«La société n’est rien sans la mode »
Pour ceux qui connaissent l’univers de la mode, il n’est plus à présenter. Il a honoré à plusieurs reprises le drapeau burkinabé dans le domaine de la mode et du stylisme. Sébastien Baziemo plus connu sous la griffe «Bazem’se» est un jeune styliste hors du commun. Sa dernière trouvaille, créer un cadre pour la promotion du stylisme au Faso. «Folie de mode act 1» qui se tiendra le 15 décembre prochain est une de ses initiatives. Pour mieux comprendre ce concept, nous sommes allés à sa rencontre, le samedi 17 novembre 2007 dans son atelier pour discuter avec lui.
Pourquoi choisir comme griffe «Bazem’se» ?
Bazem’se parce que c’est la contraction de mon nom et mon prénom et en même temps c’est une contraction qui a une signification dans ma langue paternelle. Bazem’se veut dire en gourounsi «on peut s’entendre».
Depuis quand es-tu dans le milieu de la couture et de la mode ?
B : Ça fait maintenant dix ans que je suis dans le milieu de la mode et de la couture. J’ai fait mes premiers pas dans cet univers en Côte d’Ivoire. J’ai suivi une formation, après laquelle je me suis lancé dans la création. Je suis rentré au pays il y a trois ou quatre ans.
Le 15 décembre prochain tu organises un défilé de mode dénommé «folie de mode act 1» peux-tu nous en dire un peu plus ?
B : Le Burkina Faso est un grand pays avec des hommes qui ont de grandes idées. C’est vrai qu’on dit que c’est l’un des pays les plus pauvres de la planète, mais pour moi ça c’est dans le domaine des ressources naturelles et ce n’est la faute à personne, car c’est dame nature qui en a décidé. Mais la première richesse de notre pays, ce sont ces hommes et femmes. Aujourd’hui s’il y a un domaine qui est oublié, c’est celui de la couture. Pourtant tous autant que nous sommes, nous nous habillons, nous sommes obligés de nous habiller. C’est dire donc que le Burkina a une richesse dans le domaine de l’art vestimentaire. Il nous faut le promouvoir. Aujourd’hui, on a des artistes musiciens, peintres, danseurs, etc. qui font la fierté de notre pays et qui font rentrer des devises inestimables, mieux, qui vendent le Burkina Faso sur le plan international. Mais je vous assure que sans la couture, sans la mode, tous les hommes, toute la société n’est rien. Comme vous le savez l’homme est classé selon son vêtement. Mon ambition avec «Folie de Mode act 1» c’est de valoriser les stylistes, c’est de valoriser les créateurs. L’objectif de «folie de mode act 1» est de réunir les meilleurs stylistes burkinabè au cours d’une soirée. Une soirée qui est la leur, afin qu’ils s’expriment.
Quel sera le contenu de cette soirée ?
B : La soirée, c’est d’abord un défilé de mode gratuit au cours de laquelle nous allons mettre en vente aux enchères certaines de nos créations. Une partie de l’argent qui sera récoltée de cette vente servira à faire des œuvres de bienfaisance. Une façon pour les stylistes que nous sommes de laisser parler notre cœur, pas pour dire que nous avons de l’argent. Nous voulons apporter un peu de lumière dans la vie d’un certains nombre de Burkinabè qui n’ont pas la joie de vivre. C’est une soirée que nous dédions aux femmes, donc les fonds qui seront récoltés seront reversés à une association travaillant pour le bien-être des femmes.
Le FIMA (Festival international de la mode africaine) se tient au Niger, votre avis sur ce festival en tant que styliste?
B : J’ai toujours rêvé participer à cet évènement, et mon rêve est devenu une réalité aujourd’hui. Pour cette édition je suis à l’honneur. J’habille 19 tops modèles pour le concours top modèle. C’est vous dire que c’est déjà bien parti pour moi en tant que jeune styliste que d’être en première ligne dans cette fête de la mode africaine. Je ne peux donc tarir de remerciements aux grands noms de la mode de notre continent, à mes aînés que sont Alpha Di et Pathé O qui m’ont mis à l’honneur.
Un défilé de dessous de femmes qui a été organisé dans notre capitale courant septembre a créé la polémique. En tant que spécialiste de la mode, quel est ton avis ?
B : Vous l’avez dit vous-même cela a créé la polémique. Je ne voudrais donc pas entrer dans cette polémique, je n’ai pas l’intention non plus de dénigrer quelqu’un. Les gens peuvent faire ce qu’ils veulent. Mais à mon avis, mes sœurs burkinabè ne devraient pas participer à ce genre de manifestation et pire pour des miettes. Au Burkina les mannequins ne gagnent pas grand chose en terme de cachets. Si tu va défiler pour prendre 25000fcfa au grand maximum 50000fcfa, cela m’écoeure. Le défilé auquel vous faites référence je me rappelle qu’à cette même date j’étais en partance pour l’Italie pour des raisons professionnelles. J’avoue que si j’étais là, certains mannequins qui défilent pour moi Bazem’se n’allaient pas faire ce défilé. J’allais les dissuader de le faire parce qu’elles ne gagnent rien, et se mettre nue pour le faire, je trouve ça mal. C’est pour dire aussi que Bazem’se ne va jamais mettre la femme nue parce qu’il faut respecter la femme. Mettre une femme nue pour montrer les dessous de femmes, je suis désolé, nous ne sommes pas en Occident. Si c’était en Occident on peut le comprendre parce que c’est dans leurs mœurs et tout. Ici en Afrique, le corps d’une femme est sacré et mettre le corps d’une femme dehors ce n’est pas bien, mettre les seins encore moins. Les mannequins qui ont accepté de défiler pour ça, moi je ne sais pas comment les qualifier. Ç a me dépasse.
Quel regard portes-tu sur la mode au BF ?
B : Je pense qu’ensemble nous stylistes nous allons lutter. Et si nous nous battons, notre pays fera partie des pays où les stylistes seront recherchés, parce que je pense que nous avons beaucoup de potentialités à mettre en exergue. Nous sommes en train de mettre sur pied une association de stylistes, le ministère a déjà donné son accord. D’ailleurs tous les stylistes qui vont défiler lors de «folie de mode act 1» font partie de cette association. C’est vous dire qu’en vérité, on a voulu créer cet évènement pour l’association, mais comme elle n’est pas encore officielle, c’est pour cela que la manifestation porte la griffe de Bazem’se, même s’il est vrai que j’en suis l’initiateur. J’espère que «Folie de mode act 2» se fera sous l’égide de l’association.
Si on demande à Bazem’se de noter sur dix, l’habillement des Burkinabè. Qu’elle note le maître va-t-il donner ?
B : Tu veux me mettre en palabre avec les Burkinabè ! (Rire) Je dois dire que la mode dans notre pays est en train de prendre des galons. Je me rappelle encore il y a de cela quelques années, ce n’était pas ça du tout. D’ailleurs c’est l’une des raisons qui m’ont poussé à m’installer au Burkina. Je ne connaissais pas le Burkina et je suis venu de moi-même et avec mes parents ce n’était pas facile parce qu’ils ne voulaient pas que je vienne. Mais la fibre patriotique m’a toujours attiré et c’est comme ça que je suis venu pour deux semaines au Burkina et depuis j’ai décidé de ne plus le quitter. Quand je suis venu j’ai trouvé que le terrain était vierge et je me suis dit qu’il y avait du boulot à faire. Je suis donc revenu pour apporter ma touche. Dans le temps quand on parlait de mode, je ne voyais pas la mode burkinabè. Je ne voyais vraiment rien. Mais je dois reconnaître que cela est en train de s’améliorer. Quand aujourd’hui on dit un mariage tu vois des femmes qui s’habillent classe et c’est déjà ça l’éssentiel. Mais il fut un temps où si on partait à un mariage on voyait des femmes s’habiller comme si elles étaient à la maison. Aujourd’hui les femmes mettent les moyens dans leur habillement et les tenues sont en fonction des évènements. Les femmes burkinabè sont très belles. Avec une petite touche des stylistes, on met encore plus en exergue cette beauté. La mode, ce n’est pas aller dans une boutique acheter un prêt à porter. Je dis qu’une femme qui va en boutique pour acheter un prêt à porter, ce n’est pas un signe de richesse, je suis désolé, mais c’est tout simplement parce qu’elle ne peut pas voir ou qu’elle n’a pas eu l’occasion de croiser un spécialiste pour lui conseiller ce qui peut aller avec elle.
La note c’est combien ?
B : (Rires) vous insistez sur la note ? Silence.. Moi je donne 7/10.
Que pensez-vous de l’habillement des autorités politiques toutes tendances confondues ?
B : Ça m’écœure de voir nos responsables qu’ils soient du milieu politique, du secteur des affaires, etc. qui n’encouragent pas les stylistes nationaux. Vous verrez certains crier sur tous les toits qu’ils cousent leurs habits en Côte d’Ivoire, et pire en Europe. Pour moi cela ne veut rien dire. De toute façon la tenue, qu’elle vienne du Burkina, de la France ou de la Chine, c’est la même poussière qui va la salir. Si tu ne nourris pas ton styliste qui est là, comment veux-tu qu’il s’améliore ? On entend dire dans certains milieux que le travail des stylistes burkinabè n’est pas propre. Mais il faut que les gens sachent qu’ils doivent aussi travailler avec ces stylistes s’ils veulent vraiment qu’ils s’améliorent. Si vous donnez des marchés à des stylistes d’autres pays comment voulez-vous que ceux qui sont au pays puissent être au top et pouvoir répondre à vos attentes ? Ils peuvent bien coudre, mais s’ils n’ont pas de machines qui font les finitions comme en France, comme en Côte d’Ivoire, parce qu’ils n’ont pas les moyens de les acquérir, c’est normal qu’ils ne soient pas à la hauteur. En partant coudre chez-eux, ça va les amener et mieux, les aider à investir dans le matériel qu’il faut pour toujours vous satisfaire. Moi j’ai des clients qui viennent du Gabon, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, etc. qui cousent chez moi, parce que ces personnes ont entendu parler de moi. Je crois que nos responsables devraient essayer d’approcher les stylistes burkinabè pour nous aider pour que la mode aille de l’avant.
Pourquoi Bazem’se s’est spécialisé couture femme ?
B : Je me suis spécialisé couture femme, parce que déjà j’aime les femmes, en tant que ma mère, ma sœur, elle est la mère de l’humanité. Je pense que la femme veut toujours être belle. Ce qui n’est pas le cas de l’homme. Chez l’homme, c’est occasionnel et si ce n’est pas à l’occasion d’une fête, tu ne vas jamais le voir chercher à s’habiller correctement. S’il coud un pantalon cette année, attends toi à ce qu’il revienne l’année prochaine ou deux ans après pour parler de couture. Ce qui n’est pas le cas de la femme. Elle coud une tenue cette semaine, demain déjà ou la semaine qui suit elle revient pour une autre. Avec les femmes, c’est à chaque occasion sa tenue.