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M. Christophe OULE responsable de l’unité informatique de l’ABPAM

M. Christophe  OULE responsable de l’unité informatique de l’ABPAM

 

« L’informatique adaptée ouvre beaucoup d’horizons aux déficients visuels ».

M. Christophe OULE est-ce qu’on peut l’appeler l’homme phénix qui renaît de ses cendres ? Dans la vie professionnelle, il était ingénieur génie civil bâtiment. Aujourd’hui ; il est responsable de l’unité informatique de l’ABPAM. Son parcours démontre sa force mentale et sa détermination à affronter  les aléas de la vie.  Mais il a été frappé par une maladie qui lui a ôté la vue à l’apogée de son entreprise. Malgré tout il a refusé de baisser les bras. Nous l’avons rencontré à l’ABPAM, il nous parle de sa vie et de son travail. Lisez plutôt !  

 

 

Qui est M. OULE ?

Je suis né il y a 48 ans quelque part dans l’Ouest  du Burkina dans un  village appelé Yaba. J’ai fait mon école primaire et secondaire à Bobo au collège de Tounouma. J’ai eu le BAC en 1980. J’ai fait mes études supérieures à l’Ecole supérieure des travaux publics de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire. J’ai eu mon diplôme d’ingénieur en bâtiment en 1984. De retour au pays et après le service national populaire, j’ai été recruté à Burkina & Shell où j’ai occupé le poste d’assistant exploitation. Par la suite, j’ai été chef du département exploitation, où je m’occupais du suivi des travaux de construction des stations, en passant par la conception des plans des stations. J’avais également la responsabilité du transport, de la sécurité, de l’importation des lubrifiants, et de leur distribution pour des sociétés comme la SONABEL et autres. De ce fait, j’étais en relation avec les autres sociétés pétrolières, le bureau des mines du Burkina, la SONABHY.  Présentement, je suis chargé de la formation à l’unité informatique à l’ABPAM.

 

Vous n’êtes donc pas né aveugle ? Qu’est-ce qui s’est passé alors ?

Il faut dire qu’entre temps j’ai quitté Burkina & Shell pour m’installer à mon propre compte. J’ai créé une entreprise qui a eu du mal à prendre. C’est quand l’entreprise a commencé à décoller que j’ai eu des problèmes de vision.  C’est une infection que j’ai eue aux yeux, on a essayé de traiter en vain. A la limite on n’a pas su exactement déterminer la cause de mon mal et ce jusqu’aujourd’hui.  La vue a commencé à baisser en début 2003 et en fin 2003 je l’ai complètement perdu.

 

 

 

 

Comment avez-vous vécu la situation ?

Il faut dire que la reconversion n’a pas été du tout facile. Elle commence déjà au niveau de la famille. Ma famille m’a donné une confiance qui m’a permis de surmonter cette situation et surtout pour ne pas me laisser abattre  parce que c’est d’abord un combat personnel. Il faut  lutter pour se réadapter à sa nouvelle vie. C’est ceux qui sont autour de vous qui vous tiennent et qui vous permettent de vous battre. J’ai eu assez de soutien  de ma femme qui m’a soutenu à bout de bras. Elle n’était pas du tout d’accord de me voir assis parce que j’avais une activité professionnelle très intense. Elle a pris des contacts et  c’est là que nous sommes venus à l’ABPAM pour avoir un entretien avec le regretté Dr DIARRA.

 

Alors vous arrivez à L’ABPAM en 2004 et ensuite ?

Je suis arrivé à L’ABPAM précisément en mars 2004  pour m’initier au braille qui est l’écriture des aveugles. Il faut apprendre à reconnaître les points parce que le braille c’est 6 points, et tout l’alphabet est articulé autour de ces 6 points. Il fallait apprendre cela et apprendre à lire couramment. C’est ce que j’ai fait en 2004 et 2005 j’avais pratiquement fini.

 

Alors du braille aujourd’hui vous maîtrisez les TIC, comment s’est faite cette mutation ?

Cela est arrivé fortuitement. Je dis fortuitement parce que ce n’était pas prévu. Je venais depuis mon arrivée ici donner un coup de main au niveau de  l’école, pour enseigner le braille aux enfants qui venaient de perdre la vue au niveau de l’école primaire, ceux qui sont déjà à l’école et qui perdent la vue, il faut qu’ils viennent se réadapter et apprendre le braille pour se remettre dans le circuit scolaire en faisant de braille.  Et c’est pendant cette période qu’il y a eu l’opportunité d’une formation en informatique, on m’a testé et on a vu que j’avais les capacités, et c’est comme ça que je suis allé en France suivre cette formation en informatique adaptée. On a d’abord eu une préformation sur place ici, un contact avec l’outil informatique. Quand on parle d’informatique, c’est surtout des graphiques, on voit des icônes au niveau de l’écran, on prend la souris et cliquer ici et là, mais pour quelqu’un qui ne voit pas ce n’est pas possible à faire. Ceux qui sont venus m’initier utilisent une autre méthode, on n’utilise pas la souris, on utilise les déplacements  avec la flèche, et donc c’est la capacité de mémoriser certaines choses qu’ils ont testé et c’est à partir de là que je suis parti en France pour la formation. La formation s’est faite à l’aide d’un logiciel de synthèse vocale qui permet de capter les informations au niveau de l’unité centrale, les informations qui vont vers l’écran, ça les  capte et ça les renvoie sous forme sonore. C’est dire donc que ce qui apparaît à l’écran est retransmis vocalement. Et comme on n’utilise pas la souris, il faut se déplacer avec les flèches et en plus de ça il faut mémoriser certains raccourcis. Pour accéder à certaines tâches, il y a une combinaison de touches qu’il faut composer pour avoir accès à ces tâches là. 

 

Aujourd’hui, comment vous sentez-vous en tant qu’handicapé visuel maîtrisant l’outil informatique ?

Les TIC ouvrent beaucoup d’horizons aux déficients visuels. Il est établi que celui qui ne maîtrise pas l’outil informatique est un analphabète. Tout est articulé de nos jours autour de l’informatique. J’ai les informations que je veux sur Internet parce que l’on n’a pas toujours le temps pour tout apprendre,  de lire tout dans les livres, c’est dire que quand on sait utiliser l’outil informatique, on peut aller directement chercher l’information que l’on veut au moment que l’on veut. L’informatique adaptée ouvre beaucoup d’horizons aux déficients visuels. Les étudiants aveugles qui doivent prendre leurs cours en braille sachant que, une page écrite en bic va donner trois à quatre pages braille, voyez le volume de papier que ça demande et le temps de travail que ça nécessite pour la transcription de cette page là. L’outil informatique vient comme un raccourci et leur permet d’aller plus vite et d’accéder à beaucoup plus d’informations.   

 

En tant que formateur comment se passe la formation  avec vos stagiaires?

Il faut dire que c’est une formation individualisée, et je ne peux prendre qu’une seule personne à la fois. Cela est dû au fait que pour maîtriser le logiciel de la synthèse vocale, il est difficile de prendre plusieurs personnes à la fois et ça ne sera pas très rentable et pour les apprenants et pour le formateur. Dans la semaine je prends les apprenants à tour de rôle,  et il faut entre 15 à 20 séances selon leur capacité  à assimiler. C’est vous dire qu’au bout de deux mois je forme deux personnes. Il faut dire que l’unité informatique de l’ABPAM est fonctionnelle depuis avril 2007 et à ce jour, j’ai pu former deux personnes qui ont fini leur session et qui sont opérationnelles, il s’agit d’une étudiante en année de maîtrise en droit et d’un étranger en la personne du président de l’association des aveugles du Bénin, qui est psychologue de formation et qui est venu spécialement ici pour se former. Actuellement, j’ai deux autres étudiants en formation qui vont terminer bientôt. La demande  des personnes déficientes visuelles est très forte mais on est limité par le manque de matériel. Pour le moment nous n’avons que deux ordinateurs. Je vais profiter de vos colonnes pour lancer un appel aux autorités, particulièrement le ministre en charge des technologies de l’information et de la communication pour qu’il nous vienne en aide.

Frédéric ILBOUDO



12/03/2008
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