut donner un témoignage sur son enfant ? Moussoyouma KOUYATE n'a pas engendré Djata, mais elle a fait naître en elle la fibre artistique l'ayant couvée dans la troupe Wamdé où elle a fait ses premiers pas. Celle qui a éclos le talent de l'artiste revient dans cet entretien sur l'enfance de Badjata. Un témoignage plein de tendresse, mais aussi de franchise ; le tout avec la simplicité de la vérité.

 

Qui est Djata pour vous, vous qui avez guidé ses premiers pas artistiques ?

Moussoyouma KOUYATE (MK) : Je dirai que Djata pour moi, en tant que femme, est ma fille, elle est arrivée très très jeune dans la troupe Wamdé.

Nos deux familles étaient voisines dans le quartier Koulouba. Depuis notre enfance, mes enfants et moi-même, comprenons la langue gourounssi grâce à ce voisinage avec la famille de Djata. En réalité nous sommes devenus presque de la même famille. Djata est arrivée du village, très jeune (7 ans) et elle aimait déjà danser et chanter. Toute petite, vous l'envoyez au marché d'à côté, Zabredaaga, faire des courses, à l'aller comme à son retour Djata va faire le spectacle à la discothèque qui est sur le chemin avant de revenir à la maison. Malgré les engueulades, elle va recommencer dès qu'on va l'envoyer de nouveau puisqu'elle prenait son plaisir. Quand je l'ai prise au Wamdé, j'ai senti qu'elle avait une belle voix, une voix qui portait. C'est ainsi que je lui ai demandé de chanter et à tous les intermèdes de nos spectacles de danse, elle assurait les chants. Elle mimait  les vedettes, avec le bâton du balafon comme micro. En 1991, nous avons fait notre première tournée pour la Suisse. On était invité par le théâtre Populaire Suisse Romande. J'étais la seule adulte de la troupe et Djata qui avait a peine 15 ans à l'époque me secondait en tout au regard de son talent et de son dévouement. C'est elle d'ailleurs qui assurait les répétitions et apprenait aux autres enfants de la troupe les pas de danse. J'ai monté une séquence funèbre et j'ai demandé à Djata de nous composer un chant funèbre dans sa langue. Ça été extraordinaire et je vous assure que jusqu'aujourd'hui, c'est ce chant composé par Djata qui accompagne toujours la séquence funèbre. Tous ces rappels, pour dire que Djata, déjà petite regorgeait de talent.

Mais elle a un problème ; c'est une fille qui veut se faire entendre et j'avoue que je trouve qu'elle en fait peut-être un peu trop. Parce que, si elle a quelque chose à dire, rien ni personne ne peut l'empêcher de le faire. Quand nous sommes parti en Suisse par exemple, je lui ai dit d'apprendre des pas de danse faciles aux petits blancs parce que les enfants Suisse ne pouvaient pas danser comme eux. Mais rien ni fit, Djata qui avait dans sa tête de leur apprendre la danse de la séduction n'a pu s'empêcher de le faire malgré mes recommandations. Cette danse a d'ailleurs été filmée par la Télévision Suisse Romande et passe encore aujourd'hui sur les écrans en Suisse lorsque nous sommes en tournée là-bas.

 

Est-ce que vous prédestiniez un avenir musical à Djata ?

M K : Djata à un avenir dans la musique et je l'ai toujours su. Cette fille est pétrie de talent, et je vais vous le dire, chez Djata, c'est un don, elle est «née avec» et je suis convaincue que si elle écoute les conseils elle ira très loin. Quand Popsy (Paix à son âme) est venu un jour me voir pour me dire, «je suis subjugué par ce que votre fille fait», je me suis dite que l'avenir s'ouvrait pour elle. Il l'a appuyé pour que voit le jour son tout premier album qui n'est rien d'autre qu'un récit du propre vécu de Djata. Djata, dans son premier album a chanté sa vie pour sensibiliser la jeunesse.

 

Si on vous demandait de qualifier Djata ?

M K. Elle a un grand cœur. Djata est une fille très sensible, mais quant on la voit physiquement, on n'aperçoit pas ce côté sensible et fragile qu'elle a. Elle ne résiste pas à la souffrance des autres et elle est capable de se dépouiller pour sauver autrui. Je vais vous donner une anecdote : un jour je l'ai envoyé faire le marché pour le repas de midi. A ma grande surprise, à son retour du marché, je constate qu'il y avait des condiments qui manquaient. Quand je lui ai demandé où elle avait mis l'argent des condiments manquants, vous savez ce qu'elle m'a répondu ? «j'ai pris donné à quelqu'un qui était plus en souffrance que nous». C'était une vieille mendiante qui habitait à quelques pas de notre domicile. Que dire alors des fois où elle rentrait puiser le riz pour donner aux voisins où aux mendiants qui étaient dans le besoin. Je dois dire peut être que c'est ce qu'elle a vécu au Wamdé qui a anobli davantage son cœur et l'a poussé à chanter pour les orphelins.

 

Quels bons souvenirs gardez-vous du passage de Djata à Wamdé ?

M K :C'était lors de notre tournée en Suisse en 1991. Malgré son jeune âge, Djata m'a appuyé. Nous avons fait un mois et demi en tout et je peux dire que c'est elle qui m'assistait. Même les plus petits de la troupe, c'est Djata qui s'occupait de leur éducation, de leur apprentissage. Je sais que Djata a appris à mes côtés, mais il faut le dire, c'est une fille qui a du talent. Elle va aller de l'avant si on l'appuie jusqu'à son décès, c'est Popsy qui l'aidait mais lui n'est plus là. Ce que je souhaite, c'est que ses aînées comme Sami Rama, Améty Méria, Bil Aka kora lui donnent un coup de main. Ça ne sera jamais de trop. Parce qu'elle ne pourra pas être propulsé sans l'aide de ses aînées.

Et comme j'ai toujours l'habitude de la dire, l'aide n'est pas seulement que matériel ; l'aide morale est souvent plus importante que celle matérielle.

 

Quels mauvais souvenirs avez-vous gardé du passage de Djata à Wamdé ?

M K : Pendant tout son séjour à Wamdé, Djata est restée exemplaire. Toujours à mon écoute, toujours disponible. Et votre présence ici témoigne aujourd'hui encore de sa générosité et de sa reconnaissance à la troupe. Elle n'a pas oublié d'où elle vient et je suis convaincue qu'elle saura où elle va. Je ne retiens que du bon d'elle… vraiment !o

Interview réalisée par

Frédéric ILBOUDO

 

Luc Adolphe TIAO, président du CSC

"Djata est à soutenir…"

 

C'est à la faveur de l'arbre de Noël que son institution donnait aux enfants du personnel de son institution que Luc Adolphe TIAO, président du Conseil Supérieur de la Communication découvrait la générosité de Djata. Un geste qui l'a profondément touché et sur lequel il a accepté de revenir pour nos lecteurs, tant il a été puissant en images et en significations.

 

Je voudrais rendre hommage à l'artiste Djata ILEBOU, mais surtout témoigner de sa générosité que j'ai beaucoup appréciée lors de l'arbre de Noël que nous avons organisé en décembre 2005 pour les enfants des membres du Conseil Supérieur de la Communication. A cette occasion, nous avons invité certains artistes dont Djata ILEBOU qui a fait une animation pour égayer les enfants. Traditionnellement, nous offrons des cadeaux aux enfants du personnel ; cette année en retour au niveau du personnel, ils se sont concertés pour offrir un cadeau au président. Quand j'ai pris mon cadeau, j'ai dis aux enfants : «Vous savez, c'est bien que nous fêtions l'arbre de Noël ; vous avez la chance d'avoir des parents et la possibilité d'avoir un arbre de Noël.  Je suis sûr qu'au moment où je vous parle, il y a des enfants qui ne peuvent pas fêter parce que soit ils sont malades ou leurs parents n'ont pas de moyens etc.». J'ai alors annoncé que j'allais offrir le cadeau qui m'a été offert à un de ces enfants-là. Lorsque j'ai fini de parler, Djata est immédiatement venue sur le podium et elle a dit : «M. le président, si ce que vous venez de dire vient du fond de votre cœur, ça m'a beaucoup touché, parce que je suis très très sensible aux enfants. Ma vie, je la consacre aux enfants, j'ai eu moi-même une enfance difficile et vous avez raison, il y a beaucoup d'enfants qui n'auront pas de cadeaux. Et moi, votre geste me touche, et je voudrais vous dire, que sur le cachet que vous me donnez, qui était d'ailleurs un cachet très modeste (150 000 FCFA), je vous remet 50 000FCFA pour que vous puissiez aider les enfants de la rue». Franchement ça nous a tous touché au niveau du Conseil. D'abord son cachet était modeste et elle a enlevé le tiers de ce cachet pour qu'on aide les enfants en difficulté. Le cadeau que moi-même j'allais donner était symbolique et ça ne dépassait même pas 10 000 ou 15 000 FCFA. Mais elle, elle a décidé de donner le tiers de son cachet… Et j'ai senti quant elle me parlait qu'elle avait pratiquement les larmes aux yeux. Nous étions tous émus. Parmi l'assistance, un conseiller qui a été touché par la générosité de Djata à donner sur place 25 000 FCFA. C'est ainsi donc que nous avons collecté une somme rondelette de 250 000F CFA que nous avons remis à l'Action sociale. Nous avons tenu à ce qu'elle soit présente à cette cérémonie de remise et elle est venue. Voilà un peu ce que je voulais dire pour témoigner de sa générosité. Je ne la connais pas beaucoup ; c'était la deuxième fois que je la rencontrais. Cet élan de générosité n'est pas fréquent dans ce monde où les gens sont très égoïstes.

Je voudrais ajouter qu'avant de la connaître physiquement, la première fois que j'ai vu son clip je me demandais si c'était une Burkinabè. N'eut été le paysage de la région kasséna, franchement je n'avais pas du tout l'impression que Djata était une Burkinabè. C'est une artiste qui a énormément de talent. Laissez-moi vous conter un autre témoignage. Lorsque nous avons organisé au mois d'octobre 2005 l'atelier sur les élections : «Médias et élections» à la fin des travaux, il était prévu un dîner pour lequel j'ai souhaité qu'on invite un artiste pour égayer nos invités parmi lesquels il y avait des étrangers. Les collègues ont proposé Djata et c'est à cette occasion d'ailleurs que j'ai fait sa connaissance. Parmi mes invités, il y avait le vice-président de la HAAC (Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication) du Bénin, M. Clément HOUENETIN, un grand connaisseur de la musique. Après la prestation de Djata, tout émerveillé il m'a demandé quel était son niveau. Je lui ai répondu qu'on m'a dit qu'elle serait autodidacte et n'aurait jamais fait une école de musique. Il m'a rétorqué qu'elle ne donnait pas une telle impression au regard de la qualité sa musique. Il a dit que sur le plan scénique, comme sur le plan de la mélodie elle présente d'énormes potentiels. Selon lui si Djata avait la possibilité d'aller dans une école de musique ou de se faire encadrer deux ou trois ans, elle serait une très grande vedette parce qu'elle a une voix extraordinaire qu'elle maîtrise bien. Il faut noter aussi la profondeur des thèmes qu'elle chante : la solidarité dans la société. Souvent on dit qu'en Afrique on est solidaire mais de plus en plus, cette valeur s'effrite. Et c'est bon que des artistes au lieu de chanter toujours les thèmes banals des relations entre les hommes et les femmes, s'y intéressent parce que notre société peut se désintégrer comme ce qu'on voit en Europe ou en Amérique. Elle chante l'amour, elle dénonce l'injustice, je crois que l'un dans l'autre ce sont des atouts qui font que Djata est une très grande artiste. Je ne sais pas quelles sont ses possibilités et ses moyens, mais c'est quelqu'une qu'il faut aider. Il faut l'aider, il faut qu'il y ait des générosités qui acceptent d'investir en elle et je pense que si cela est fait, elle peut être l'ambassadrice de la culture burkinabè à l'étranger. La preuve, ces Béninois, Congolais et autres qui étaient là ont apprécié sa musique et je me dis que si ces gens ont apprécié, c'est que sa musique est exportable.


13/02/2007
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