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Affaire du Directeur général de la Douane/La prime à la délinquance en col blanc !

L'affaire des fausses exonérations douanières qui portent préjudice à la mobilisation des recettes de l'Etat continue d'écorner l'image de la République. La presse est quasiment seule à s'en intéresser. Le devoir d'informer et celui de sentinelle de la gouvernance sont autant de responsabilités qui n'autorisent pas à faire l'impasse sur ce dossier de deal qui se joue au sommet de l'institution économique.

Par Bangba Nikiema du Journal Bendré

Le silence intrigue. Celui observé dans le cadre de l'affaire des exonérations parallèles dans laquelle le Directeur général des Douanes, Ousmane Guiro aurait trempé désarçonne. Depuis le déclenchement de l'affaire et son irruption sur la voie publique à travers ses multiples traitements que la presse en fait, aucune autorité n'a réagi officiellement pour situer le peuple. Celles qui sont approchées par la presse jusque là bottent en touche tout en invoquant que le « dossier suit son cours en justice ». Soit.
Mais si en dépit de la séparation des pouvoirs et des principes de la justice, le gouvernement à travers un de ses membres a cru bon se mettre dans la posture de protagoniste au point d'exercer un trafic d'influence dans le dossier, le simulacre d'indifférence actuellement en cours est incompréhensible.
Dans une république, les ministres et leur gouvernement ont le devoir de rendre compte. L'Assemblée nationale a clos sa dernière session parlementaire de l'année 2007 sans que cette affaire ne soit posée en terme de « question d'actualité » qu'un député aurait pu poser au ministre de tutelle du D.G des douanes et au ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Mais sans attendre une telle interpellation, le gouvernement devrait mettre à l'épreuve sa profession de foi en initiant une approche de communication en vue d'élucider cette affaire.
En effet, doit-on s'emmurer dans un silence méprisant lorsqu'un scandale financier secoue une institution stratégique de mobilisation des ressources telles les Douanes ? Seuls le mépris et l'indifférence pourraient expliquer une telle option. Et assurément, les deux ministres qui ont une connexion directe ou indirecte avec le dossier semblent s'investir pour maintenir le flou à défaut d'obtenir la banalisation du dossier.

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Le principe du respect de la transparence et de la bonne gouvernance
voudrait bien que l'intéressé soit –momentanément- déchargé
de ses fonctions avant que le verdict de la justice ne vienne le réhabiliter éventuellement

Certes le ministre de la Justice et Garde des sceaux Zakalia Koté s'est fait un point d'honneur en s'exprimant sur l'affaire dans les colonnes de notre confrère l'Evénement N°130 du 25 décembre 2007. Mais ses déclarations qui donnent la chair de poule aux puristes des principes de l'Etat de droit confirment les péchés comportementaux que nous n'avons eu cesse de décrier. Le ministre a eu l'honnêteté de déclarer et d'expliquer la démarche qu'il a engagé auprès du parquet pour influencer la conduite rigoureuse et sereine de cette affaire. Par téléphone, le ministre a exercé un trafic d'influence auprès du juge instructeur. « J'ai expliqué au juge la position du parquet et ce que moi-même je pensais de l'affaire. Pour moi, M. Guiro n'est pas n'importe qui. Il est à la tête d'une importante institution de la République. Le déférer dès sa première comparution ne me parait pas normal. Il a quand même droit à certains égards.
Le juge m'a semblé avoir compris ma préoccupation. Pour moi, on s'était entendu. Je n'ai pas compris son attitude de revenir sur sa décision. Il m'a dit que lui juge par intérim n'a fait qu'apposer sa signature sur un acte déjà pris et si je souhaite qu'on arrête la procédure, je pouvais contacter moi-même le juge Sory ».
Le ministre -sans se soucier des règles de procédure qui régissent l'instruction d'un dossier -a mis ce conseil à exécution et il a aussitôt appelé, le juge Sory pour réitérer sa demande de main levée. « J'ai dit au juge titulaire qu'au stade actuel du dossier, il ne me semblait pas nécessaire de déférer le D.G à la MACO. C'est sa première comparution et vu son rang, il a quand même droit à certains égards. J'ai alors réitéré ma demande sur la main levée. Il m'a compris ».
En rappel, il convient de noter qu'en dépit de l'indépendance formelle de la justice et de la séparation des pouvoirs, le ministre de la Justice en tant que chef hiérarchique du parquet peut donner des instructions au procureur général ou demander à celui-ci d'agir dans un sens ou dans un autre dans un dossier. Mais ce que le ministre ne peut pas faire, c'est d'intervenir directement auprès d'un juge comme ce fut le cas dans cette situation. Il y a donc eu manifestement un vice de procédure. Mais on ne peut s'empêcher de s'interroger sur cet acte. Comment le ministre Garde des Sceaux Zakalia Koté éminent magistrat de son état, averti des questions de droit est-il arrivé à fouler aux pieds des éléments de principe préjudiciels à l'image de la République, à travers une telle conduite ?
Serait-ce de l'hardiesse ou une simple exécution de directives ? La première hypothèse ne résiste pas à l'analyse car il faudrait être un kamikaze politique pour se comporter en fossoyeur de la démocratie par des actes de collusion visibles entre l'exécutif et le judiciaire. Il n'est pas évident que l'éventuel coupable d'un tel manquement puisse conserver son strapontin après son forfait. Alors que le ministre Koté est toujours scotché à son poste. Faut-il croire qu'il bénéficie du parapluie nécessaire et suffisant pour s'y maintenir ? Possible. A l'évidence dans le cas d'espèce, il n'y a pas de protection efficace qui vaille que celle qui provient de sa hiérarchie.
Et la hiérarchie d'un ministre ne saurait être autre que son chef de gouvernement, le premier ministre en l'occurrence.
L'éventualité d'une telle hypothèse pourrait consolider les rumeurs persistantes qui avancent que le premier ministre Tertius Zongo ne souhaiterait pas voir le D.G des Douanes M. Guiro dans les liens de la détention fut-elle préventive.
La nomination de M. Ousmane Guiro à la tête de la Direction des douanes aurait-elle été recommandée par le premier ministre Zongo, himself comme il se susurre ? Même si l'intéressé (Ousmane Guiro) entretiendrait des liens d'amitié avec un des frères opérateurs économiques du premier ministre, la liaison entre la proximité familiale et les motifs de pressions et d'instructions qui seraient parties de la primature pour régler le dossier des fausses exonérations douanières est un pas que nous nous refusons de franchir pour le moment.

De la réalité du dossier

Le Directeur général des douanes M. Guiro laisse entendre que c'est lui qui aurait déposé la plainte contre X et ce, après s'être rendu compte des faux documents qui sévissent à la Direction de la Législation et de la Réglementation. Bel acte d'un justiciable ! Certes. Mais ce à quoi le D.G semble faire fi dans ses déclarations, c'est que l'initiative de sa démarche à une histoire. En effet, il tait le fait que ce soit la société de lubrifiant Oryx qui, dès le 10 avril 2007 a déposé une plainte auprès de la gendarmerie de Baskuy. Au cours de l'enquête initiée par cette brigade de gendarmerie, celle-ci avait eu à auditionner M. Guiro.
Ce n'est que 10 jours après, soit le 20 avril 2007 que M. Guiro a déposé une plainte contre X au parquet. Inutile donc de dire que les ennuis judiciaires actuels du D.G des Douanes ne sont pas liés à sa propre plainte mais à celle déposée antérieurement.
Du reste, que ce soit sur la base de la plainte de ORYX ou de celle du D.G lui-même, le nom de M. Guiro revient de façon récurrente dans l'affaire. Et comme si ce n'était qu'un côté de l'iceberg qui avait été dévoilé par l'action citoyenne de la presse, la publication de l'affaire a emmené Shell (une autre société de lubrifiant) à déposer une plainte contre un certain nombre de commerçants. Et là aussi, le nom du DG est abondamment cité. A la lumière de ce scandale, on peut également se demander à combien remonteraient le coût des exonérations et autres « pieds levés » sur des marchandises non lubrifiants dont auraient bénéficié certaines opératrices et opérateurs économiques bien introduits !

Veut-on étouffer cette affaire ?

Le scandale des fausses exonérations douanières se présente par la force des choses comme l'élément test de la gouvernance économique, judiciaire et politique au Burkina Faso. C'est un véritable thermomètre, un indicateur de conformité entre les discours et les actes. Pour une fois que la justice tente douloureusement de sortir la tête hors de l'eau pour retrouver ses marques, elle se voit confrontée à une sérieuse obstruction qui porte préjudice à sa « bonne administration ».
Lorsque le premier ministre Tertius Zongo a commencé à se prononcer après sa nomination à la tête du gouvernement, l'opinion et les observateurs avisés avaient interprété ses déclarations comme étant un discours de rupture. Rupture avec la mauvaise gouvernance et un divorce avec la société de corruption, l'affairisme et la culture de l'impunité.
Mais à l'analyse, les premiers éléments qui ont été soumis au constat n'ont pas de quoi faire jaser. Pire, la gestion de l'affaire donne l'impression que la même justice ne s'applique pas à tout le monde de la même manière. Comme si les justiciables se distinguaient de par leur catégorie sociale, il y a des citoyens qui ne seraient pas « n'importe qui » et ceux qui le sont. Les premiers ont droit à des égards lorsqu'ils sont épinglés par la justice contrairement aux autres qui peuvent croupir en prison sans que personne ne s'en émeuve.
Voilà un dossier qui est simple et clair. Un dossier relatif à un scandale financier qui a éclaté au sein de l'institution douanière qui se trouve être l'une des principales régies de recette du pays. Une forte suspicion pèse sur son premier responsable. Le principe du respect de la transparence et de la bonne gouvernance voudrait bien que l'intéressé soit –momentanément- déchargé de ses fonctions avant que le verdict de la justice ne vienne le réhabiliter éventuellement.
Qu'à cela ne tienne ! « Le suspect et sérieux » continue d'exercer ses fonctions et de jouir de ses prérogatives comme si de rien n'était.
Le directeur de l'école primaire publique de Sissa M. Agniamou Sougué, dans le département de Satiri province du Houet n'a pas eu cette chance. En effet, faisant partie du lot des « n'importe qui », il a été révoqué (sans jugement s'il vous plait) par le conseil des ministres du jeudi 29 novembre 2007. Le Conseil des ministres lui a reproché de s'être rendu coupable d'actes délictueux concernant la gestion des manuels scolaires.
Ainsi va le Burkina. C'est à se demander si les pratiques qui ont conduit à la mise en place des tribunaux populaires de la Révolution (TPR) n'ont pas brillamment réussi à faire leur renaissance sous le Faso démocratique.
En attendant que les langues se délient davantage, on note que le jeudi 10 janvier dernier, le dossier du D.G qui était traité par le juge Stéphane Sory du Cabinet N°2 a finalement échu dans les bras de la juge Mme Sanou du Cabinet N°3.
Au regard de toutes ces tractations, on ne pourrait s'empêcher de se souvenir de cette célèbre phrase de l'ancien ministre de la justice Boureima Badini : « à compétence égale, nous choisissons ceux qui nous sont acquis ».
A moins que ce ne soit le premier détenteur du dossier qui, suite aux pressions évidentes ait eu l'idée de s'en dessaisir « volontairement ».



21/01/2008
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