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Corruption de dirigeants africains/ Que fait la justice internationale?

 Des associations exigent l’ouverture d’une information judiciaire

vendredi 8 février 2008.
 
Dans le communiqué de presse ci-dessous, des associations luttant contre la mauvaise acquisition de biens par des dirigeants africains font état du classement sans suite par la justice française d’une enquête pour détournement de biens publics contre des chefs d’Etat du continent noir.

Une enquête préliminaire française pour le chef de détournement de biens publics contre plusieurs présidents africains vient d’être classée sans suite en dépit de la révélation de biens de luxe, de voitures et de dizaines de comptes en banque valant des dizaines de millions de dollars appartenant aux dirigeants, à des membres de leurs familles ainsi qu’à de proches collaborateurs.

Bien que constituant la première du genre en France, l’enquête constituait un test-clé suite à l’appel du président Sarkozy pour « un nouveau partenariat entre l’Afrique et la France dans leur engagement en faveur de la lutte contre la corruption ». L’investigation a pris fin en novembre 2007, suite à la décision du Parquet de Paris jugeant les infractions "insuffisamment caractérisées".

L’enquête fut lancée en juin 2007 à la suite d’une plainte déposée par trois organisations non gouvernementales – Sherpa, Survie et la Fédération des Congolais de la diaspora – alléguant que des familles dirigeantes d’Angola, du Burkina Faso, du Congo Brazzaville, de la Guinée équatoriale et du Gabon avaient acquis des biens en France pour des millions d’euros, sommes qui ne pouvaient provenir du fruit de leurs salaires officiels.

« Sherpa et Survie, comme l’a fait Global witness, ont mené une campagne contre le manque de transparence, la corruption et le détournement des biens publics en Afrique, particulièrement dans les pays africains riches en ressources naturelles et nous sommes extrêmement préoccupés que cette affaire ait été classée sans suite, considérant le nombre important de preuves apportées par l’enquête policière » déclare William Bourdon, président de Sherpa. « Nous envisageons de déposer plainte avec constitution de partie civile en France pour garantir la poursuite de cette action emblématique ».

Selon des documents vus par Sherpa et Global Witness en janvier 2008, la police française a dévoilé des centaines de pages de preuves documentaires relatives aux biens des familles dirigeantes du Burkina Faso, du Congo, de la Guinée Equatoriale et du Gabon.

Points clés de l’enquête

Les points clés de l’enquête policière incluent :

- Teodorin Obiang, le fils du dictateur de la Guinée équatoriale, pays riche en pétrole, a acheté de nombreuses voitures de luxe incluant deux Bugatti Veyrons – considérée comme la voiture la plus rapide du monde – coûtant plus d’un million d’euros l’unité début 2006. Une enquête menée par Tracfin, la cellule française anti-blanchiment, relative aux paiements effectués conclut en novembre que « les flux [financiers] mis en exergue […] sont dès lors susceptibles de traduire le blanchiment du produit d’un détournement de fonds publics ». Une semaine plus tard, l’enquête fut classée sans suite.

- En 2004, la femme du président Bongo, qui n’est pas membre du gouvernement, a acheté une voiture de luxe Maybach de 300 000 euros payée intégralement par le Trésor du Gabon. Aussi, le Trésor a versé 70 000 euros supplémentaires qui ont servi à l’achat d’une Mercedes pour la fille du président. Cette fille a acheté une autre Mercedes payée également en partie par le ministère des Finances gabonais.

- Des membres de la famille des présidents Sassou Nguesso du Congo Brazzaville et Omar Bongo du Gabon détiennent des douzaines de maisons et appartements à Paris et dans le sud de la France, dont certains ont une valeur de plusieurs millions d’euros.

La Guinée équatoriale est l’un des pays les plus pauvres du monde en terme de développement humain, bien qu’ayant le 4e PIB per capita mondial. En novembre 2006, Global witness a révélé que Teodorin Obiang avait acheté une maison de 35 millions de dollars à Malibu, son salaire n’étant que de 5 000 dollars par mois. Le Gabon et le Congo Brazzaville, également des pays riches en pétrole, empochent des milliards de dollars mais restent englués dans la pauvreté.

En juillet 2007, la Haute cour de Londres a bloqué une tentative du fils du président congolais Sassou Nguesso d’interdire Global witness de publier des documents suggérant qu’il avait réalisé, selon les mots du juge, des « profits personnels secrets » de la vente de pétrole de l’Etat et qu’il avait dépensé des milliers de dollars en biens de marque de luxe.

La France a ratifié la Convention des Nations Unies contre la corruption et soutient l’initiative de transparence des industries extractives (ITIE), un effort global pour réduire la corruption et le détournement des revenus issus du pétrole, du gaz et de l’extraction minière. Sarah Wykes, chargée de campagne à Global witness a commenté : « Il est incroyable que cette enquête n’ait pas été poursuivie par les autorités françaises. Quel est le sérieux du message envoyé par la France dans la lutte contre la corruption des dirigeants politiques et la promotion du développement en Afrique ? »



08/02/2008
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