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Séquence 82…Une nuit sur le plateau de tournage

Séquence 82…

Une nuit sur le plateau de tournage

 

Séquence 82, une minute cinq secondes d'image. Séquence 83 quarante-cinq seconde d'image. Séquence 89, une minute quarante-cinq secondes d'image. Pour à peine trois minutes de film, ils ont passé plus de 12 heures sur le plateau de tournage. C'était le jeudi 14 septembre à RAN Hôtel Somkiéta. Ils étaient à leur 20e jour de tournage, à leur 8e nuit de veille. Ils, c'est l'équipe de tournage du dernier long-métrage de Issa TRAORE de Brahima : «Le monde est un ballet». Plus qu'une profession, il faut de la passion pour faire du cinéma.

 

Le véhicule de «Madi», André BOUGMA, riche homme d'affaire entra en trombe dans le parking de l'hôtel. Pistolet au poing, «Contrat», Maxime SAWADOGO, un tueur professionnel descendit en compagnie de «Dramane», Abdoulaye KOMBOUDRY, chauffeur et homme de main de Madi : Leur mission, tuer Madi qui sait par son féticheur, que «ses» deux filles ne sont pas siennes, mais de Dramane son chauffeur. Madi tient en otage dans l'Hôtel, «Madongui», Flora SAWADOGO, une star de la musique mais démente. Son objectif est simple, assouvir ses instincts sexuels et sacrificiels avec la folle pour la prospérité de ses affaires qui battent de l'aile comme le lui a recommandé son féticheur. Pour atteindre Madi, il faut neutraliser le réceptionniste de l'Hôtel. Ce que «Contrat» et Dramane exécutent non sans amateurisme puisque, malgré qu'il soit ligoté et ballonné, le réceptionniste, Lazare MINOUNGOU arrivera à alerter la Police. L'arrivée du «commissaire de Police», Amadou BOUROU, et de ses hommes pour intervenir marque l'éclairci du film et dévoile le pot au rose de l'énigme de l'histoire.

Flora ILBOUDO l'actrice principal du film(affiche)

 

Pour la réalisation de ces trois séquences du film, que de tournages, de reprises, de tensions, bref de boulot ! Du travail, ce n'est pas ce qui manque sur un plateau de tournage. Il faut trouver le bon angle de tournage, le bon son, les meilleurs plans, les meilleurs décors, les meilleurs jeux d'acteurs etc. cela c'est le travail de l'équipe technique.

 

L'ambiance du Plateau

Avant même que les comédiens ne montent sur le plateau, que du travail dans les coulisses. Toute la cour de l'Hôtel RAN Somkiéta était envahie déjà à 17h par des câbles par-ci, des projecteurs par-là, etc. Assurément, les techniciens étaient là avant le reste de l'équipe. Aux environs de 18h, tout le matériel était déjà installé et l'on procédait aux premiers tests.

On fait appel alors au «maître» des lieux : Issa TRAORE de Brahima, le réalisateur. «Calé» devant son moniteur, il demande les premiers essais. Il est 18h 30 TU mais certainement plus dans le film. «Dramane» et «Contrat» entrent en véhicule, font marche arrière, ressortent du parking de l'Hôtel et attendent. «Action» intime le réalisateur, repris par son assistant Eric LINGANI resté dehors avec les comédiens et muni d'un Talkie walki. Eric LINGANI donne l'ordre aux comédiens d'engager. Après trois essais Issa n'est toujours pas satisfait. «Il y a trop de bruit, trop de mouvement…» somme le réalisateur à ses trois assistants.

Le 5e essai fut le bon. On peut donc commencer le tournage. S'approche alors l'homme du clap. On pouvait lire : Séquence 82, Plan 1, Prise 1. Pour avoir l'action en «boîte», il aura fallu trois prises. Il était 19h 45mn quand Issa TRAORE de Brahima esquisse un sourire pour marquer sa satisfaction. Il se retourne, regarde son caméraman du coin de l'œil et allume une cigarette. En même temps, le régisseur général annonce la pause pour le dîner.

 

Du riz gras au menu

Le repas apporté par l'artiste musicien Kindiss, restaurateur de l'équipe, se laisse «avaler». Du riz gras avec de gros morceau de poissons ou de la viande, c'est au choix, avec au dessert, de grosses tranches d'ananas. Tel un commando en mission, le dîner passa comme lettre à la poste sans formalité, comédiens, membre de l'équipe technique, et premiers responsables du chantier ayant tous manger le même «plat». Pendant qu'une partie de l'équipe technique est au dîner, d'autres s'affairent à installer matériel technique et autres décors de tournage pour la suite.

Quarante-cinq minutes plus tard, toute l'équipe se déporte dans le hall de l'Hôtel pour la séquence 82-2-1 : la neutralisation du réceptionniste. Pendant que l'équipe s'active au travail, les comédiens qui interviennent dans la séquence 89 sont allés se reposer dans une chambre affrétée à cet effet. «Il faut dans le jeu, de la vigueur. Il faut que ça fasse vraie». C'est la consigne du réalisateur. Toujours assis à l'ombre du réalisateur, le scripte. Chronomètre à la main, il enregistre tous les temps de film mis en boîte dans de gros registres. Véritable mémoire du plateau, et du réalisateur, il note tout : le temps mis pour chaque action, le nombre de reprises etc.… «Avec ces données, même dans 10 ans, le réalisateur peut s'y référer pour le montage du film» nous confie Issouf TAPSOBA réalisateur et script sur le plateau. De temps à autre on n'hésite pas à se lancer des boutades, histoire de détendre l'atmosphère et décontracter les uns et les autres pris dans l'engrenage de la passion du tournage. A tous les niveaux, chaque maillon de la chaîne est important voir indispensable sur le plateau.

La régie café, discrète, tout comme l'équipe de maquillage, sait à quel moment intervenir, qui pour donner du café ou du thé, qui pour chasser toute sueur sur les acteurs, sans se faire remarquer. Il est 22h. Pour la troisième fois, Issa TRAORE de Brahima intervient : «Lazare (le réceptionniste) exprime ta peur, je veux sentir ça. Tu vois venir ta mort en face, alors extériorise cela». Comme s'il attendait qu'on le pousse à bout, le comédien donna alors le meilleur de lui-même. La première prise peut commencer. Tout était prêt pour qu'on lance l'enregistrement de la 82-2-1 quand intervient le directeur artistique Issaka KONATE. «Où est Ahmed ?» demande-t-il. Ahmed c'est le costumier, chargé d'habiller les comédiens. «Il faut revoir la cravate du réceptionniste, ça ne va pas» insiste M. KONATE, l'homme garant de la qualité artistique des actions du film. Il faut attendre 4 à 5 minutes avant de voir Ahmed arriver. Ce qui n'a pas manqué de mettre le «maître» des lieux sur les nerfs. «Tu es payé aussi pour rester sur le plateau de tournage et veillez sur les costumes des comédiens. Je veux que tu restes à côté».

Il se fait tard, la fatigue se fait sentir, pourtant, le plus dur est à venir, minuit n'est pas loin.

 

La séquence de toutes les tensions

La séquence 83 n'a pas fatigué l'équipe comme la 89 à cause de sa relative «simplicité» puisqu'elle ne concernait que le jeu d'un seul acteur : celui du réceptionniste qui devait, malgré qu'il soit ligoté et bâillonné, réussir à alerter la police.

Ce qui a été facilité par le mauvais travail de «Dramane» dans la séquence 82-2. Trois reprises après, l'équipe avait quelque chose en boîte. Comme s'il savait que la séquence 89 était difficile Issa TRAORE de Brahima demande un hui-clos avec ses comédiens. Un silence de cathédrale se fit dans la salle. Il était 1h du matin. Comme un père avec ses enfants Issa TRAORE de Brahima leur trace sa vision de la séquence 89. Il discute avec ses acteurs, chacun fait des propositions, l'on retient certaines, l'on rejette d'autres. Après avoir «calé» des choses avec les comédiens, le réalisateur fait appel à son équipe technique. Mêmes tractations et au finish, plusieurs propositions retenues. Après une quarantaine de minutes de répétition, «on a une base maintenant, on cherche la précision» a lancé Issa TRAORE de Brahima. On donne alors cinq minutes de pause, juste pour permettre à l'équipe de souffler avant les choses sérieuses : le tournage de la 89-1-1. A peine, a-t-on lancé le tournage qu'un imprévu tombe.

L'ingénieur de son Lassina SIRIBIE, «chef SIRIBIE», pique une crise de toux. Une toux sèche qui entrave toute bonne prise de son. A deux reprises on arrête le tournage pour que chef SIRIBIE puisse calmer ses poumons. Après la toux de l'ingénieur de son qui arrête un bon moment le travail, l'équipe n'était pas au bout de ses surprises. On reprend le travail, mais impossible d'avancer. Dans la prise de la 89-1-1.

Issaka SAWADOGO «L'Américain» ne peut contenir son rire dès qu'il entre en action. En dépit de la remontrance, il ne peut se contenir. Un acte qui n'a pas manqué d'alourdir encore l'atmosphère. Après plus de 30mns d'essai, toujours rien en boîte. La fatigue se fait de plus en plus sentir. Les tasses de thé et de café s'enchaînent, les cigarettes aussi. Même la pause sandwich de 2h du matin n'a pas amélioré la situation.

Les prises et les reprises s'enchaînent, visiblement, le réalisateur veut quelque chose de qualité en boîte avant le lever du jour. 89-1, 2, 3, 4, puis la 89-2, 1, 2, 3… à 3h du matin, c'est toujours la séquence 89, plan 4 et la prise une qu'on cherche à mettre en boîte. A 4h du matin, la pression était telle que le réalisateur a fini par lâcher à ses comédiens, «Décontractez-vous, libérez-vous». Mais rien n'y fit, la fatigue est perceptible, les nerfs sont tendus. On était à la 89-4-3.A une demi-heure du lever du jour (4h30), excédé par les balbutiements de «Madongui», Flora SAWADOGO, Issa de Brahima lâche «Tu ne connais pas ton texte. Si tu connaissais ton texte cela devait couler de source, tu n'es pas dans le jeu, tu n'es pas dans ton personnage». Le scripte propose une «suspension» : un arrêt total de la 89-5-1 pour un autre jour parce qu'il sent que l'on fait du surplace, fatigue oblige. Mais c'est le réalisateur qui décide. Le temps file, il faut avoir la séquence avant 5h. La régie café distribue les tasses de résistances comme des cacahuètes. Apparemment, ça n'avait plus d'effet puisque de temps en temps on réveille certains qui dérangent par le bruit de leur ronflement.

Dans la fatigue, la pression et la tension, ils sont arrivés à mettre en boîte, les derniers plans de la séquence 89. A 5h 20 du matin, alors que l'équipe technique rangeait son matériel pour libérer les lieux, une mendiante faisait déjà le guet devant l'Hôtel. C'est à peine si on l'a aperçue.

Frédéric ILBOUDO 


13/02/2007
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