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Me Fatoumata BARRO, avocat/«Les réparations juridiques procurent à la victime une certaine paix et un sentiment de justice rendue»

Me Fatoumata BARRO, avocat
«Les réparations juridiques procurent à la victime une certaine paix et un sentiment de justice rendue»

Me Fatoumata BARRO, Avocat à la cours d’appel de Bobo

Ici comme ailleurs, les avocats ne se bousculent pas pour les dossiers de viols. Affaires délicates mais assimilées aux faits divers n’emballant pas, les cas de viols portés devant les tribunaux semblent rebuter les défenseurs de la veuve et de l’orphelin qui n’y trouvent pas leur compte. Heureusement que certains s’en sont fait un sacerdoce, ouvrant le feu sur les bourreaux de telles vilenies. Font partie des avocats déterminés dans cette lutte, Me Fatoumata BARRO, avocat installée à Bobo. Avec elle, nous avons voulu connaître l’état de la législation nationale dans les cas de violences sexuelles faites aux enfants, l’importance des réparations juridiques des enfants victimes, les obstacles des procédures, etc.

Le code pénal définit le viol comme l’acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, ou surprise. Il est réprimé par l’article 417 qui punit l’agresseur d’un emprisonnement de cinq à dix ans. Quoique la loi ne fasse pas de différence sur la qualité de la victime, elle a des dispositions qui protègent l’enfant. Pour la praticienne du droit, Me BARRO, «ces textes sont épars en ce qui concerne la prévention, la protection, la prise en charge et la réhabilitation juridique des enfants …» ce qui implique qu'il faille chercher dans plusieurs recueils de textes de lois pour forger sa ligne de défense.
Demblée, le premier écueil qui se présente dans la défense d’un dossier traitant d’un cas de violence faite à un enfant, c’est la qualification même de l’enfance. Qui est enfant selon la loi au Burkina Faso ? « Il y a des disparités dans les textes. Au civil, est enfant tout Burkinabè de moins de 20 ans, alors qu’au pénal, la majorité est de 18 ans. Première disparité. L’autre disparité, c’est celle constatée au plan social, politique, et militaire. Toute chose qui ne favorise pas une protection uniforme de l’enfant», affirme Me BARRO. Cependant, fait-elle constater, le code pénal en ses articles 431 à 438 garantit les enfants contre l’influence néfaste de certains lieux comme les bars, les débits de boissons, etc. Les articles 380 à 382, eux, protègent les enfants des mutilations génitales féminines. L’inceste, les attentats aux mœurs et l’incitation de mineurs à la débauche sont réprimés par la loi. Là où le bât blesse, soutient Me BARRO, c’est que "les volets pris en charges et la réhabilitation ne sont malheureusement pas pris en compte par la législation burkinabè. Les textes sus énoncés constituent la substance de la législation en matière de protection et de prévention de l’enfant contre les agressions sexuelles. Il est donc évident que des lacunes subsistent. Pire, la mondialisation et l’avènement des TIC véhiculent aujourd’hui des pratiques qui font des adeptes dans nos pays. Des pratiques qui sont hautement répréhensibles mais, qui malheureusement ne sont pas prévues et punies par nos textes. Sont de ces pratiques, la pédophilie». Malgré les lacunes de nos lois, la réparation juridique pour les enfants victimes est nécessaire aussi bien sur le plan pénal que civil. Et Me BARRO de soutenir qu’«il est du devoir de la Société de protéger l’enfant, le mineur, et la répression des auteurs revêt une fonction éducative en sus des sanctions stricto sensu de l’acte répréhensible. Il faut que les gens comprennent qu’il n’est pas normal d’abuser d’un enfant. Les réparations civiles ou pécuniaires combinées à la réparation pénale procurent à la victime une certaine paix et un sentiment de justice rendue».
Avec l’Association Solidarité Jeunes, Me BARRO affirme que le bilan de la lutte engagée au niveau des tribunaux est satisfaisant : «A la date du 15 juillet 2006, 34 cas d’abus sexuels et 64 d’exploitations sexuelles, soit au total 95 cas, ont été recensés et examinés. Au titre de l’année 2006, 08 cas d’abus sexuels et 19 cas d’exploitations sexuelles, soit 26 cas, sont en cours de traitement. Quand on sait que le partenariat avec l’ASJ s’est établi qu’en 2005, à Bobo, nous pensons qu’il y a des motifs de satisfaction.»
En dépit des progrès enregistrés dans la lutte, des obstacles subsistent. Ce que note l’avocat qui pense que «le problème de coût de la production de certains documents comme l’acte de naissance des victimes, leurs certificats médicaux, et les casiers judiciaires de l’agresseur, sont des équations pour les familles qui, pour la plupart, vivent dans la pauvreté». Si à cela on ajoute le manque de moyens logistiques au niveau de la police et de la gendarmerie, on peut dire que la lutte n’est donc pas gagnée d’avance.

Par Frédéric ILBOUDO



25/09/2008
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