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Salif Diallo, ministre d'Etat, ministre de l'Agriculture/“L’ambition personnelle fragilise les pouvoirs”

 "L'ambition personnelle fragilise les pouvoirs"

Initialement prévu à la direction régionale de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources halieutiques le 27 janvier 2008 à 10 heures, l'entretien en direct avec le ministre d'Etat, ministre de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources halieutiques, Salif Diallo s'est finalement déroulé vers 10 h 30 à Radio-Bobo. Au cours de l'émission, les auditeurs se sont délectés des "gwè" (vérités sans détours, en dioula) de l'interviewé. Salif Diallo parle sans notes, avec la franchise légendaire reconnue aux " Yadsé ". Il répond sans sourciller, à toutes les questions, se prélasse quelquefois sur son siège quand il n'affiche pas un sourire comme pour railler la candeur de certaines interrogations ou acquiescer les compliments de certains témoins privilégiés de son œuvre. Les témoignages de sympathie sont venus parfois des plus farouches opposants à Salif Diallo et à son parti, le CDP. Voici pour nos lecteurs des morceaux choisis.

Question (Q.) : Est-ce votre rigueur au travail qui vous vaut, depuis 20 ans, la confiance du Président Blaise Compaoré ?

Réponse (R.) : C'est trop dire. Le président est méthodique même si on ne l'entend pas beaucoup. Il se fixe des objectifs qualitatifs et quantitatifs qu'il essaie d'atteindre. Lorsque je suis avec lui, nous ne parlons pas du beau temps ou de la tête tordue de x ou de y.

Q. : " De l'avenir des Etats africains " est l'intitulé de la thèse du Docteur Salif Diallo. Pourquoi ?

Le ministre d'Etat, ministre de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources halieutiques, Salif Diallo : " Il n'est pas dans ma nature de faire allégeance à qui que ce soit ".

R. : De la présidentialisation du pouvoir par les " pères fondateurs " dans les années 60, aux programmes d'ajustement structurel des années 1980, l'indépendance et la souveraineté des Etats africains sont à relativiser.

Q. : Quelle est la vision de Salif Diallo, acteur et témoin du 15 octobre 1987 et du Front populaire qui y a succédé ?

R. : Je le déplore parce qu'il y a eu mort d'homme. C'est Blaise Compaoré qui était programmé pour mourir le 15 octobre 1987 et je l'ai vécu personnellement. Je vous donne cette anecdote : le 15 octobre à 16 heures, pendant qu'on entendait les coups de feu, une dame qui vit encore, a téléphoné chez Blaise. Mais le président n'était pas au salon, c'est moi qui y étais. Elle demande : " Où est Blaise Compaoré "? Je réponds que je ne sais pas. Elle continue. " Qui es-tu " ? Je réplique que je suis le cuisinier. Elle me lance : "  C'est bien fait pour lui ! Il faut partir, il est mort ". C'est en ce moment que le président Compaoré est sorti de sa chambre. Bien d'autres éléments existent qui prouvent que c'est Blaise Compaoré qui était programmé pour mourir. Nous devrons tirer les leçons de cette période, faire une introspection et amener le pays dans le sens de l'apaisement.

Q. : Salif Diallo est-il la tête pensante des tentatives d'anéantissement de l'opposition par le CDP ?

R. : Oui et non. Oui parce que nous avons affaire à des adversaires politiques qui cherchent à conquérir le pouvoir, et nous oeuvrons aussi à le conserver. Si donc nous pouvons accélérer leur décomposition interne, nous faisons des coups politiques, mais pas en-dessous de la ceinture. Je ne suis pas blanc comme neige dans cette situation. En tant que parti au pouvoir, nous avons l'appareil d'Etat, ce qui est une longueur d'avance sur l'opposition dans nos pays africains.
Non parce que même au sein du CDP, il y a des difficultés dues à une désaffection des cadres qui croient de moins en moins aux idéaux du parti. Ils adhèrent, pour beaucoup, non par conviction, mais pour des plans de carrière ou pour des principes alimentaires.

Q. : Y a-t-il une rivalité entre le CDP et les partis de la mouvance présidentielle, qui ne profiterait pas au président Blaise Compaoré?

R. : Les partis autres que le CDP ne peuvent pas s'entendre sur l'ensemble de nos points programmatiques. Mais, sur le soutien au président, les partis trouvent en principe des points d'accord. Dans les faits, ils viennent pour le partage du " naam " . Il y en a qui sont au gouvernement et ils sont souvent les plus venimeux contre le CDP sur le terrain. En politique, l'alliance n'est pas subjective. Ce sont des intérêts objectifs qui nous lient. Il ne faut pas pleurnicher sur le sort de ces partis qui font pièce au CDP.

Q. : L'ADF/ RDA est-il un parti d'opposition ?

R. : Je suis d'avis avec ceux qui disent que ce n'est pas un parti d'opposition, mais pas avec les mêmes arguments. Ce parti soutient publiquement et concrètement le programme du président Blaise Compaoré. Ce faisant, je ne vois pas comment l'ADF/RDA peut être chef de file de l'opposition dans le contexte actuel. Je n'ai pas vu une opposition, même timorée, de l'ADF/ RDA au programme du président. On ne peut pas vouloir d'une chose et de son contraire.

Q. : Qu'est-ce qui oppose Salif Diallo aux autres leaders du parti ?

R. : Je n'ai pas de problèmes avec eux. Je suis regardant sur les statuts du parti. Quand des militants viennent à enfreindre ces règles, il y a des conséquences. Ce n'est pas une opposition stricto personnelle. La plupart de ceux à qui vous faites allusion sont des parents à moi. C'est la compréhension que nous avons de la politique qui diffère.

La SOPROFA a disparu. Quel est votre commentaire ?

R. : C'est malheureux. Nous nous étions associé au groupe Aiglon, l'Etat pour 25% et Aiglon pour 75% des parts. L'Etat avait versé 125 millions de nos francs pour constituer le capital de la SOPROFA.

L'Etat devait par la suite apporter le fonds de roulement, ce qui n'a jamais été réalisé, en attendant que le groupe commercialise les 50 000 tonnes de céréales collectées. Ce qui est arrivé, c'est que le groupe Aiglon, qui avait deux usines en Côte d'Ivoire, a subi des saccages et des
Salif Diallo (au milieu) a été " cuisiné " durant deux heures par nos confrères Boureima Djiga (habit traditionnel) et Sylvain Vébamba.

pillages consécutifs à la crise de 2002. Le groupe a fait faillite et a abandonné le partenariat. Ils sont donc venus clairement nous signifier qu'ils ont des problèmes et qu'ils ne peuvent plus continuer à supporter le programme SOPROFA. Voilà les causes profondes de la disparition de la société.

Q. : Qu'est-ce qui vous a souvent opposé, selon les rumeurs, au Premier ministre ?

R. : Il n'y a aucun problème entre nous. Il est mon supérieur hiérarchique. Je me plie à ses directives, sur la base de la légalité, que j'exécute avec courtoisie. Sur des matières précises, je donne mon point de vue sans calcul, sans faire allégeance. Ce n'est pas dans ma nature de faire allégeance. Tous les Premiers ministres qui se sont succédé m'en ont, au contraire, félicité.

Q. : Salif Diallo, super ministre, anti conformiste, est-ce aussi une rumeur ?

R. : Je ne suis pas un super ministre. Anti-conformiste ? Je ne sais pas. Comme je le disais tantôt, venir en politique, c'est avec des principes. Si ma mission ne correspond pas à telle ou telle matière, mon devoir, c'est de dire honnêtement non. Je ne suis pas un " yes man " qui dit toujours
Oui ! Oui ! même quand ce n'est pas bon.

Q. : Salif Diallo rêve-t-il d'être un jour locataire du palais de Kosyam ?

R. : Il faut être sérieux. Je ne suis pas dans la dynamique d'une pareille ambition. L'ambition personnelle fragilise les pouvoirs. On peut me considérer comme non partant. Je ne suis candidat ni aujourd'hui, ni demain. Blaise Compaoré dirige avec pondération et intelligence. Sa succession n'est pas à l'ordre du jour.

Q. : Pourquoi les rumeurs se cristallisent-elles sur la personne de Salif Diallo ?

R. : Il y a des gens qui estiment que s'ils n'ont pas telle ou telle position, cela ne peut pas être le fait du président Compaoré, mais de Salif Diallo qui a dû les mélanger avec le président. Quand ils sont au summum de leur gloire, là Salif Diallo n'a rien à y voir. Dès qu'ils dégringolent, comme Salif rentre chaque jour au palais, c'est lui. Non, ce n'est pas moi qui signe les décrets, ce n'est pas moi qui dirige le pays ! Je ne peux pas empêcher les gens de faire courir toutes sortes de rumeurs.

Q. : Faut-il être du CDP pour avoir un tracteur à crédit sans rembourser ? Qu'en est -il des tracteurs impayés ?

R. : Nous n'avons jamais vendu de tracteurs aux militants CDP. A l'époque, le mécanisme était de vendre à crédit, et ceux qui en ont été informés sont allés acheter sans payer. Nous avons réalisé un gros dossier de contentieux adressé au ministère des Finances qui va procéder à des retenues à la source. Ceux qui n'ont pas encore payé le feront même sur leurs retraites. Et puis, le président du Faso a lui-même payé ses tracteurs. Je ne vois pas comment quelqu'un peut croire qu'il ne va pas payer !



04/02/2008
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