L'éléphant du roi 14ème création Majeur du CITO
Lâcheté, fourberie, égoïsme des hommes
Le CITO (Carrefour international du théâtre de Ouagadougou) a livré son 14ème cru le mercredi 2 juillet 2008. A l’affiche, un conte mossi adapté par Ildevert MEDA co-metteur en scène avec son ami et partenaire de tous les temps Alain HEMA. C’était en présence des ambassadeurs du Danemark, de l’Union européenne, du représentant du ministre en charge de la Culture, de plusieurs autres personnalités et du public qui n’a pas monnayé sa participation. Véritable pamphlet, le texte de cette création livre un Ildevert MEDA et un Alain HEMA qui ont osé mettre les pieds dans les méandres des cours royales, présidentielles, sans oublier celle de la société civile.
Ildevert MEDA (à gauche) et Alain HEMA, ils ont osé affronter avec humour, un sujet délicat que celui du pouvoir et de la société civile |
C’est l’histoire d’un pachyderme royal qui passe son temps à dévaster les champs des sujets du roi. La bête fait tellement de dégâts dans le village que, malgré le malheur, la détresse, la souffrance, aucun villageois n’ose dire du mal de l’animal, de peur d’affronter le courroux du roi. Bila (Mahamadi NANA), vaillant paysan qui a osé critiquer les méfaits de l’éléphant l’a appris à ses dépens en passant aux mains du bourreau du roi. Excédés par les affres que cause l’animal, après s’être rejetés les fautes les uns sur les autres, les villageois se décident à consulter un devin pour savoir comment venir à bout de l’animal royal. Le devin (joué divinement par Ramata Rachelle OUEDRAOGO) donne de façon ferme et claire ses recommandations aux villageois venus la consulter, non sans avoir mis à nu les petits secrets des uns et des autres et révélé la face cachée des «preux» chevaliers qui veulent venir à bout de l’animal du roi : «vous devez mobiliser tout le village et comme un seul homme parler au roi sur les dégâts que cause son animal dans vos champs. C’est la seule condition pour que le roi vous écoute et surtout satisfasse vos désirs». Mais le plus dur est là : faire front commun, comme un seul homme pour dire la vérité au roi (qui somme toute n’est pas le potentat qu’on laisse croire, mais un roi qui veut le bonheur de son peuple, mais limité et abruti par son entourage) sur les méfaits de son animal. Confrontés à nos réalités quotidiennes, les metteurs en scène, Ildevert MEDA et Alain HEMA, duo inséparable du théâtre burkinabè, secouent un cocotier : la société civile burkinabè et partant africaine. La mise en scène n’a pas non plus laissé tranquilles les courtisans des rois ou des présidents. Et pour cause, la pièce dénonce avec humour chefs d’Etat et autres princes souvent très mal conseillés par des courtisans et des conseillers dont le seul objectif est de protéger leurs propres intérêts et non celui du peuple. Pourtant c’est eux qui sont sensés être les intermédiaires entre le chef et le peuple. Combien sont-il ces chefs d’Etat bons dans l’âme, généreux qui ne travaillent et ne veulent que le bien de leur peuple, mais que des conseillers véreux abrutissent avec des conseils fallacieux ? Combien sont-ils ces chefs d’Etat africains qui sont présentés aux yeux du monde comme étant des despotes, des corrompus, sans savoir qu’ils sont pris dans l’engrainage de leur entourage ? L’éléphant du roi vous plonge dans le couloir du pouvoir. Dans un humour frisant la satire, le duo de metteur en scène dépeint ce qu’est la société civile, ce qu’est le peuple, où, lâcheté, fourberie, égoïsme, hypocrisie sont les maîtres-mots qui ont droit de cité. Que chacun se regarde donc dans un miroir avant de prétendre parler au nom et pour le peuple..o
Frédéric ILBOUDO
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