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Destruction du fétiche de Kalsaka « La destruction d’un site culturel est un crime… »

Destruction du fétiche de Kalsaka

« La destruction d’un site culturel est un crime… »
Dixit Maître Titinga Frédéric PACERE éminent homme de culture, de droit et de lettres

C’est un grand homme de lettres, de droit…, mais aussi et surtout de culture. Sa détermination, son engagement dans la défense, la promotion et la valorisation de la culture burkinabè, en particulier et celle africaine en général, fait de lui une référence sur le continent et au-delà. Qui mieux que lui pouvait éclairer les Burkinabè sur la destruction de fétiche de la commune rurale de Kalsaka, qui défraie la chronique, et dont nous avons traitée dans notre édition n°628. Nous l’avons rencontré pour mieux comprendre pour vous, tout ce qui entoure les fétiches et leurs mystères en pays mossi. Lisons plutôt !

Maître, en tant qu’homme de culture de ce pays, qu’est-ce qu’un « Teng-kugri » ou fétiche en milieu mossi ?
Me T F P :
Un Teng-kugri est composé de « Teng » qui signifie terre et « Kugri » qui signifie pierre. Le Teng-kugri c’est dans la coutume des mossé, une pierre de fondation d’une terre, c’est-à-dire d’un commandement. Son sens s’est élargi, a recouvert des domaines un peu variés mais tous liés à l’esprit d’emplacement de l’origine d’un commandement. Comme son nom l’indique, c’est souvent un simple « Tambr-seongo » qui est la simple pierre désagrégée qu’on utilise de nos jours justement pour les fondations d’immeubles avec des d’agrégats (ciment,…) pour créer la solidité appelée de nos jours cailloux sauvages. De tels lieux où sont implantés le Teng-kugri, sont souvent appelés simplement, « Tenga » qui signifie terre. C’est évidemment un lieu sacré, puisqu’il est l’emplacement et la marque au sens réel de l’origine du commandement. Il est sacré : à preuve, pour des grands rites de saison, on y immole des moutons, des poulets voir des bœufs. Il est précisé que généralement, le concept de teng-kugri concerne les Nakomsé, conquérants, fondateurs d’empires et de circonscriptions administratives politiques. Il ne concerne pas en général les Younyonsé, bien que cela puisse exister dans leur zone, s’il s’agit d’un village exclusivement de Younyonsé. Si une femme a des difficultés pour enfanter, on peut s’adresser à cet endroit-là, qui signifie qu’il est sacré. On l’implore pour avoir un enfant. Si la maternité intervient, l’enfant portera, par exemple, le nom de Tenga (Terre) s’il s’agit d’un garçon, Tengpoko, « Terre femme » ou fille de la « Terre ». Ou Tendaogo « homme de la Terre. Terre ici n’est pas la terre au sens courant mais le lieu sacré, qu’est le Teng-kugri.

Mais dites, Maître, un village peut-il avoir plusieurs fétiches ou Teng-kuga ? (pluriel de Teng-kugri)
Me T F P :
Le problème doit-être envisagé sous plusieurs angles. Au sens étymologique, une circonscription administrative (royaume, canton, village, quartier) ne peut en ce qui le concerne, avoir deux Teng-kuga. Parce qu’il s’agit, par le Teng-kugri, de la représentation physique, matériel, culturel de l’origine de la circonscription administrative. Cependant, au point de vu espace géographique, il se peut que sur un même plateau terrien, il y ait plusieurs Teng-kuga. S’il s’agit d’un canton, par exemple, le canton au niveau de la gestion de l’autorité, se trouve symbolisé en un endroit, au même lieu par exemple que le village qui abrite le palais du chef. Il est donc possible qu’en ce même lieu, peut-être espacé de quelque centaine des mètres, il y ait le Teng-kugri du canton, celui du village, et même le Teng-kugri du quartier. De nos jours, il y a une sorte de globalisation des termes. Je prends le cas de mon village, Manéga pour compréhension. Il y a un seul Teng-kugri portant ici le nom de Tenga comme je l’ai déjà précisé à quelque cinquante mètre de la maison du chef. Mais sur le plateau central de Manéga (un rayon de cinq cent mètres), il est implanté treize lieux sacrés de la vie et de la protection du village. Chaque lieu porte un nom, pas forcément faisant référence à sa fonction, mais un nom qui le distingue des autres. Pour les anciens du village et pour les villageois, chaque lieu sacré est appelé spécifiquement par son nom et est connu d’eux. Mais sous l’angle du sacré, de nos jours l’ensemble des lieux sacrés pour simplification pour le langage courant, est désigné par les «Teng- kuga» de Manéga. Au pluriel ici, utilisé un peu partout dans le Moogho, le terme Teng-kuga désigne dès lors l’ensemble des lieux sacrés des circonscriptions administratives et coutumières. Néanmoins, pour qu’un lieu reçoive cette appellation il importe qu’au centre de ce lieu, il y ait des pierres (cailloux sauvages tel que spécifié) pour matérialiser le cœur de ce sanctuaire et pour recevoir les rituels des sacrifices de saison. Ainsi, à Manéga, il y a le Teng-kugri « Teens-kaoongo » en traduction littérale, bosquet des fétiches, ou bosquet des rites cultuels. Comme le nom de ce lieu l’indique, c’est un bosquet en quelque sorte une petite forêt sacrée, son bois est interdit à la cuisine ou pour quoi que ce soit, d’où sa préservation jusqu’à nos jours. Il est pratiquement dans l’aire actuelle du Musée de Manéga. Personne ne doit couper un morceau de bois d’arbres ou même des pailles de ce sanctuaire. En son centre et depuis le 12ème siècle il y a des cailloux qui matérialisent physiquement le lieu sacré et le lieu des rites. Ce lieu, est appelé plutôt par son nom que par la désignation de Teng-kugri. Il y a même un boa en ce bosquet qui sort de temps à autre et qui m’effraye moi-même, et déjà aperçu par des touristes du Musée. Il est interdit de le toucher. J’ai également interdit de le toucher du fait que pratiquement, j’ai la garde morale de ce lieu, qui, comme je le dis, est dans l’aire du musée.

Qu’est-ce qu’un Teng-kugri peut représenter pour un royaume, un canton, un village, un quartier, une famille, un individu ?
Me T F P :
Le Teng-kugri porte sur une circonscription administrative coutumière. C’est peut-être d’un royaume, d’un canton, d’un village, d’un quartier. Il est également le centre de la circonscription administrative, pas au sens géométrique ; mais au sens de l’existence de la création du point d’ancrage et de cette circonscription administrative. A priori, une famille ou un individu n’a de Teng-kugri. Pour les familles, dans certaines régions, il y a un lieu sacré dans la cour, qui marque le lieu central au sens coutumier de l’implantation de la maison familiale. On l’appelle « Siman-Tenga ». Il n’est pas souvent matérialisé, du fait qu’il est dans la cour. Mais, on connaît son emplacement au jour du rituel de saison d’adresse aux ancêtres, tel que le « Basga » (au niveau du plateau central) ou « Filga » qui se pratique dans la région du Nord. On le reconnaît parce que le chef de famille doit toujours se mémorer ce lieu parce que c’est là qu’il doit immoler les poulets, au jour annuel de la fête de saison. Il n’est pas forcément à côté de la case du chef de famille. Celui qui est à côté de la porte de la case du chef de famille, porte le nom de « Sigré ». Le Teng-kugri est donc un sanctuaire d’installation et de marque physique, réelle, d’une circonscription administrative.

Quelles sont les conséquences pour les populations de la localité si ce Teng-kugri est détruit par inadvertance ?
Me T F P :
On ne peut pas détruire un teng-kugri par inadvertance. Parce que le lieu est reconnu de tout le monde. Un étranger n’a pas à aller fouler le lieu de ses pieds. Souvent même, aucun sentier ne conduit directement à un Teng-kugri. Un sentier dans un village peut passer à 5, 10, 20 mètres, mais aucun sentier ne conduit à un Teng-kugri. Les rituels pour le Teng-kugri ne sont jamais fréquents. Souvent une fois, deux fois trois, fois par an, à moins de nécessité extrême. Du fait qu’on n’y va pas, que le lieu n’est pas fréquenté, les sentiers ne conduisent pas à un teng-kugri. On ne peut pas aller à ce lieu par inadvertance.
Quant à la destruction du Teng-kugri, on comprend, puisque c’est l’origine de la création matérielle de la circonscription. Création qui passe forcément le 1er jour par des invocations aux ancêtres, des adresses de sollicitations de bonheur et de paix aux ancêtres. C’est dire donc que la destruction d’un Teng-kugri signifie, la destruction morale de la circonscription administrative par violation des liens de respect que les vivants du jour ont envers Dieu, les ancêtres, les devanciers. C’est pour cela que la destruction d’un Teng-kugri, est plus qu’un sacrilège. La destruction d’un site culturel est un crime. Elle suppose une rupture volontaire qu’une tierce personne opère, pour rupture des liens entre les vivants et les morts. La coutume évidemment est pour le milieu, la destruction de la vie de la personne qui a détruit le Teng-kugri ou, dans le milieu accepter, acquiescer, une rupture définitive qu’on impose à la localité envers ceux qui ont créé cette localité et leurs descendances.

Et si c’est intentionnel, est-ce les mêmes conséquences ?
Me T F P : Comme je l’ai dis, le problème de l’intention ici, est complexe. Parce que s’agissant du Teng-kugri, et pour le milieu culturel du fait qu’aucun sentier souvent ne conduit à ces lieux, la profanation est toujours volontaire. C’est dire que pour le milieu et pour certaines localités notamment les Tansoaba ou (gens de guerre), qui ont des armes, l’expression du « Burkina » (homme intègre), « Kuum saon yandé », (la mort vaut mieux que l’humiliation). Seule donc la mort de l’auteur peut réparer si elle peut réparer, l’humiliation.

Dans le cas de Kalsaka, on a retrouvé les restes des fétiches. Ces restes ont-ils les mêmes pouvoirs que l’authentique ?
Me T F P :
Je viens de rentrer au pays. J’avoue que l’opportunité, ne m’a pas encore conduit à Kalsaka pour que je connaisse ces coutumes particulières, donc son Teng-kugri, même si évidemment celui, qui relève des principes généraux du sacré. Le Teng-kugri, comme je l’ai dis, c’est souvent de grosses pierres désagrégées implanter dans le sol. On n’a pas à les déplacer, parce qu’elles sont liées à un emplacement géographique. Leurs puissances cultuelles relèvent de leur présence au lieu de leur implantation.
Un Teng-kugri d’une circonscription administrative ne répond plus des origines réelles d’implantations de cette circonscription administrative. Le Teng-kugri n’a de sens, de valeur que rester dans son lieu d’origine d’implantation, parce qu’il signifie le lieu d’emplacement ou de référence d’origine du village.
Je signale qu’en raison de certaines diasporas, une communauté qui se déplace et qui arrive en un certain lieu peut faire d’une colline, son Teng-kugri. Cela peut répondre d’un dicton pour un groupe qui estime n’avoir pas eu un pouvoir qui leur revenait selon eux, et qui ont pris la fuite pour être arrêté dans leur marche par une colline. Le dicton dit «Koom san zoé ta tanga a taa tèka» (l’eau qui a atteint la montagne, a atteint son terminus).Ce point d’arrêt que marque la colline peut-être appelée le teng-kugri de cette circonscription administrative. Ce sont des particularités de région sinon, le teng-kugri est comme je l’ai dit, la pierre ou les pierres prisent pour poser qui marquent l’origine de la circonscription administrative, coutumière. J’ai dis que je ne connais pas le Teng-kugri de Kalsaka mais de ce que j’ai pu entendre et lire dans la presse, il semble qu’il s’agit d’un rocher, la matière évidemment est complexe parce que pour certaines zones, un tel Teng-kugri est le rocher. Dans sa configuration, dans sa réalité matérielle, dans son esthétique il doit rester tel. Je m’en remets à la décision ou à l’analyse que pourraient avoir, les anciens de ce village.
Mais pour certains villages, des morceaux quelque peu éparpillés, ramenés. Mais il en faut l’intégralité, qui doivent passer par des interrogatoires auprès des ancêtres pour comportements à avoir. Les temps ne sont plus les mêmes et les comportements des hommes et les nécessités de la vie modernes peuvent ne pas correspondre à la nécessaire connaissance naturelle des autochtones en regard de leur sacré. Sous cet angle, les mossé disent que « l’étranger ne connaît pas les trous ». Mais cela signifie aussi que ne connaissant pas les trous et voulant bien marcher dans le village, l’étranger se doit de se renseigner. Cela est un signe de respect et de considération pour lui-même et pour les autres. La stabilité générale, la paix, a concerné le village et l’étranger passe par cette prudence de la part de l’étranger, de tout faire pour connaître l’autre et éviter des désagréments pour l’autre et lui-même. Ainsi dans notre temps actuel, pour de telles situations, la coutume peut être claire et sans équivoque. Je regretterai personnellement si la destruction a pu être opérée à l’insu des autorités coutumières parce que le malaise devient certain et la solution difficile. A moins qu’il y ait de la tolérance des hommes.

Y a-t-il possibilité de réparer un tel préjudice ? Et comment ?
Me T F P :
Il est difficile dans mon entendement, de réparer un tel préjudice surtout si le site cultuel a connu des désagréments. La seule réparation possible, c’est de remettre la situation en l’état. Comment, j’avoue que je ne le sais pas. Il importe surtout dans mon entendement, qu’on garde et préserve en l’état, ce genre de lieu de culte avec leurs compositions physiques.
Si le mal est déjà fait, je crois que le problème ne peut se poser que dans l’histoire et les habitudes du milieu. C’est dire qu’il faut s’en remettre à l’autorité coutumière du milieu entourée de son conseil, pour des recherches de solutions si solution existe.

Le fétiche (Naab  Chaise) objet de la discordeY a-t-il déjà eu un ou des précédents du genre dans notre pays, et dont vous avez connaissance ?
Me T F P :
Je le regrette beaucoup pour notre pays, de nombreux les lieux sacrés de Teng-kuga ont été détruits par la colonisation et souvent hélas parachever par notre vie actuelle des lotissements. Prenant le cas de Ouagadougou, le lieu sacré de culte appelé « Zom-toeega » était dans la zone complètement dénudée aujourd’hui, de l’ancien camp fonctionnaire de Ouagadougou : entre l’aire de la paroisse cathédrale et la mairie centrale. En cette zone également était un site des plus importants de la capitale, la tombe du Moogho Naaba ZOMBRE qui recevait des rites séculaires. Et pour cause, c’est le Moogho Naaba ZOMBRE qui a fait de OUAGDOG (Ouagadougou), la capitale définitive du Moogho, qui deviendra la capitale du Burkina Faso. La tombe et le lieu sacrés ont été rasés. Le lieu sacré « Teens-kaongo » était situé côté Nord-est de l’actuelle Avenue du Moogho Naaba Wobgo (ancienne avenue Bassawarga), ce lieu sacré et son Teng-kugri en particulier, recevait les couples stériles en quête d’enfants). Les sites sacrés détruits à Ouagadougou sont nombreux et c’est dommage. Il y a même, des lieux sacrés de rites millénaires à Ouagadougou et ailleurs qui ont été expropriés par l’Etat pour cause d’utilité publique. A ma modeste échelle, je le déplore beaucoup parce que plusieurs de ces lieux ne sont pas seulement des centres d’expressions religieux, mais peuvent comporter des valeurs et des enseignements qui connu, auraient contribué, à la construction de nos peuples. Je vous cite un exemple.
J’ai préservé à cette fin, en truisant tous les lieux sacré de Manéga afin que le lotissement n’intervienne, des monuments, pour physiquement les matérialisés à interdire pratiquement à moins d’inconscience, leur destruction. Sur le plateau central de Manéga, il y a le teng-kugri appelé «Kinkir-gogo», essentiellement institué pour la chasse. C’est dans ce lieu qu’est construit le rituel de «Kinkir-gogo», c’est dans ce lieu, qu’il y a des animaux de toute nature et un monument que j’ai construit. Le rituel du Kinkir-gogo est annuel. Au jour du rituel, toute la population du village est conviée en ce lieu, les anciens procèdent à leur rite et immole un poulet, qui ne sera pas consommé. Il sera grillé, séché et accroché à une branche d’arbre. Toute la population est conviée dès lors, à aller dans la brousse et tuer les animaux sauvages. Les animaux qui seront tués ne seront pas consommés immédiatement, mais, seront frits et conservés. Pendant une semaine, la population va en brousse et revient avec ce qu’elle a pu tuer comme animaux sauvages. Au dernier jour, tous les chefs de famille sont conviés à amener des céréales, des ingrédients de cuisine, tout ce qui a été rassemblé de viandes sauvages est préparé et mangé ensemble par toute la collectivité.
Seulement, en dehors de cette semaine, qui a vu tuer autant d’animaux sauvages que possible, il était interdit à la population de tuer les animaux sauvages. Il y avait dans la population, sur une superficie qui atteignait coutumièrement 20 sur 30km, pas plus de cinq chasseurs coutumiers. Ils ne pouvaient évidemment pas détruire au cours de l’année abusivement, les animaux sauvages qui continuaient à pulluler dans la région.
A réfléchir et à analyser, avec notre vision moderne des sociétés, ce Teng-kugri, sanctuaire Kinkir-gogo par son existence, son rite, ses prescriptions signifient que l’homme des traditions a vu que sa vie imposait un équilibre avec la nature. On ne pouvait pas tuer n’importe comment des animaux sauvages. De même, il y a dans la région, un sanctuaire où il est interdit la coupe abusive du bois. Pour ces milieux, l’arbre est une vie qui doit être respectée. La coupe abusive du bois est contraire à nos traditions. A l’enfance, j’ai même assisté à un rituel d’un masque partie d’un Teng-kugri, qu’il anime et avec son fouet il devait frapper le tronc de tous les arbres fruitiers de la région, pour en autoriser la consommation parce que les fruits sont mûrs de l’appréciation du Teng-kugri, dont relève ce masque. De nos jours, les enfants tombent malades, parce qu’ils ont mangé des karités ou des raisons sauvages verts. Si ces garde-fous de rites de Teng-kuga même organisés autrement pour notre temps existaient de nos jours ou pouvaient recevoir application des principes de nos jours, l’homme pourrait vivre dans un milieu plus équilibré, plus sain, pour plus cordialité de fraternité et d’unité. C’est pour cela qu’il faut éviter le vandalisme actuel, la chasse inconsidérée aux sorcières que nous connaissons de notre temps contre les valeurs ancestrales, qui, n’emportent pas uniquement et exclusivement des éléments du religieux. Encore que cela mérite respect, mais aussi des éléments de protection et de construction de la vie sociale à être connu et à être exporté par nos gouvernances modernes.

Une compensation financière est-elle possible et envisageable ?
Me T F P :
A mon sens, une compensation financière est non seulement inopportune, non seulement interdite, mais surtout elle est injurieuse.
Il faut savoir que l’argent, en tant qu’argent, et même en tant que cauris de l’ancien temps, n’entrent de ma connaissance, dans aucun rituel sacré. On a utilisé l’argent dans le cadre civil par exemple à entrer dans la composition de la dote. Mais là-aussi, à ne relever que du pur symbole. A titre d’illustration du civil, jusqu’aujourd’hui à Manéga et depuis un certain temps (l’existence de la monnaie moderne) il est réglementé que la base de la somme monétaire, est le chiffre 100, (100 franc en mooré soit 500FCFA). Le chiffre coutumier symbolisant l’homme, est le chiffre 3, et celui, symbolisant la femme le 4. Dans la composition de la dote, la somme à offrir au père de la jeune fille est de 130 franc mooré (500F CFA plus 150F CFA) pour la mère, la somme à lui remettre est 140 franc mooré (soit 500F CFA plus 200F CFA). C’est dire que l’argent n’a pas un rôle financier important dans la gestion de la coutume. Même, si on est milliardaire, on ne peut dépasser ce montant.
Ramener à la destruction d’un lieu sacré, il appartient aux autorités coutumières pour gérer le problème avec les devanciers, les ancêtres, et de proposer la compensation, qui s’impose si une solution existe. Mais à mon sens, il faut éviter de mettre l’argent dedans. Je suis conscient, surtout de nos jours, que justement, des institutions financières, des sociétés commerciales peuvent jouer sur l’exploitation de la terre matérielle de laquelle en particulier, peuvent emporter l’existence d’un sanctuaire souvent millénaire.
En dehors de la superficie matérielle, culturelle du sanctuaire à ne pas être mise en cause dans toute tractation et de réparation qui m’apparaîtrait indécente et anti-coutumière, il serait de justice que les populations attenantes à ce sanctuaire, dont la vie rituelle et sociale relève de ce sanctuaire, partagent les mérites, les attributs, les potentialités de toute nature d’une terre, qui est la leur et celle de leurs ancêtres. Et tout exploitant n’a pas le droit d’agir ici en terrain conquis.

Mais qu’au moins au triple niveau administratif, judiciaire ou politique des solutions peuvent être trouvées ?
Me T F P :
Je crois au fond, pour ma part que ce problème, n’a pas à être élevé au niveau judiciaire.
Avant la justice, il y a d’autres comportements à observer qui éviteraient des dérapages dans les milieux concernés, d’où la nécessaire implication de l’autorité administrative et de l’Etat. Sur le site d’exploitation concerné, il m’apparaît indiqué que des enquêtes préalables soient faites auprès notamment des responsables coutumiers de la localité. Des dispositions ici, donc préalables devraient être prises pour éviter des incompréhensions avec les occupants coutumiers des zones, même si par principe l’Etat serait le propriétaire et donc gestionnaire exclusif de ces périmètres. Les désordres sociaux doivent être prévenus, anticipés quant à la connaissance et éviter en cas de comportements regrettables ultérieurs sur le site par quelque personne physique ou morale que ce soit. A mon sens, au besoin, les dispositions de forme d’exploitation peuvent être envisagées même par des travaux souterrains pour préserver certains sites névralgiques. Par ailleurs, qu’il s’agisse de sociétés nationales, ou en internationales, la courtoisie des règles coutumières des localités doivent être respectées. Il serait souhaitable que si une zone sensible était relevée dans un milieu coutumier, que le problème soit directement élevé auprès de l’autorité administrative immédiate et des autorités de tutelles en cas de nécessité pour une gestion de l’ensemble, quelque peu à trois, l’Etat, l’organisme d’exploitation de la mine et l’autorité coutumière, celle-ci, a droits à des exposés à l’autorité administrative et à être défendus. Les milieux traditionnels, il faut l’accepter, ne peuvent pas par eux-mêmes maîtriser les méandres des conventions et leurs incidences. Dès lors leurs droits coutumiers risquant d’être atteint selon eux par une tierce personne, il vaut mieux que leurs droits allégués soient d’abord intégralement exposés auprès de l’autorité administrative immédiate pour gestion avec eux. Ces droits s’ils sont grave atteints peuvent avoir échappé à l’autorité administrative suprême, qui a signé la convention. En raison, de cas de force majeure survenue à la mise en application d’une convention, l’Etat peut réexaminer la situation pour éviter un dérapage et qu’une situation ne porte atteinte à la paix sociale. Mais, si l’autorité coutumière entre directement en négociation avec la personne, physique ou morale bénéficiaire des droits d’exploitations, alors que cette autorité coutumière n’est pas nantie des bagages essentiels de défense de ses droits, elle peut poser des bases qui pourront contrarier ultérieurement la stratégie de défense des droits coutumiers. Des solutions peuvent intervenir, mais il faut que les bases, ne soient pas déjà faussées. Le terrain est complexe et glissant et il faudrait de la prudence pour tout le monde. Je pense à l’institution, qui a bénéficié des droits d’exploitations et le milieu coutumier, dont relève le site d’exploitation. Pour ces genres d’incompréhension, il vaut mieux toujours prévenir que guérir, parce que si l’on ne prévient pas par des mesures préalables, on peut déboucher sur des situations qu’on ne peut pas gérer. Nous déplorons à travers le continent des populations toujours en guerre contre les sociétés d’exploitations, parce que les bases légitimes des droits des uns et des autres, à tord ou à raison ont été méconnus. Comme je l’ai dis, ne serait-ce que pour les milieux coutumiers que je connais, des ententes préalables peuvent toujours intervenir à condition que l’on respecte les populations autochtones et que l’on n’agisse pas en terrain conquis même muni d’un parchemin..o

Frédéric ILBOUDO



20/11/2009
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